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article imprimé
rédaction: Albert Gier
glas s.m.
[ÉtymologieDu lt. *CLASSUM (var. de lt. CLASSICUM “trompette, son de trompette”, ThesLL 3,1278) WaldeHofm 1,228a; EM4 125b; FiggeSon 165s.; FEW 2,746b, cf. conclassare “classem iungere, conclamare” ThesLL 4,71; DC 2,481c; mlt. aussi “sonner toutes les cloches”, BlaiseMAge 221a (cf. aussi lt.chrét. classicum “sonnerie des cloches” Blaise 157b, mlt. classicum “son de trompette; sonnerie des cloches”, MltWb 2,685; BlaiseMAge 185b; DC 2,356a; Niermeyer 186a, et classium “glas” DC 2,356c; classus “id.” BlaiseMAge 185b; cf. encore glassitum pour classicum déb. 15es., DiefenbachNGl 95b). La var. glas à côté de clas est due à une sonorisation du k- par assimilation au -l-, cf. H. Stimm MélKrahe 164-172, spéc. 169 n.6. (J.-C. Bouvier, Etudes Corses 1978, 115.128, spéc. 124s., voit dans la substitution c > g un «procédé phonétique de l’euphémisme»; peut-être ce développement a-t-il été favorisé par l’influence de glatir et de ses dér., «dont le sens n’est pas très éloigné de celui du vocabulaire de la mort» (Bouvier, 124). Cependant, afr. → glatir ne se réfère jamais au son de cloches; en ce qui concerne l’euphémisme phonétique, il faut souligner que les mots en question sont d’ordinaire défigurés à tel point qu’ils sont difficilement reconnaissables (cf. morbleu < mort Dieu, cité par Bouvier); l’altération légère clas > glas n’atteint pas ce but, ce qui rend l’hypothèse de J.-C. Bouvier tout a fait improbable.) – Cf. aocc. clas “cri, clameur, glapissement” Rn 2,401a; Lv 1,258b, clasejar “sonner les cloches” Lv 1,259a; aclassar “retentir” Lb 1,12b, it. chiasso “bruit” dep 16es., Battaglia 2,59c; BattAl 2,894b, piem. ciass “glas” GribaudoSeglie 197b; du fr. provient bret. glâz, FEW 2,746b.
Dès l’époque ancienne, une confusion s’est produite entre *CLASSUM et frq. *GLADJA, substantif dér. de l’adj. *glada- “lisse, brillant; gai, joyeux; agréable “, confusion qui explique la var. glai à côté de glas (cf. Stimm MélKrahe 170 s.; c.-r. par Lecoy R 79,552; explication proposée après la publication du t. 2 du FEW, selon lequel «die entstehung dieses vokals [ai de glai] ist noch nicht abgeklärt», FEW 2,746b; l’article *gladjan FEW 16,750a (parmi les additions et corrections) accepte les résultats de Stimm); cette var. est attestée dans toutes les acceptions du mot (Stimm, 169). C’est pourquoi il n’est pas possible de distinguer les deux mots, bien que l’on reconnaisse encore les acceptions de *CLASSUM 1o “sorte de trompette”; 2o “bruit retentissant”; “sonnerie de cloches” [et 7o < “signal de trompette” (FiggeSon 167 n.2.)] et celles de *GLADJA (4o “bruit de fête”; 5o “ramage des oiseaux”; 6o “glapissement des chiens”). – L’adj. *glada- existe dans toutes les langues germ., à l’exception du got.: cf. anord. glaðr “lisse, brillant; gai”, DeVriesAnord 171b; gleði “joie”, DeVriesAnord 173a, isl. gleði “joie”, Jóhannesson 377; gleðja, glaðja “rejouir”, Jóhannesson 377, suéd. glad adj. FalkTorp 1,324, norv. glad adj. FalkTorp 1,324, aha. glat, clat “brillant, clair”, Schützeichel 69b; Graff 4,287, mha. glaz ad. Lexer 1,1029; BenMüZa 1,547a, mball. glat “lisse”, SchillerLübben 2,117b, mnéerl. glat VerVer 2,1988, néerl. glat DeVriesNeerl 209b, ags. glaed BosTol 479a; BosTolSuppl 473b; ags. gladian “être joyeux, réjouir“, BosTol 479a; BosTolSuppl 473a, mangl. glad adj. MED 4,139a, angl. glad OED G 193c. – Pour afrpr. glaious adj., Dauphine eiglayé “faire rire, réjouir”, etc., empruntés prob. au burgond., dial. germ., cf. Stimm MélKrahe 164-166.
