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rédaction: Laura Henkelmann
escofle f. et m.
[ÉtymologieL’étymon abret. *SKOFLA du FEW 12,8a reprend skofla du REW 8003b qui arrange le rattachement à bret. scoul de Diez II.c. (p. 567). C’est un calque du fr. escofle, exactement comme HenryBret 243 explique «skoul s.f. “milan”, corn. scoul: pour *skouvl < *skoufl, attesté par fr. écoufle, empr. br.» Le français expliquerait ainsi l’histoire du mot breton. La comparaison interceltique et l’histoire du mot breton indiquent, au contraire, que le point de départ est une forme *SKUBLO, appuyée par l’abret. scubl poursuivie par le bret. skoul (depuis GlLag1499), dans lequel le -b- s’est désoccludé pour devenir le second élément de diphtongue de skoul (cf. Delamarre 268; Matasović, Etymological Dictionary of Proto-Celtic 344). D’autre part la forme du fr. de Bretagne, mfr. escouble (GlLag1499), concorde tout à fait avec ce point de départ et absolument pas avec ce *skofla.
Étant donné l’extension de ce type lexical en galloroman, il n’y a aucune chance pour qu’elle ait pris son départ dans un emprunt au breton. La comparaison interceltique montre que l’étymon doit être gaulois. Ce qui le confirme c’est la variation des formes gallo-romanes. Il suffit de comparer avec tabula et stabula pour trouver des formes table et tavle, estable et estavle qui correpondent aux formes escoble et escofle, par l’opposition entre bilabiale et labiodentale. La différence est que la bilabiale est beaucoup plus fréquente pour table et étable, tandis que c’est la labiodentale pour écoufle. Cette dernière forme a supplanté le type e(s)co(u)ble qui, depuis Chrétien, semble ne survivre que dans l’Ouest (sermon Gdf 4,253a sous geline [escoble]; GlBNlat7684M 218b,22 [escouble]; GlLag1499 [escouble]) jusqu’à l’époque cotemporaine (bmanc.). Leur rareté ne doit pas conduire à les omettre(1).
V. encore L. Louison, “Escoufle, hüa, milan, nieble: analyse lexicologique”, 115 (2009) 109-131(2).
Rem. no 1: L’écoufle ne peut être dressé pour la chasse, c’est pourquoi il a été peu estimé, cf. p. ex. AdHaleRobV 128 où la comparaison du faucon de Robin à un écoufle ridiculise son propriétaire (AbeeleFauc 59); de plus, il paraît impertinent et bruyant (cf. BestPierre1R1, cité infra, et BonBergL 51). Ses pieds jaunes sont relevés dans CoincyI10K 527, CoincyII20Kr 752 et GuillMarM 11445, bien que la plupart des rapaces aient des pieds jaunes.Rem. no 2: Dans certains textes chrétiens, l’écoufle sert de métaphore du diable qui essaie d’attraper les hommes pécheurs (cf. YsEudeR 50; etc.).Rem. no 3: AudigierJ et CarCharL plaisantent en évoquant l’écoufle en tant que repas; la Bible interdit la consommation des rapaces, jugés impurs (A.T. Lv 11,14; AbeeleFauc 71).Rem. no 4: Rol41G 2641 contient un escobles dans un vers incompréhensible, correspondant au vers RolS 2445, défectueux à son tour (cf. G. Mellor MLR 61, 1966, 406). Une appartenance au présent article paraît exclue.
