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rédaction: Kurt Baldinger
gibe f.
[ÉtymologieCe mot qui, en afr. et en mfr., désigne une balle de marchandises (v. un doc. pic. [Crépy-en-Valois] de 1393: Tous avoirs menés sur char ou charete, qui est par manière de gibe du long du char ou charete, soient draps, pelleterie, mercerie, fillé, chanvre, lin, papier, draps, draps d’or ou d’argent ou de soye… Gdf 4,273c; doc. 1529: Pour gibbes de draps, de toilles, et autres gibbes) est attesté avec ce sens surtout dans la France du nord. Ait. gibba (Prato 1289 [Diedi per fare le dette gibbe e ballette e tela e taschetti e corde…] Testi fiorentini éd. Schaffini p..257 (v. aussi p. 256 plusieurs attestations dans le même texte), Battaglia sub gibba1) semble être emprunté à l’afr. par l’intermédiaire du commerce. Wartburg (comme d’autres lexicologues) le rattache, peut-être avec raison, à la famille du lt. GĬBBUS “bosse” (ThesLL 6,1947b); le fém. gibba est attesté dès ca. 100 chez Suétone (d’où aocc. gibba “bosse” FEW 4,132b; Ronjat 1,140 explique le i par une forme *gībba, forme de compromis entre le radical original gīb-, < indo-eur. *geibh- “courber”, et gĭbb-, v. WaldeHofm sub GIBBER et FEW 4,133 avec n7; on pourrait penser aussi, pour expliquer le i, à une influence du mlt.; cp. esp. chepa “bosse” d’origine savante dep. 1490 Corom 2,725b, cat. gepa AlcM, port. gebo s.m. et adj.). Le sens “bosse” ne semble pas être attesté dans la France du nord (mfr. gibbe “bosse” 1556 - Cotgr 1611, FEW 4,133a, est un emprunt de la Renaissance). Gibe “balle de marchandises” s’expliquerait métaphoriquement: «dans la France du Nord on a désigné par gibe une espèce d’emballage qui est caractérisé par le rembourrage de la marchandise avec de la paille. Les bourrelets qui en résultaient ont probablement été sentis comme caractéristiques et ont engendré la dénomination» FEW 4,133b. On retrouve le sens “ballot” en mlt., également dans la France du Nord (Paris 1301 [De qualibet chargia seu giba, pro numero trossellorum, dicti pedagiarii compellebant ad solvendum… tres solidos DC 4,64c]) et en Angleterre (mlt. giba “wrapper for wool, etc.” en 1294 et ca. 1471, gibra en 1310 Latham); mangl. gybbe doc. 1526 [Item, of a gybbe of Wollen clothe outwardes ijd OED sub GIB2] a été emprunté soit au mlt. soit au mfr. – FEW 4,133b (où il faut supprimer mfr. gibet “petit paquet…” 4,133a, v. FEW 19,201b); REW 3755; cp. → gibbosité.]
  • “balle de marchandises (p.ex. de draps, pelleterie, mercerie, chanvre, lin, papier, etc.)” (ca. 12681529, LMestL p. 120 [Nus ne puet chanvre ne file de chanvre lever, c’est a savoir hoster de la gibe ou del fardel, et apparellier et metre par quarterons por faire peser au pois le Roy, se ce ne sont li juré qui le mestier devant dit gardent de par le Roy]; doc. Auxerre/Melun fin 13es. [Item, se gibe de dras ne d’autre marchendise se vient aval l’iaue, la gibe paiera .xij. den., et le troussel .iiij. den., OrdLMestD 428]; doc. pic. 1295 fol. 339 [Item le charrette qui maine sayes d’Angleterre, ly trousseaulx doit .iij. s. .vj. d. ob. et s’il y a plus de .xx. pieces de saye, c’est gibe, et doit .xlviij. sols DC: une var. du même texte est cité comme Tarif du Travers de Péronne, 13es., par Gdf]; même doc. fol. 341vo [S’il y a .xx. draps ou plus en le platte, c’est gibe; et doit le gibe .xlviij. sols Paris, aussi dans Lac; Gay]; [doc. Dijon 1376 [24 toises de corde a faire les gibes de[s] tapisseries Mgr, pour ycelles amener de Saint-Omer a Bruges ProstInv 1,p. 494]; doc. Dijon 1387 [a un voiturier qui avoit chargié une gibe en laquele avoit une chambre nueve et tappisserie pour Anthoine mons., pour mener de Paris en Bourgogne sur un char a 6 chevaulx, laquele gibe il a menee de Paris jusques a la Villeneuve Saint-Georges… cordes pour lier ycelle gibe ProstInv 2,p. 284]], Gdf 4,273b [déf. “balle, ballot, paquet, sacoche”, mais les deux derniers sens ne sont pas confirmés par les contextes]; TL 4,300 [déf. “Ballen”]; DC 4,64c sub giba2; Lac 6,392b; Gay 1,775b; FEW 4,132b [déf. “ballot, charge”; mfr. gibe “ballot d’étoffe” orl. 1377-16es., donné par le FEW 4,133a, induit en erreur: en réalité la date 1377 concerne un texte non localisé où il n’est pas parlé d’étoffes (par confusion avec le passage des Anc. Cout. Orl. qui précède dans DC); la date 16es. doit concerner ce dernier passage des Coutumes d’Orléans, cité de même par Mén 1694 d’après DC en mutilant l’indication bibliographique; le sens du passage (La gibe de draps chargiez a Orliens, doit .iij. sols au roy) correspond au sens normal. Wartburg cite encore apic. gibe “mode de chargement qui consistait à rembourrer fortement de paille ou de foin le dessus et les côtés de la voiture et à les envelopper d’une bâche complètement close, de sorte que le chargement était comme dans un coffre” 14e - 16es. que je ne trouve pas dans les sources consultées. Asaint. drap en gibbes extunes (15es. ?), drap en gibe 1458 - 1459, cité par Wartburg parmi les étym. inconnues, FEW 21,547b, sont à rattacher à notre famille.])