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esposaille f.
[ÉtymologieDu lt. SPONSĀLIA n. pl. “fiançailles (souvent d’enfants, des années avant le mariage, pas obligatoire avant l’influence de l’Église cath.)” (OLD 1810a); pour le mlt., cf. LathamDict 2,3168c: sg. et pl., “fiançailles; mariage”, aussi “offrande due pour l’acte de mariage”. Des continuateurs du mot lt. se trouvent également dans d’autres langues romanes: aocc. esposalhas pl. (dès 1269, Rn 3,185a), cat. esposalles pl. (dep. 1332, AlcM 5,456b; CoromCat 3,668b), esp. esponsales, esposayas pl. (dep. 1241, Corom2 2,752b), port. esponsaes pl. (dep. 16es., Mach3 2,469, d’après Morais10 4,793a), it. sposaglie pl. (14es. – 1709(1), Battaglia 19,1017a sposaglia sg.).
Emprunté à l’agn.: angl. espousal et spousal sg. et -s pl. (dep. av. 1325, MED 3,255a; OED3).
En afr. semble prévaloir le sg., le pl. devient régulier en mfr. Le DMF a isolé le syntagme faire les espousailles, présent dès la première att. (LapidalS, v. les contextes, infra).
Rem. no 1: Pour le i svarabhaktique dans la finale des graphies agn., cf. ShortMan2 § 50.Rem. no 2: La distinction sémantique moderne entre “fiançailles” et “mariage” s’avère difficile sinon impossible pour le Moyen Âge. Non seulement les fiançailles inauguraient le processus du mariage, mais elles en étaient aussi une étape fondatrice(2). C’est pour cette raison que nous ne suivons pas le FEW qui établit un sens “fiançailles” basé uniquement sur l’attestation douteuse tirée de Cliges. Cf. aussi Schultz 1,622-624.Rem. no 3: Il ne semble pas aberrant de considérer le sens 3° comme une création par métaphore hardie. L’absence de ce terme et des termes espouser, despoux (1617) et siege “place de port” (toujours CoutEau) de la lexicographie (sauf Jal2) est remarquable (Gdf ayant lu ce texte).]
Rem. no 1: Pour le i svarabhaktique dans la finale des graphies agn., cf. ShortMan2 § 50.Rem. no 2: La distinction sémantique moderne entre “fiançailles” et “mariage” s’avère difficile sinon impossible pour le Moyen Âge. Non seulement les fiançailles inauguraient le processus du mariage, mais elles en étaient aussi une étape fondatrice(2). C’est pour cette raison que nous ne suivons pas le FEW qui établit un sens “fiançailles” basé uniquement sur l’attestation douteuse tirée de Cliges. Cf. aussi Schultz 1,622-624.Rem. no 3: Il ne semble pas aberrant de considérer le sens 3° comme une création par métaphore hardie. L’absence de ce terme et des termes espouser, despoux (1617) et siege “place de port” (toujours CoutEau) de la lexicographie (sauf Jal2) est remarquable (Gdf ayant lu ce texte).]