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(escofle JerusT 1448; RenM VII 803; XI 553; CoincyI10K 527var., escoffle BestPierre1R1 438; AudigierJ 130; CoincyI11K 1004, ecofle(3) GlBNhébr1243 LevyTrés; GlLeipzigBa 2825, escoufle 1em. 12es. PsCambrM 103,17; Aiol2F 7123; EscoufleS 4544; 6812; 6816; 6829; 6856; GuillDoleL 5417; ChevBarAnS 131; OmbreB2 23; CoincyI19K 553; GuillMarM 11445; CoincyII29K 752; 762; MousketR 8278; 17181; CarCharL 140; FlorOctOctV 1141; RosemLangl 13716; YsEudeR 50 (2 att.); 51; 181; 353; etc.; 384; 385; 389; 476; 477; 527; 528; 530; AdHaleRobV 124; CarCharL 140; DrouartB 1435; 1639; 1662; 1673; JugAmO D 162; RenNouvR 145; BibleMacéV 6441; ChaceOisiM I 58,19; I 59,33; I 59,41; ProprChosZ II 351; RenContrR 33883; YsiAvB VI 30; BastC 249; CoincyI10K 527var.; GilMuisK 1,181,21; 1,182,1; GlParR 5.322; [ModusT 117,32; 118,510; BonBergL 51], escouffle AmAmD 1754; BestPierre1R1 438; JugAmS 162; CoincyI10K 527; CoincyI42K 134; [HugCapL 5379; JFevLamentH III 712], escufle CommPsia1G XVI 237; MarieFabW 3,73; 3,79; 4,12; 4,29; 86,1; 86,5; ChardryPletM 837; YsEudeR 351; 352; 355; GlDouceH2 510; GlGuillI 223, ⁠agn. escuffle GlGlasgE 163b, ecoufle ThomKentF 2401, scufle GlStowe fo 158ro, coufle JGarl HuntTeach 140; NicBozMorS 20; 121; 171; NominaleS 789, cuffle JGarl HuntTeach 152, ⁠champ. lyon. escoble CligesG 4377; sermon ca. 1300 Gdf 4,253a sous geline)
  • “oiseau de proie diurne de la famille des Accipitridés, au plumage brun roux (pour le milan royal) ou brun noir (pour le milan noir), à la queue triangulaire (paraissant nettement échancrée à l’état plissée: milan royal), poussant des cris forts, ne se laissant pas apprivoiser, milan” (dep. 1em. 12es.(4), PsCambrM 103,17; CligesG 4377; MarieFabW 3,73 [Uns escufles i vint roant, Vit la suriz ki vait pipant. Les eles clot, a val descent; Li e la reine ensemble prent]; 3,79; 4,12; 4,29; 86,1; 86,5; GlStowe fo 158ro; RenM XI 553; ThomKentF 2401; JerusT 1448; RenM VII 803; AmAmD 1754; BestPierre1R1 438 (ch. 38 Li escouffles) [escoffles… c’est uns moult ort oiseax, car il vit de moult orde cose: de ras et de sorris, et de boiaus de poisons et de bestes, et de tels ordures que on gete hors des maisons des bones gens. Quant cist oiseax vole et quiert sa proie, si crie sovent et torne son col et regarde tot environ lui sor la terre por veïr se il peüst trover rat ou boel ou altre ordre caroigne qu’on eüst geté fors]; JugAmS 162; EscoufleS 4544; 6812; etc.; 6816; 6829; 6856; ChardryPletM 837; ChevBarAnS 131; OmbreB2 23; CoincyI11K 1004 [Ainz vont (les chevaliers) en boz et en riviere Et comportent deseur leur moffles Leurs cüetes et leurs escoffles(5)]; CoincyI19K 553; CoincyII29K 752; MousketR 17181; GlGlasgE 163b; GlBNhébr1243 LevyTrés; CarCharL 140; YsEudeR 50 (2 att.); 51; etc.; 181; 351; 352; 353; 355 [Mes les uns, quant le deable les susvole, ne viennent pas a Jhesu Crist mes se herdent a lor pechiez ou a putaim ou a ivresce ou a coveitise e vient le deable, maveis escoufle, e ravist un tel foul pocin]; etc.; 384; 385; 389; 476; 477; 527; 528; 530; AdHaleRobV 124; DrouartB 1435; etc.; 1639; 1662; 1673; GlDouceH2 510; GlLeipzigBa 2825; JugAmO D 162; RenNouvR 145; BibleMacéV 