Gam2 481b veut expliquer glais par une forme syncopée *CLASCU < CLASSICUM; le c.r. glai se serait développé par analogie (de même FouchéPhon 686 dérivce *clais de *clascu, mais il explique glais par *clais x afr. glai "frayeur, tumulte”, sans donner l’étymologie de ce dernier mot [< GLADIUS?]); mais -sk- ne devient -is- que devant i, e, cf. RheinfelderL §482, et devrait être conservé devant u; c’est pourquoi cette explication est réfutée par le REW 1965. – Pour clasique f. "sorte de trompette" (< CLASSICA), JMeunVégL 2,22,1; 8; JPrioratR; Végèce Gdf 2,147c, v. → clasique. – De “bruit retentissant” (2o) se développe le sens de “coup qui fait du bruit (sur l’écu, sur le heaume, etc.)”; dans cette acception, glas, clas, tend à se confondre avec clap “coup” (TL 2,461; < KLAPP, FEW 2,732a). Des deux attestations que TL donne pour ce dernier mot, l’une, tirée de ClarisA, est plutôt à rattacher à glas (vu que ce texte connaît la var. clas pour glas). Il ne reste donc qu’une seule attestation de clap en afr. (cf. pourtant claper et d’autres dér., v. FEW). – Pour glai “ramage des oiseaux” (glas 5o) cf. → lai “id.”, TL 5,48; FEW 20,11a. – Au sens de “glapissement des chiens” (6o), glai, glas tend à se confondre avec glat “aboiement”, v. → glatir; un c.r.sg. glas ne peut représenter que CLASSUM x *GLADJA, tandis que les attestations avec -t prouvent que le scribe voyait dans le mot de dér. de glatir; les c.s.sg. et c.r.pl. glas, qui peuvent appartenir à l’un ou l’autre mot, on été enregistrés s. → glatir. – Le sens de glais “glas, tintement lent de la cloche d’une église pour anoncer l’agonie, la mort ou l’enterrement de qn” n’est attesté qu’à partir du 15es., v. GdfC 9,702a; J.-C. Bouvier, Etudes Corses 1978, 123 (FEW 2,746a donne ce sens pour FlorenceW [2372], mais dans ce texte, il s’agit de “sonnerie de cloches”, 7o). Meyer-Lübke ZfSL 45,266 et REW 1965 mettent encore aclasser v.pron. sous *CLASSUM (cf. les attestations de ce verbe, TL 1,87); Mais Gamillscheg dans HomKrüger 1,35s. a démontré que ce mot provient de asax. ÂSLAKJAN “se fatiguer”, → aclasser. – FEW 2,746a; REW 1965.