(esposaille 1ert. 12es. LapidalS 314; ProvSalSanI 1957; BenDucF 43190; CligesG 2335; ProtH 10912; ThomKentF 1870; RomRomT 61; AmbroiseP 4143; ContGuillTyrA XXXII 21; FoukeH 14,28; etc.etc.NicBozMorS 163; doc. 1311 YearbEdwiiB 5,40; 5,75; [ThomKentF 1870], esposaile CantLandP 2809; CantKiVotH 1429; ChronTrivR 174,18, esposeile EvNicAgnP 298, espousaille ProtH 12668; BeaumJBlL 2234; doc. (reg.) ca. 1275 Tailliar 242 no157; doc. Evreux 1276 GdfC; GlDouaiR 726; CoutEauB 299 (ch. XVI); GGuiB 1,269; doc. 1309 CartEngMarF 264 n°122; 267 n°123; ContGuillTyrA XXXII 21var.; OvMorB IX 3016; etc.etc.HerbCandS 2,363,2453; TombChartr2S 97; [AalmaR 11697], espousalle doc. 1337 AN JJ 70 GdfC; [FroissChronL 8,30 (2 att.)], agn. esposayle doc. 1292 YearbEdwiH 20,271; FoukeH 10,1; doc. 1317 YearbEdwiiC 11,262, esposallie DomGipT 142, esposayllie DomGipT 142, esposalie AlexDoctdH 15, espousaillie LReisEnglF 140,33, espusaille RouH III 1406; AdgarK XXXVI 258; ProtH 10988; 11364; ChardryPletM 1365; EvNicChrP 303; 299; GrossetChastM 720; CantKiVotH 342; 914; ThomKentF 1870var., espusaile HArciPèresO 1349, esspusaille TristThomB 227, espusalie EdConfVatS 1193; 1335)
- ◆1o“union légitime (par le sacrement du mariage) d'un homme et d'une femme, mariage; cérémonie du mariage” (dep. 1ert. 12es., LapidalS 314 [Qui ceste pere [= Berillus] portera, Seit hom u femme qui l’avra, As esposailles que il fera, Jamais entre els ire n’avra]; ProvSalSanI 1957 [Le covenant ad oublié K’ele out fait devant Dampnedé, Ki testimonie en velt falser, Sa fei mentir e trespaser, Quant l’esposaille li pramist E afïat quant il la prist]; EdConfVatS 1193; 1335; RouH III 1406; BenDucF 43190 [Il sis cors fist les esposailles]; CligesG 2335 [Le jor feites les esposailles…; as noces]; AdgarK XXXVI 258; ProtH 10912 [De par Deu fesum l’esposaille]; 10988; 11364; 12668 [Ore est bien le terme venuz Saunz purloignaunce e saunz faille De l’asembler par espousaille]; ThomKentF 1870; TristThomB 227 [Je voil espuser la meschine Pur saveir l’estre a la reïne, Si l’esspusaille e l’assembler Me pureit li [= Ysolt] faire oblier]; RomRomT 61 [Quant hoem e femme s’asemblent d’esposaille, Grant est la joie a cele començaille; Mais il ne sevent combien durt ne quant faille, A costume est a doel la desevraille]; CantLandP 2809; AmbroiseP 4143 [E escomengierent e distrent, Come cil qui l’oserent dire, Que il ot feit treble avoltire, Ne Deus n’iert a lor esposailles, Ne a iteles assemblailles]; etc.etc.; ChardryPletM 1365 [Chescune femme devant l’espusaille Mult beal semblant vus fra sanz faille]; EvNicChrP 299 [E nus fumes, n’en dutez mie, Es espusailles de Marie]; 303 [K’il esteit nez sulum la lei En espusaille devant sai]; ContGuillTyrA XXXII 21 [le fiz dou prince d’Antioche, de quoi les esposailles furent faites en l’isle de Saint Thomas]; GrossetChastM 720 [E puis est la foreine baille La sue seintime espusaille]; BeaumJBlL 2234 [Fille, sans demour Serois contesse de Clocestre, S’il vous plaist que le voelliés estre. J’ai pris le jour plevissailles, Puis prenrons jour des espousailles]; AlexDoctdH 15 [nuptias : gallice esposalies]; HArciPèresO 1349 [En une cité fui, En la quele tençuns e barates commui Entre les genz qui furent a unes espusailes, Si s’entreturent e firent granz merveilles; E surquetut l’espuse meme fis occire]; CantKiVotH 914 [Quant hume et femme en la ley se sunt marié Par espusailles, amdeus sunt en une char cuplé]; 1429 [Le jur des esposailes kant Seinte Eglise prent]; EvNicAgnP 298 [Kar esposeiles faites sunt]; etc.etc.; doc. Evreux 1276 GdfC; GlDouaiR 726 [desponsatio : espousaille]; LReisEnglF 140,33 [Cestuy Roberd engendra William le Bastard, que pus fu rey de Engleterre, ki issi est apelé pur ceo que il fust engendré hors des espousaillies]; doc. 1292 YearbEdwiH 20,271 [e uncore vous dium ke yl fut nee e engendré