6441; GlGuillI 223; JGarl HuntTeach 152; sermon ca. 1300 Gdf 4,253a sous geline; ChaceOisiM I 58,19; I 59,33; I 59,41; JGarl HuntTeach 140; NicBozMorS 20; 121; 171; NominaleS 789; RenContrR 33883; YsiAvB VI 30; BastC 249 [Crestien desrompirent le grant estour frarin, Si se fierent en iaus qu’escoufles au pouchin]; CoincyI10K 527var.; etc.etc.; [GilMuisK I 181,12; 1,181,21; 1,182,1; GlParR 5.322; [HugCapL 5379; ModusT 117,32; 118,510], TL 3,935,36; Gdf 3,410b; ANDEl; DMF; LevyTrés 86a; BangertTiere 514; BormannJagd 75; 191; Hu 3,623a; Li 2,1291c; Lac 6,17a; FEW 12,8a)
  • “id.”, comme nom d’un roman d’aventure (ca. 1201, EscoufleS titre [un milan happe une oublie contenant un anneau de fiançailles; sa quête forme le cadre du roman d’aventures où les fiancés se retrouvent finalement])
  • "id.", comme repas (dans une satire)⁠ (déb. 13es.déb. 13es.; fin 13es., AudigierJ 130 [Il orent un escoffle pris a la glu, Dont il furent le soir molt bien peü (antiphrase)]; CarCharL 140 [Dist uns escoufles fameilleus (poème allégorique et satirique: un plat combattant d’autres plats parle)])
  • “id.”, dans des comparaisons dépréciatives⁠ (1164ca. 1435, CommPsia1G XVI 237 [Les eiles Deu apele il caritatem et misericordiam, et thuche ci la nature de la geline qui acovete ses polés et sis defent des aguaiz des aigles et des escufles]; GuillDoleL 5417 [il le tient pires q’escoufles]; CoincyI10K 527; CoincyI42K 134 [les (mauvais) tient pires qu’escouffles]; GuillMarM 11445 [Plus fu (li legaz) jaunes que pié d’escoufle]; CoincyII29K 762; MousketR 8278 [l’aigles vaut mious d’escoufle]; FlorOctOctV 1141 [De mes .ii. bues a fait meschief, Donés les a por un escoufle, La char ne vaut pas une mufle]; RosemLangl 13716 [(les femmes) ravissent (les hommes) come uns escoufles]; ProprChosZ II 351 [ne les (les dames indécentes) pris la queue d’un escoufle], Ziltener no 4145-59; DMF)
escoflel m.
(escoflel 4eq. 12es. RenM XI 554 (pl. -eax); PelVie Gdf (pl. -eaux), escouflel RenM VII 801var. (pl. -iaus); [PelJChrS 4495; 4535], escoufflel doc. Lille 14es. Gdf (pl. -eaux))
  • “petit d’un escofle (4eq. 12es.1358, RenM VII 801var.; XI 554 [Amont regarde, s’a veü Un ni d’escofle qui ert baux, Dedenz avoit quatre escofleax Ausi dru conme pere et mere]; PelVie Gdf; doc. Lille 14es. Gdf; [PelJChrS 4495 [les escouflaus (var. -iaus, -iaux, impr. ca. 1500 -eaux) des .iii. nis]; 4535 [plumage d’escouflaus (var. -iaus, -eaux, impr. ca. 1500 des coufleaus)]], TL 3,936,43; Gdf 3,410b; 3,410c; TilLex 67; FEW 12,8a)
(1) Nous devons ces considérations étymologiques à Jean-Paul Chauveau.
(2) Note 49 ‘Wörterburg’ [= TL]: erreur plaisante; ne connaît pas le DEAF [huan].
(3) La translittération hébr. documente la chute régulière du s préconsonantique (Pope § 377).
(4) Devenu rare en frm.: absent du TLF, présent dans la déf. de milan (royal) du RobP2; est lemme dans Quillet 1969 (‘vulg.’) et dans Rob 1986 (‘rég.’) et est admis officiellement dans le jeu de scrabble (en l’an 2019).
(5) Gdf 3,410b cite cette att. sous la définition erronnée “sorte de vêtement de cuir ou de peau”, erreur reprise par FEW 21,520b sous casaque, corrigée dans le gloss. de CoincyI11V p. 255 et dans la Base des mots-fantômes de l’ATILF.