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fastrasie f.
[ÉtymologieDu lt. PHANTASIA “vision, idée”
(ThesLL 101,2001;
pour le mlt. cf. LathamDict 2,2261b; NiermeyerBu 1,538b), lui-même du grec φαντᾰσία “id.” (LidScott 1915b).
Cette étymologie a été proposée par H.-J. Wolf, “Fatrasie – Kritik und Etymologie”, MélMeier2 639-657, et elle a remplacé celle lancée d’abord par Mén 1650, reprise par G. Paris, R 19,289, et modifiée par Brüch ZfSL 52,423. Dans cette explication, c’est fatras qui est considéré comme mot de base de la famille et qui viendrait d’un lt.vulg. *FARSURACEUM “farce de volaille” (< *farsurare “remplir” < farsura “sorte de remplissage”) qui serait à rattacher à la famille de lt. FARCĪRE “remplir, fourrer”. Cette étymologie, qui pourrait se défendre du point de vue phonétique (cf. aussi FEW 3,422b), ne saurait expliquer le sémantisme de notre famille et présente en plus l’inconvénient d’un écart chronologique de presqu’un siècle entre fastrasie (dep. ca. 1227) et fastras (dep. ca. 1325). C’est pourquoi elle est réfutée par Wolf qui, en revanche, justifie les différentes formes attestées en afr. comme variantes possibles de fantaisie.
P. Uhl, “Fatras et fatrasie: un imbroglio étymologique et typologique”, in: Expressions 17 (2001) 57-80, conteste cette étymologie en rétablissant l’ordre chronologique des variantes citées par Wolf qui contrecarre en partie le développement phonétique préconisé par celui-ci. Uhl essaie de rétablir l’ancienne étymologie par un détour par la typologie poétique, mais sans toutefois pouvoir présenter de nouveaux arguments convaincants. Et surtout, il passe sous silence l’article important – cité d’ailleurs par Wolf – “Fatrasies und Verwandtes: Gattungen fester Form?” de Fritz Nies dans ZrP 92 (1976) 124-137, qui montre que fatrasie et fatras ne renvoient pas à la forme mais au contenu («nicht Hinweis auf Reimschema und Silbenzahl, sondern Unsinns- und Lügensignal(1)»). –- Pour une description et caractérisation de la poésie des fastrasies cf., en dernier lieu, l’essai “Fliegende Esel. Die unmögliche Poesie der Fatrasien” dans Ralph Dutli, Fatrasien. Absurde Poesie des Mittelalters, Göttingen 2010, p. 111-140. –- Cp. encore → fantasie.]
P. Uhl, “Fatras et fatrasie: un imbroglio étymologique et typologique”, in: Expressions 17 (2001) 57-80, conteste cette étymologie en rétablissant l’ordre chronologique des variantes citées par Wolf qui contrecarre en partie le développement phonétique préconisé par celui-ci. Uhl essaie de rétablir l’ancienne étymologie par un détour par la typologie poétique, mais sans toutefois pouvoir présenter de nouveaux arguments convaincants. Et surtout, il passe sous silence l’article important – cité d’ailleurs par Wolf – “Fatrasies und Verwandtes: Gattungen fester Form?” de Fritz Nies dans ZrP 92 (1976) 124-137, qui montre que fatrasie et fatras ne renvoient pas à la forme mais au contenu («nicht Hinweis auf Reimschema und Silbenzahl, sondern Unsinns- und Lügensignal(1)»). –- Pour une description et caractérisation de la poésie des fastrasies cf., en dernier lieu, l’essai “Fliegende Esel. Die unmögliche Poesie der Fatrasien” dans Ralph Dutli, Fatrasien. Absurde Poesie des Mittelalters, Göttingen 2010, p. 111-140. –- Cp. encore → fantasie.]
(fastrasie ca. 1227 CoincyII29Kr 50; VenjNSgS 19, fastrarsie CoincyII29Kr 50 var. ms. fin 13es., fatrasie FatrArrP explicit (p. 136), fattasie CoincyII29Kr 50 var. ms. fin 13es., fatrousie CoincyII29Kr 50 var. mss. fin 13es. et déb. 14es., fastuisie CoincyII29Kr 50 var. ms. fin 13es., frastrazie CoincyII29Kr 50 var. ms. déb. 14es.)
- ◆“phrase intentionnellement obscure et incohérente” (ca. 1227 – déb. 14es., CoincyII29Kr 50 [Tout autel font bestial gent: Tant par son[t] plain de grant folage C’une risee, un rigolage, Une grant truffe, une falorde, Une fastrasie (var. ms. fin 13es. fatroulleïz; mss. fin 13es.-2eq. 14es. fantasie; ms. 1ert. 14es. trufle ou u.; ms. 2em. 13es. flaterie)(2), une bourde Oient plus volentiers, par m’ame, Que de Dieu ne de nostre Dame Un biau sermon n’un biau traitié]; FatrArrP explicit (p. 136) [Cy fenissent les Fatrasies d’Arras]; VenjNSgS 19, TL 3,1642)
●fastras m.