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(glas ca. 1170 RouH II 2595; PelCharlK 197; BenTroieC 17302; SThomGuernW1 5951; ThomKentF 691; BenDucF 39562; VengAlE 395; 1117; AlexParA IV 400; IV 1227; etc.; AlexParHM 353,16; RenM 14,429; 14,442; JerusH 77; GlOxfG p. 44; ContPerc1TR 11715; 11718; Perl1N 2991; OgDanE 5107; etc.etc., glaz GligloisL 113, ⁠agn. glaas ChronWigmoreD 440, ⁠s.l. clas MaccabGaut Gdf; ClarisA 20122, claz ClarisA 7686, glai ContPerc1ER 15784; FlorenceW 2372; TrubertR 944; ErecF 2363 var. ms. 13es.; ClarisA 13231; BretTournD 2180; JCondS 2,184,104; [doc.1382 Gdf], glais c.r.sg.⁠ ErecF 2363; CligesF 4932 var. ms. déb. 13es.; EnfGuillH 2718; Passion Jésus-Christ Gdf; [BerinB 2,209,81], glay Athis DC 4,76c; [BaudSebB XX 940; ]MirNDPersP 3,250,148; [GodBouillBruxR 13814; GuillMachC 2,480,204; DeschQ 7,58,13; 8,308,1982; etc.etc.; GaceBuigneB 8256; 9318; doc.1379 DC 4,76c; doc.1382 Gdf; MelusArrB 139; TresVenM 977], glei CligesF 4932, clai BaudSebB XVII 402, glet AiquinJ 2245, glois c.s.sg.⁠ BretTournD 1424)
  • 1o“sorte de trompette” (ca. 11801612, VengAlE 335 [nuit et jor i graitent quarante jovenciel A cors et a buisines, a glas et a fretiel]; 1117 [Li rois… Arriere s’en retorne si fait souner ses glas]; BretTournD 2180, FEW 2,746a [VengAl seulement]; TL 5,365; Gdf 4,285c [une attestation de 1612, reprise par Hu 4,320b; cf. encore claz “son de trompette pour réunir le peuple” 1530, Gdf 2,147c])
  • 2o“bruit retentissant (des armes)” (ca. 117015es., BenTroieC 17302; BenDucF 39562; AlexParA II 2912 [Sor hiaumes des espees i oïssiés grans glas]; Perl1N 2991 [la forest retentist del glas de lor espees]; MaccabGaut Gdf; ClarisA 1205; 13231; 20122; etc.; BretTournD 705 [Des lances oïssiez respondre Les grans escrois et les grant glas]; OgDanE 5107 var. mss. fin 13es./ déb. 14es., TL 2,465; 4,362; Gdf 2,147b; 4,287c; FEW 2,746a)
  • “coup (d’épée)” (ca. 1185mil. 14es., AlexParA IV 400 [Por moi avés eü sovent vostre escu quas Et enduré d’espee en estor felon glas]; JerusH 77 [La veïssiés d’espees sor ces elmes grans glas]; ClarisA 7686 [le jor ou et mainz claz ⟨: las⟩ Et receüz et departiz; TL 2,461 sub clap; gloss: < classicum]; [BaudSebB XVII 402 [Baudewins passe outre qui demaine grant clai, Adés fiert de l’espee]], TL 4,363; 2,461; Gdf 4,285c; 4,287c)
  • 3o“cris (de joie ou de douleur)” (ca. 1185ca. 1394, AlexParA IV 1227 [(de douleur) fiert l’un poing a l’autre et descire ses dras. De crier et de braire i demaine tels glas Que la sale en tentist]; AiquinJ 2245 [Les Sarrazins ouait leans grandement Crier et braire et glet en vieler, G. Paris R 9,462 propose la leçon C. et b. et glatir et uller, adoptée dans AiquinJa; la graphie gleten du ms. ne donne pas de sens, → glatir 2o]; RobGrethEv 2404 [Galilee espalt trespas Chana amur, en nostre glas, éd. et Stone “langue”]; 5752; 16382 [E redi suvent icest glas: Merci de mei ki me furmas, éd. “prière“, Stone “lamentation”; L.M. Gay PhQ 4,94 corrige sans fondement tous les ex. en glos]; TrubertR 944 [Li uns regarde si le voit, En haut s’escrie: Trouvé l’ay! Li venëeur saillent au glai]; QSignesManF 57; BretTournD 1424; [TresVenM 977 [(le chasseur) Encore par soulas et par glay Li (au limier) doit dire: or vay, vay, vay]], TL 4,363; Gdf 4,285b; 4,289b; Stone 337a; FEW 2,746a)
