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rédaction: Sabine Tittel
faisnier v.tr.
[ÉtymologieDu lt. FASCINĀRE “soumettre une personne ou une chose à l’action de charmes, enchanter” (ThesLL 61,300); pour le mlt., cf. MltWb 4,89; LathamDict 1,907c. En examinant l’att. de SSilvCroixP 686, G. Roques MélDees 182s. attribue un caractère régional à faisnier qu’il trouve attesté surtout dans des textes de l’Ouest; pourtant, la répartition des att. ne confirme pas cette attribution. Fascināre vit en français sous la forme empruntée fasciner(1), tandis que faîner ne subsiste à l’époque moderne que dans les dialectes occidentaux.
Rem. no 1: La chute du [s] devant consonne à partir du milieu du 11es. (Rheinfelderl § 557; FouchéPhon p. 861) permet de traiter fenier (ErecF 6128 var. mss. 1em. 13es. / fin 13es.; CligesF 3014 var. ms. 3eq. 13es.; RosemLangl 9588 var. mss. 1em. 14es. / 2em. 14es.), feneer (agn. JGarlUnH p. 167) et feyner (GlVatR 2602) comme var. graphiques de notre mot. Il n’est cependant pas à exclure que les att. d’Erec, de Cliges et du Roman de la Rose soient à ranger sous finer, v. → fenir DEAFpré.Rem. no 2: Dans BodelCongéR p. 228 on lit: «fascinat donne ferne», c’est-à-dire que Raynaud a identifié ferner avec faisnier, ce qui a été rejeté, à juste titre, par Lecoy R 70,335; v. → ferner (FEW 3,427b est donc à corriger).Rem. no 3: DC 3,398b cite mfr. faisnieur d’un doc. de 1415, attestation qui est reprise par Gdf 3,706a qui définit “celui qui ensevelit, qui met le cadavre dans un linceul”. Le mot ne se retrouve pas dans le FEW, v. J.-P. Chauveau dans ActesMfr10 p. 328. Le rattachement à la famille de faisnier est à vérifier (serait plutôt à ranger sous → faisse).
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(faisnier ErecF 6128 var. mss. 1em.13s. / 2em. 13es.; CligesF 3014 var. mss. 1260 / 1289, feisnier AmbroiseP 1918; OvMorB 10,1493, fesnierca. 1170 ErecF 6128; CligesG 2994; SSilvCroixP 686; GuillTyrP 1,284; RosemLec 5110; 9558; 11874(2); Pères74[L 24774] var. ms. fin 13es. Gdf, fesner GlParR 3210, faisiner Ars Lectoria Ecclesie dans CN 39 (1979) 11 ms. 1ert. 13es. fo34ro(3), fainier RutebF 1,571,14, feneer JGarlUnH p. 167 (P.25), fenier ErecF 6128 var. mss. 1em. 13es. / fin13es.; CligesF 3014 var. ms. 3eq. 13es.; RosemLangl 9588 var. mss. 1em. 14es. / 2em. 14es., feyner GlVatR 2602)
  • “soumettre (qn ou qch.) à l’action de charmes, enchanter” (ca. 11701495, ErecF 6128 [Bien avez matee et fesniee Mon pris et ma chevalerie]; CligesG 2994 [Thessala voit tainte et palie Celi qu’Amors a en baillie, Si l’a a consoil aresniee. Dex! fet ele, estes vos fesniee, Ma dolce dameisele chiere Qui si avez tainte la chiere?]; SSilvCroixP 686; AmbroiseP 1918; Ars Lectoria Ecclesie dans CN 39 (1979) 11 ms. 1ert. 13es. fo34ro; GuillTyrP 1,284 [Pour ce firent venir sur le mur deus vielles enchanteresses qui devoient fesnier cele perriere, et avoient amené avec celes trois puceles por aider a fere le charme]; JGarlUnH p. 167 (P.25) [fascino : feneer, anglice malscren]; RutebF 1,571,14 [Entre chier tens et ma mainie, Qui n’est malade ne fainie(4), Ne m’ont laissiés deniers ne gages]; RosemLec 5110; 9558; 11874; Pères74[L 24774] var. ms. fin 13es. Gdf(5); OvMorB 10,1493 [tu as esté feisnie par mal regart ou par parole]; GlVatR 2602; GlParR 3210 [fastinare : fesner(6)]; [B. de Gordon, Pratique Gdf], TL 3,1596; Gdf 3,702b [fainie “faible, abbatue” err.]; 3,769b; ANDEl; DMF; FEW 3,427b [dial. mod.]; 3,428a [‘dep. 14es.’])
faisne f.
(faisne GlParR 3211, fesne déb. 13es. AmYd[R] 2160; [doc. 1396 DC; SCrespin1D p. 59])
  • “sort lancé sur (qn ou qch.), enchantement” (déb. 13es.; ca. 13501443, AmYdR 2160 [Cloto… qui feske (Aubailly trad. 1985, p. 113 fesne(7)) a trouvee mainte]; GlParR 3211 [fascinum : .i. faisne(8)]; [doc. 1396 DC (repris par Lac 6,193b et Gdf) [si aucun chante a fesne aucuns chantemens DC(9)]; SCrespin1D p. 59 [Se sera bien euvre de fesne S’ilz n’en boivent plus que leur saoul]], TL 3,1596; Gdf 3,769b; DC 3,418b; FEW 3,427b; DMF)
(1) Le FEW 3,428b enregistre l’emprunt fasciner “exercer un attrait irrésistible (sur qn)” comme afr. en le datant ‘dep. 14es.’. L’att. sur laquelle se base cette datation est citée dans Gdf 3,769b; il s’agit de fasiner tiré de la Pratique de B. de Gordon qui est à dater selon l’imprimé de 1495 (le texte orig. datant de 1377), v. ci-dessous. La dat. du FEW et celle du TLF 8,671a (‘fin 14es.’ = ?) sont à corr. L’emprunt est attesté depuis 1575, J. F. Malgaigne, Œuvres complètes d’Ambroise Paré, 1841, 3,55b.
(2) Var. ms. pic. 1329 fuisnons, RosemLangl 11904var.: à expliquer.
(3) Ms. Oxford Bodl. Rawl. C.496. Il est possible de lire faisnier.
(4) Faral consacre une longue note à ce vers et conclut: «Le sens du vers serait “qui est saine de corps et d’esprit”, “bien portante”, et par conséquent (sous-entendu) “de bon appétit”»: peu probable.
(5) Att. localisée par T. Matsumura.
(6) A lire fascinare? Cp. GlParH 402.
(7) Cp. la rem. no 4 sous → faisse.
(8) GlParH 403 faine est à corr., de même TL 3,1596 qui le cite.
(9) Il s’agit d’une incantatio sancta; pour d’autres incantationes sanctae, v. D. Harmening, Superstitio, Berlin 1979, p. 225 avec n.40. On peut se demander avec O. Stoll, Das Geschlechtsleben in der Völkerpsychologie, Leipzig 1908, p. 680s., si mlt. fascinum et mfr. faisne désignent ici une amulette phallique ou le membre viril même (sens attesté pour le lt., v. ThesLL 61,300) ce qui témoignerait d’une coutume qui comprend l’emploi des symboles phalliques comme protection contre des enchantements. La supposition de Stoll peut se discuter mais manque d’appui.