(fastras ca. 1325 WatrS 284,24; WatrFatrP rubrique (p. 149); explicit (p. 159); [ChevCygneBruxP 1869], fatras GuillMachH 2,193,982 (Le dit dou lyon); [GodBouillBruxR 17809; GesteMonglGirD 3035; ManLangS 7,37], fateras ManLangG 96, fratras GesteMonglGirD 3036)
- ◆1o“phrase intentionnellement obscure et incohérente” (dep. ca. 1325, WatrS 284,24 (Li dis de la cygoigne) [En tel gent a poi de bonté Qui point ne metent d’estudie A retenir bien c’on leur die Example ne bonne parole: D’un fastras ou d’une frivole .C. mille tans font plus grant feste Et plus tost leur entre en la teste C’uns contes de bien et d’onneur]; WatrFatrP rubrique (p. 149) [Ci commencent li fastras de quoi Raimmondin et Watriquet desputerent le jour de Pasques devant le roy Phelippe de France]; explicit (p. 159); GuillMachH 2,193,982 (Le dit dou lyon), TL 3,1641; GdfC 9,603b [“sorte de poésie dans laquelle le premier vers est souvent répété” une att. mil. 15es.]; DMF; Hu 4,49b; FEW 3,422b [“sorte de poésie dans laquelle le premier vers est souvent répété” 16es.])
- ◆2o“ensemble de choses ou d’actions disparates, pêle-mêle” (ca. 1356 – 1584, ChevCygneBruxP 1869 [Ahy, dist il en lui, or n’y vault mes baras, Au jour d’ui bien paray les fais et les fastras Que Matabrune a fait sans conseil d’avoicas]; GodBouillBruxR 17809; GesteMonglGirD 3035; 3036; ManLangS 7,37 [il y avoit jadys un Englois… qui savoit faire beaucoup des mervailles par voie de nigromancie. - Sire, ce n’est pas chose creable, mais qu’il ne vous desplaise, car je say bien que n’y fut oncques mes estude de tel fatras, = ManLangG 96], TL 3,1641 [range l’att. de WatrS 284,24 sous “Plunder, ungereimtes Zeug, Posse”]; GdfC 9,603a; ANDEl; DMF; Hu 4,49b; FEW 3,422a [“amas confus de choses sans importance” ca. 1350-15es.])
●fastroillier v.
(fastroillier 13es. NoomenFabl no 90,46; no 90,48; BretTournD 61; 916, fastrolier SongeEnfM 191var., faustrolier SongeEnfM 191var., fatrouller PathelinT 776)
- ◆1ov.intr. “dire des phrases intentionnellement obscures et incohérentes” (13es. – 3et. 15es., NoomenFabl no 90,46 [Quant li preudom, qui hernechoit, Oï celui qui fastroilloit, Ne set que il va devisant: ‘Que vas tu, fait il, fastroillant?’]; BretTournD 61 [Conrat Warnier… Lors commença a fastroillier Et le bon fransoiz essillier, Et d’un walois tout despannei M’a dit: …], TL 3,1642; Gdf 3,726b; DMF; FEW 3,422b)
- ◆p.p. substantivé “celui qui dit des phrases intentionnellement obscures et incohérentes” (employé dans des surnoms(3)) (fin 13es.; 14es., SongeEnfM 191 [(dans une énumération de taverniers parisiens) Gautiers Moriaus, n’en dout de riens, Jehans, boçus et artisiens, Hermers, Guiars li fardoilliez (var. ms. 14es. H. Guion et fastroliez, ms. fin 13es. H. Gluon ne faustrolié), Qui mainz bricons ont despoilliez])
- ◆2ov.tr. “prononcer (des propos) en les rendant intentionnellement obscures et incohérentes” (13es. – av. 1460, NoomenFabl no 90,48 [v. le contexte sous 1o ci-dessus]; BretTournD 916 [Ensi fastrouioit son françois Conrat Warnier contre son fil]; [PathelinT 776], TL 3,1642; Gdf 3,726b; DMF; FEW 3,422b)
●fastroilleïz m.
(fatroulleïz CoincyII29Kr 50 var. ms. fin 13es.)
- ◆“phrase intentionnellement obscure et incohérente” (fin 13es., CoincyII29Kr 50 [Tout autel font bestial gent: Tant par son[t] plain de grant folage C’une risee, un rigolage, Une grant truffe, une falorde, Une fastrasie (var. ms. fin 13es. Un fatroulleïz), une bourde Oient plus volentiers, par m’ame, Que de Dieu ne de nostre Dame Un biau sermon n’un biau traitié], TL 3,1642)