  • a (un) glas [Cf. aocc. ad un clas “de voix unanime, tous à la fois”, Rn 2,401b; Lv 1,258b.] “d’une voix unanime, tous à la fois” (1243déb. 14es., BibleSeptEtats [Ainz s’escrierent tuit a un glais Que rendu leur soit Barrabas Gdf]; Passion Jésus-Christ Gdf, Gdf 4,287c; TL 4,363; DC 4,76c; FEW 2,746a)
  • 4o“bruit de fête, fête, joie” ([ca. 1185] ms. 3eq. 13es.1393, AlexParHM 353,16 [correspond à AlexParA III 3781, où gas]; Athis DC 4,76c; JCondS 2,184,104; MirNDPersP 3,250,148 [Que j’ay trouvé? Toute gaudie, Touz solaz, touz esbatemens, Tout glay]; 7,303,660; [BaudSebB XX 940; GodBouillBruxR 13814; DeschQ 2,81,26; 3,301,616; Desch Gdf 4,285c; GuillMachC 2,480,204; doc.1379 DC 4,76c [en ladite ville de Beu, oz ilz menerent grant glay, disnerent et burent et demourerent jusques pres de la nuit]; MelusArrB 139], TL 4,363; Gdf 4,285b; 4,287c; DC 4,76c; FEW 2,746a)
  • “plaisir amoureux” (2em. 14es., DeschQ 8,308,1982 [Les oiseaulx ou printemps de may S’apparissent et font leur glay Chascuns, et selonc ce qu’il est, A pondre et a couver sont prest, v. gloss])
  • “le fait de ne pas être empêché de faire ce que l’on veut libre allure” (2em. 14es., DeschQ 7,58,13 [Coureurs et robeurs ont le glay Sur les champs, chascun se pourchace, Le plus fort le plus foible y chace, v. gloss], Gdf 4,285a [“honneur, avantage, félicité, joie”])
  • 5o“ramage des oiseaux” (136315es., FroissDitsMMF 20; DeschQ 3,304,8 [pour oïr du rossignol le chant, De tous oysiaux la douçour et le glay, v. gloss.]; Desch Gdf; BoucicL 52,11, TL 4,364; Gdf 4,285c [3 att. 15es.]; FEW 21,220a [renvoie pour glai “gazouillement des oiseaux” à ‘bruit’; mais FEW 23,195b-204b ne donne pas ce mot])
  • 6o“glapissement, aboiement des chiens” (ca. 117615es., CligesF 4932 [Plus tost que cers qui ot les gleis Des chiens qui apres lui glatissent]; [Perl1N 5499 [La beste s’en fuioiet aval la lande por la poor des chiens dont ele oet le glas dedenz li, TL 4,365 sub glat]; GaceBuigneB 8256; 9318], TL 4,364; Gdf 4,285c [2 att. 15es.])
  • 7o“sonnerie de cloches” (ca. 117015es., RouH II 2595 [n’out chapele en la vile ou il eüst clochier Ou li glas n’en sonnast por le roi essaucier]; PelCharlK 197; SThomGuernW1 5951; ThomKentF 691; RenM 14,442; [GlOxfG p. 44 [classicum romanice dicitur glas; sonaverunt enim classicum, ut convenirent clerici et laici ad eligendum episcopum (…) solebant enim milites, cum socios ad bellandum convocarent aut cum praedam ad hostes caperent, cum cornibus suis classicum sonare, = Gloss Sidon Stone]; ]ContPerc1TR 11715; 11718 [correspond à ContPerc1ER 15784]; FlorenceW 2372; ErecF 2363 var. ms. fin 13es.; [doc.1382 GdfC [Faire sonner le glay des vegiles; ib. 2e. att., Gdfc]], TL 4,364; GdfC 9,701c; Stone 337a; TLF 9,271b; FEW 2,746a)
  • (sonner) a glas “(sonner) à toutes les cloches” (ca. 1170ca. 1370, ErecF 2363 [Ancontre son avenemant sonent li saint trestuit a glais]; ThomKentF 691; RenM 14,429; GligloisL 113; EnfGuillH 2718 var. ms. 1295; [BerinB 2,209,81], TL 4,364; Gdf 4,287c; Stone 337a)
  • (sonner) en manere de glaas “(sonner) à toutes les cloches” (1em. 14es., ChronWigmoreD 440 [sonerent totes les cloches del abbey en manere de glaas. Et quaunt il ce oyt,… demaunda pur quei les cloches sonerent tant fort], Stone 337a)