DEAFplus
article imprimé
rédaction: Maud Becker
esneche f. et m.
[ÉtymologieDe l’anor. SNEKKJA “bâteau de forme allongée et de largeur réduite, à l’étrave élevée se terminant en un limaçon décoratif” (HolthausenAnor 269a; DeVriesANord2 523b) < germ. snêka (FalkTorp 518), soutenu par aangl. snacc (BosTol 890b), mangl. snak (MED 10,50a), norv. dan. snekke (FalkTorpNorw 2,1092), mnéerl. snicke (dep. 1374, VerVer 7,1420; VerWub 552b), aha. snegga (Schützeichel 300b; Köbler 993a snagga; Graff 6,839 snagga). Un étymon mnéerl. snik est proposé par Nyrop 1,20. Valkh 127 réfute cette proposition, l’introduction du mot dans l’afr. par la Normandie viking, et son essaimage en littérature agn. et norm. étant plus plausible. Le mlt. présente des formes vernaculaires latinisées: sneckas (dans un texte danois, cf. R 54,384), snekae (ms. snakae) et esneckarum (ms. esnekarum; dans un texte anglais, cf. Schultz 2,327-328; LathamDict 2,3107b). Voir aussi occ. isnequas et esnequas (cités par FEW, Constans Annales du Midi 20 (1908), 383 et RF 23 671: il s’agit du même doc. édité par Constans). La nature exacte du bâtiment est incertaine: Paris, dans son gloss. à Ambroise, p. 492a, définit “navire de transport, plus large et plus lent que le dromon”. Il est suivi par Roques TraLiLi 15/1,248, en raison du contexte, qui décrit un navire chargé d’hommes et de provisions [Bescuit chargerent e farine, Vins e chars et estoremenz; Si fud fait uns comandemenz Qu’a dis jorz vitaille portassent, E que li mariner guardassent Que lors venissent od lor barges, Costeiant l’ost od tot lor charges, E les enekes ensement Venissent après prestement, De vitaille e de genz chargees, Armees e apareillees]. L’extrait n’est toutefois pas complètement concluant, puisqu’il décrit un navire de guerre, équipé pour une expédition d’hommes et réserves alimentaires. La plupart les éditeurs supposent que le terme désigne un bâteau rapide, à coque longue, notamment utilisé pour la piraterie (“Raubschiff” REW 8046; “schnelles Raubschiff” FEW 17,159a)(1). Peu de contextes précisent l’usage du bâteau, mais le bâtiment semble avant tout être employé pour le transport de personnes, généralement des guerriers. La recherche archéologique considère que la snekkja, ou snekkar, est un bateau de guerre long et fin utilisé en cas d’expéditions en eaux peu profondes, pouvant être manié à la voile ou aux avirons, présentant une vingtaine de rames, ou plus, comprenant souvent une annexe ou un canot de bord, ou les deux, sans doute comparable au skuldelev n°2 de Roskilde – cf. aussi FrahmMeer 46 qui suppose qu’un bâteau de plus grande dimension et plus renforcé a évolué en France à partir de l’original scandinave. Les graphies peuvent être divisées en deux groupes, indiquant une vraisemblable palatalisation (-cc-; -cch-; -ch-; -g-; -sch-) ou son absence (-ck-; -k-; -qu-). Le FEW suppose que ces deux groupes indiquent le statut incertain du yod – voir également PinkernellSee 19, 95 – alors que Sjögren R 54,383,n.2 soutient que la dépalatalisation de [k] était déjà effective en danois au moment de l’emprunt en anorm. La forme indiquant un [tʃ] ou [ʃ] serait alors une francisation de l’emprunt anorm. La répartition des graphies ne confirme néanmoins pas ce phénomène. Les graphies supposant une palatalisation sont plus rares, mais apparaissent dans le premier texte à porter le mot, chez Gaimar (ca. 1139, mss. agn. déb. 13es., esnecce ⟨: brecces⟩, agn. déb. 14es. esneches ⟨: breches⟩). Les autres textes contenant une graphie attestant de la palatalisation sont RouH (ca. 1170, ms. norm. ou agn. déb. 13es. et var. dans ms. s.l. fin 14es.), AntiocheD (fin 12es., ms. art. mil. 13es.), WaldefH (déb. 13es, ms. agn. ca. 1300) et une att. isolée dans le texte latin de Sanutus (ca. 1330). Les textes présentant une graphie soutenant l’absence de palatalisation sont plus nombreux et le premier texte dans lequel cette graphie apparaît est BenDucF (ca. 1174, ms. ang.-tour. fin 12es.). Les autres graphies comparables se rencontrent entre la seconde moitié du 12es. et ca. 1243 et les mss. les contenant sont agn.(2), pic. et champ. Ultimement, bien que les réalisations graphiques de la palatalisation semble majoritairement représentée dans les mss. agn., leurs valeurs et le statut-même de la palatalisation en agn. sont incertains, cf. ShortMan2 §26,1; BueveAgnS 234-236.]