dedeyns esposayles]; etc.etc.; GGuiB 1,269 [Et d’espousailles tesmoingnoient Que li prestres qui les joingnoient Estoient fous, musars et nices]; doc. 1309 CartEngMarF 264 n°122 [(contrat de mariage) mariage…; feront faire les espousailles des devant diz fieus et fille…; fianchailles]; 267 n°123 [espousailles et le mariage…; les fiançailles et li mariage, confirmation du même mariage par Philippe le Bel]; etc.etc.; DomGipT 142 (bis) [dette qe sa femme devoyt avaunt lour esposayllies]; FoukeH 10,1 [Willam Peverel tint une feste mout riche a les esposayles]; 14,28 [Le evesqe vint, e a grant honour fist les esposailles]; etc.etc.NicBozMorS 163 [Dieux vynt manger en un esposaille ou il… tourna l’ewe en vyn]; doc. 1311 YearbEdwiiB 5,40 [des esposailles ne de matrimoigne ceste court ne purra pas conustre]; 5,75 [Il dona avant les esposailles]; doc. 1317 YearbEdwiiC 11,262 [il engendra Richard deinz lez esposayles]; OvMorB IX 3016 [Qui vit onques mais espousailles Sans espous?]; ChronTrivR 174,18 [la primer nuit de cez esposailes s’en fui priveement de sa femme]; TombChartr2S 97 [N’ot plus cure des espousailles Donc lïes sunt les commenchailles Et la fin ploreuse et dolente]; doc. 1337 AN JJ 70 GdfC; [FroissChronL 8,30 (2 att.) [Et eut illuech au jour des espousalles grans festes et grans reviaus et fuison de signeurs et de dames pour la feste plus efforcier. Tantos apriés les espousalles, li dus amena ma dame sa femme en le cité]; AalmaR 11697 [sponsalia.liorum : espousailles]], TL 3,1244; GdfC 9,548c; ANDEl; DMF; TLF 8,34a; FEW 12,210a)
- ◆au fig. “alliance spirituelle ressemblant au mariage (ici l’âme s’unissant à Dieu)” (2em. 13es., CantKiVotH 342 [Juvenceles sunt les almes en entendement… Pur ce ne sunt pas digne de tel aprochement, De tel espusaille a Deu Omnipotent], AND)
- ◆2opar méton. “bague de fiançailles, de mariage” (déb. 13es. – ca. 1260, HerbCandS 2,363,2453 [il demande espousailles, bons aniax d’or ou prois, et trente mars d’argent]; doc. (reg.) ca. 1275 Tailliar 242 no157 [Li orfevre ne puet en faire espousailles, se par le maistre de le monnoie non u par sen compaingnon ke il ne pait .i. sestier de vin a despendre entre les compaingnons, contrôlé par Monique Mestayer, arch. Douai, 2 déc. 1986], TL 3,1244; Gdf 3,547a; FEW 12,210a)
- ◆3opar métaph., t. de mar. “premier enrôlement dans un port (de bateaux; entraînant des droits portuaires)”(3) (fin 13es., CoutEauB 299 (ch. XVI) [Quant une nef feicte en Engleterre vient a Rouen, si en doit l'on au roi .iij. s. pour les espousailles et .iij. s. por le siege (“place de port”) et .x. d. as sergans. Et, se el a esté espousee autre foiz, si que l'en le puisse veir et aperchevoir par merel ou par signe que ele l'oit esté, ele ne doit que .iij. s. por son siege, qar tozjours doit ele son siege, espousee ou a espouser (fo 23vo-24ro) … Et se ele fu feite en Engleterre, bien soit ele de Flandres, si doit ele estre espousee (fo 25vo-26ro, vérifié); commentaire de 1617, ib. p. 380-381 (quater) La nef… pour son siége .iii. s. Et si c’est son premier voyage qu’il aura fait à Rouen, payera le maistre pour son despoux et nouvelle arrivée, encor .iii. s.], Jal2 559b [ib. aussi espouser, v. → esposer2 DEAFpré]; ad FEW 12,210a)
(1)
A. da Somavera, It.-Gr. 1709, 456c, aussi Duez 1662 394c.
(2)
Cf. G. Ribordy, “Les fiançailles dans le rituel matrimonial de la noblesse française à la fin du Moyen Âge: tradition laïque ou création ecclésiastique?”, Revue historique 2001 (620), 885-911. Traite aussi de l’emploi ou non du terme et de la forme du mariage en France, établie aux 12e-13es.
(3)
Cp. les droits dûs à l’Église pour le mariage, LathamDict 2,3169a, 3°. Considérer que l’application de cette coutume d’un port normand (Rouen) concerne des bateaux construits en Angleterre et ceci après l’annexion de la Normandie par le roi français.