(esneche GaimarS 5459 [esnerhes l. esneches]; AntiocheD 1,431; WaldefH 7205; 12531; Sanutus DC, esnecce ca. 1139 GaimarB 5453, esnesche RouH III 9849 var. ms. fin 14es., esnecche WaldefH 4470, esnege RouH III 9849, esneque BenDucF 29335; AthisH 13942; EustMoineH 2275; MousketR 20946, esnesque AthisH 13945 var. ms. 1299 [esnelques l. esnesques], esneqe Aiol2F 10593, esneke EdmK 1375; 2031; MousketR 20995, esneske AthisH 13942 var. ms. 4eq. 13es.; 13945 var. ms. 4eq. 13es., esnecke EdmRu 1377; ChGuillM 213; 3518; 3522, eneke AmbroiseP 537; 1181; 1475; etc.1878; 2097 [AmbroiseA 2094 = esneke]; 2851; 3170; 4703; 5557; 7927, eneque AmbroiseP 1264; 1522, eneske AmbroiseP 3184, snecke EdmRu 2033(3), sneke EdmRu 1371)
  • ⁠t. de marine “navire de guerre rapide caractérisé par une coque longue et étroite, manœuvrable à la voile et à l’aviron, typique des mers du Nord” (ca. 1139mil. 13es., GaimarB 5453 [Un an aprés l’evesque Elwine E Siward [Barn] en la marine Murent d’Escoce od nod esnecces (éd. S, ms. déb. 14es. esneche), Tresqu’en Humbre siglent es brecces]; RouH III 9849; BenDucF 29335; Aiol2F 10593; AntiocheD 1,431 [(Corbaran parle à Soliman:) Li soldans… vos mande d’or fin une esneche rasee (“remplie à ras bord”; var. ms. tourn. ca. 1285 anesse rasee; ms. fin 13es. demie une caree)]; EdmRu 1371 [la nef fu un’ esneke (ms. déb. 14es. une sneke; éd. K, ms. 1em. 14es. la nef fu forte e mult) bele, Bien feite, seüre e ignele, Ou seint Edmund esteit, ly ber, Kë unkes mes ne fu en mer]; 1377; 2033; AthisH 13942 [Li rois Bilas plus ne se targe. N’i remest nés, buce, ne barge, Dromonz, galie, chaz ussiez Ne esneque n’i trovisiez Ne fust chargiee a sa meniere Et si con sa façon requiere, Car es chaz sont les armëures, Es ussiez les chevauchëures, Es buces sont li chevalier Et es galies li archier, Et les esneques et les nés Portent les tentes et les trés Et les serjanz et la pietaille, Ces genz qui servent por vitaille…]; AmbroiseP 537; 1181; 1264; etc.; 1475; 1522; 1878; 2097; 2851; 3170; 3184; 4703; 5557; 7927; WaldefH 4470; 7205; etc.; 12531; etc.etc.ChGuillM 213; 3518; 3522; EustMoineH 2275(4); MousketR 20946; 20995; Sanutus DC(5) [Jacobus de Avesnis cum multitudines navium, quas esneches appellant, adducens Flandrenses…], TL 3,308 [renvoi]; 3,1134; Gdf 3,503b; ANDEl [sneke, à fondre avec esnecke]; Gay 1,662b; FEW 17,159a)
(1) La précision “bateau à la poupe ronde (de pirate), origine viking” du gloss. de AntiocheD est sans fondement.
(2) Toutefois, le représentant agn. de ce groupe, EdmK esneke ⟨: deshaneke⟩ est considéré par ShortMan2 §27,4 comme étant palatalisé, prob. parce qu’il rapproche deshaneke du verbe harneschier, erreur courante chez les scribes, voir → haneke DEAF H 131.
(3) Corrigé en esneckes pour l’octosyllabe.
(4) Gay 1,662b édite estèques, prob. pour rimer avec arbalestres. À corr.
(5) L’att. provient du Liber Secretorum Fidelium Crucis, uniquement disponible via une éd. de 1611, par Jacques Bongars: Marinus Sanutus (Venise, ob. 1338), Liber secretorum fidelium Crucis super Terrae sanctae recuperatione… p. 196.