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rédaction: Albert Gier
glatir1 v.n.
[ÉtymologieDu lt. GLATTIRE “aboyer (du chien)” dep. Suétone, ThesLL 62,2036, ‘verbe expressif’ EM4 276b, cf. WaldeHofm 1,606. Ce mot n’est que rarement attesté en lt. class. et méd. (v. DC 4,76c; Latham 213b; DiefenbachGl 264c). Il survit dans la plupart des langues rom.: aocc. glatir “aboyer” Rn 3,474b; Lv 4,132b, dér. glat “glapissement, aboiement” Rn 3,474a; Lv 4,131b, glatimen “cri, glapissement, grincement” Rn 3,474b; occ. glati, clati “résonner, claquer; aboyer (des chiens qui aperçoivent le gibier)” Mistral 2,50a, glat “cri, soupir” Mistral 2,59a; cat. glatir “glapir, lladrar amb lladrucs curts i secs els gossos quan segueixen la caça” dep. 19es., AlcM 6,312b, esp. latir “aboyer” dep. ca. 1300, Corom 3,15b, port. latir “aboyer” dep. 16es., Mach3 3,391b, it. ghiattire “aboyer” 14es., BattAl 3,1798b (manque dans Battaglia). Seul le fr. semble employer ce mot pour désigner les cris de païens, inintelligibles aux chrétiens. – Du point de vue sémantique, ce mot est proche de → glas, var. glai, qui signifie, entre autres, “cri (de joie ou de douleur); aboiement des chiens”, mais dont l’étymologie est différente.
Il semble possible que l’existence de la var. glai à côté de glas soit à l’origine des var. (rares) avec -ai-, -e- de glatir et de ses dér.; v. glaitir JeuxPartL 174,27; RaynMotets 1,271,19; pour gletir (?) Aiquin v. ci-dessous glatir 2o. Quant à gletier, attesté une seule fois (v. ci-dessous), il présuppose en outre un changement de conjugaison -ir > -ier; dont il n’y a pas d’autres exemples dans cette famille; mais le sens du mot (qui doit être “exhorter, obliger”, v. le contexte) est tellement proche de “implorer, solliciter” (v. 2o) qu’il semble permis de conclure qu’il s’agit d’une var. morphologique de glatir. Pour la construction (gletier v.a.) cf. glatir v.a. “crier après qn”, sub 2o. – FEW 4,150b; REW 3781.
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(glatir ca. 1100 RolS 3527; EneasS1 2588; GuillAnglW 2633; RouH III 8231; CligesM 4877; MonGuill2C 4168; AlexParA III 6408; RenM II 827; ThomKentF 1616; ModvB2 8536; GuingT 296; PartonG 605; GarLorrP 1, p. 91; PriseOrAJ 1314; etc.etc., glaitir etc.etc.; JeuxPartL 174,27; RaynMotets 1,271,19; LionBourgAlK 520, ⁠francoit. gratir AttilaS XVI 7690, ⁠s.l. gletir (?)⁠ ModvB2 8536 var. [ms. 13e/14es.]; [Aiquin [cf. AiquinJa 2245]], ⁠mfr. glautir JPreisLiègeB 1836)
  • 1o“aboyer, glapir (dit du chien)” (ca. 11601660, EneasS1 2588 [Quant Cerberus vit cels venir, Forment comença a glatir, Trestoz enfers en resona]; GuillAnglW 2633 [Li cers s’en fuit, li cien glatissent, Par le bos après se flatissent; = GuillAnglF1 2675]; CligesM 4877 [= CligesF 4933]; RenM II 827; ThomKentF 1616; GuingT 296,310; PartonG 605; PriseOrAJ 1314; ChevCygneNaissM 1806; MortAymC 364; 698; VengRagF 1553; Perl1N 1531; 1541; 5497 [La beste vint en la lande tote esfreëe, car ele avoit doze chaiaus dedenz sun ventre, qui glatissoient autresi dedenz li comme chenerie de bois]; MerlinP 1,150 [3 attestations]; DolopB 318; DurmG 4151; EnfGuillH 280; 1625; ArtusS 244,44; 314,8; 314,10; RaynMotets 1,271,19; MoamT IV 14,4 [s’il (les chiens) ont esté lonc temp de chacier, l’en les doit fere oissir dui et dui, qar ce conforte lor cuers. Et les fetes deletier et glatir ensemble, ausi comme s’il fussent ja en la chace]; IV 16,4; etc.etc., TL 4,365; Gdf 4,288b; FEW 4,150a)
  • “id. (dit d’animaux rapaces)” (ca. 1275, BerteS 832 [Ainmi lasse! fait ele, je crïasse haro, Mais je n’os pour ces bestes k’en ce bois glatir o], TL 4,367)
  • 2o“crier, hurler (dit d’un homme, très souvent de païens)” (ca. 11001660, RolS 3527 [Cil d’Ocïant i braient et hennissent, E cil d’Arguille si cume chen glatissent]; RouH III 8231 [Cil (les Normands) escotoent e soffreient, Ne saveient que il (les Anglais) diseient, Ço lor ert vis qu’il glatisseient Ker lor langage n’entendeient; v. KellerWace 81a]; MonGuill2C 4168; AlexParA III 6408 [li Barbarin, Ausi vont glatissant com se fuissent mastin]; ModvB2 8536; GarLorrP 1, p. 91 [La oïssiez et corner et glatir, Ces olifans et ces cors resbondir; le mot manque GarLorrV 1592]; FloovA 1208; Les Loherains [GerbMetz] Gdf; HValL 518; AimeriD 3602 [Cil Sarrazin ont glati et jupé]; 4221; [AiquinJa 2245 [dans le seul ms. (mil. 15es.), ce vers est corrompu, cf. l’éd. diplomatique dans AiquinJa: Les sarrazins ouaint leans grandement Criez et braire et gleten urler, texte critique: Les Sarrazins ouait leans gramenter Crier et braire et glatir et uller; étant donnée l’existence de la var. glaitir (v. le comm. ci-dessus), on devrait plutôt corriger en gletir. AuiquinJ 2245 avait compris Les Sarratins ouait leans grandement Crier et braire et glet en vi[e]ler et expliqué glet en vieler comme une expression ironique “faire une musique de hurlements” (cf. la note), dont il n’y a pourtant pas d’autres attestations; d’où glet “hurlement” Auquin au FEW 4,150a, qui est à supprimer, cp. aussi → glas 3o]; ]AnsCartA 8661; GuillTyrP 2,124; OtinG 1462; etc.etc., TL 4,367; Gdf 4,288b; FEW 4,150b; Stone 337b; LevyTrés 123b)
  • ⁠id., inf. substantivé⁠ (1213fin 13es., FetRomF1 676,27 [s’escrierent Mor et Numidien si hautement que valees et pui retentirent de lor glatir]; ChevDieuU 574, Stone 337b)
  • ⁠v.a. “crier après qn” ([2eq. 14es.] éd. de. 1528, Percef [Car ilz n’osent approcher la beste et la glatissent de loing d’une maniere congneu des veneurs Gdf], Gdf 4,288c)
  • ⁠v.n. “crier après qn” ([2eq. 14es.] ms. 15es., Percef [Atant il monte sur son cheval et se met a chemin de grant randon apres la pucelle, glatissant en ses pensees et retournant propos et entreprinses sur entreprinses…, Gdf], Gdf 4,288c)
  • glatir apres sens fig. “implorer, solliciter” (2em. 13es., JeuxPartL 174,27 [Rois, contes, dus la (la dame) feroient ravir, Moi covanroit apres s’amor glaitir], TL 4,368; FEW 4,150a)
  • 3o“retentir, tonner” (3et. 12es.ca. 1235, SSagOctChS 522 [Trop sui batue de tampeste, Car anuit onques ne fina Que l’eive qui au molin va De plovoir sor moi et venter Et de glatir et de tonner, correspond à SSagOctM 3208: Ne d’esloidir ne de tonner; Gdf, qui cite le texte d’après le ms., le désigne par erreur comme «Dolop.»]; TournAntB 136 [Mes si le ciel out bien glati Et envoié foudres en terre], Gdf 4,288b; FEW 4,150a)
gletier v.a.
  • “exhorter, obliger” (2et. 13es.; ms. 1em. 14es., CoutAnj § 116 fo 9ra [Si aucun a molins qui ait baierie en sa terre, et il est home estagiers, il doivent mouldre a son molin toz cex qui sont de la banleue. Et si aucun en deffaillet puis que l’en l’auret semons, li sires les puet bien gletier que il ne moulent a autre moulin; = BeautBeaup t. 1, p. 135], Gdf 4,290a [avec “?” comme déf.]; manque au FEW)
anglantir v.n.
  • “pousser des cris (?)” (14es., GlBND [glose II Sm 5,24 où l’on lit cependant: lorsque tu entendras un bruit de pas BibleRab; p.-ê. faut-il définir “faire du bruit”], LevyTrés 18)
glat m.
(glat EneasS1 1462; ChaceOisl2H 36,8; Percef Gdf, ⁠c.s.sg. glas MerlinP 1,149, ⁠c.r.pl. glas MerlinP 1,151)
  • 1o“aboiement (de chiens)” (ca. 11602eq. 14es. [éd. 1528], EneasS1 1462 [La vile bruit de cel conrei, Del glat (var. ms. 13es. bruit) des chiens et del desrei]; MerlinP 1,149 [uns grans glas de chiens]; 1,151 [la diverse beste, cele qui a dedens soi les glas des brakès]; Percef Gdf, TL 4,365; Gdf 4,288a; FEW 4,150a [mfr. glat “aboiement” 1528 représente l’attestation dans Percef, que Gdf cite selon l’éd. de 1528; glet “hurlement” Aiquin n’existe pas, cf. glatir 2o ci-dessus])
  • 2o“déjection” [Le sens primitif doit avoir été “chose qui tombe avec un clapotis”, v. TilChaceOis 263]⁠ (fin 13es., ChaceOisl2H 36,8 [Et en l’egestion et le glat qu’il font, celle choze noire, dure qui a acoustumei d’estre en la violeste sera petite et grumelouze, lt. in egestione quam faciunt], TL 4,365; FEW 4,150a; TilChaceOis 263)
glateïs m.
  • “hurlement” (fin 12es., JerusH 8062 [Dès que le Ribaus (l. Ribaut, v. TL) ont les Becus assentis, Si lor trenchent les testes, et les bras et les pis; Et cil mainent des bés  .i. si grant glateïs, Et abaient et huslent et demainent tex cris…], TL 4,365; Gdf 4,288a; FEW 4,150a)
deglateïs m.
[ÉtymologieVu qu’il n’y a qu’une seule attestation, il semble probable qu’un copiste (qui connaissait p.-ê. le terme glateïs) ait créé ce dér. de glatir, pour remplacer deglageïz, → glaive, qu’il n’aurait pas compris.]
  • “hurlement, cri” (14es., var. ms. de BrutA 8514 [Dunc veïssiez grant tueïz E merveillus deglageïz, var. deglateïs], Gdf 2,473a; FEW 4,150a; KellerWace 276b)
glatin m. ?
  • “hurlement” (1em. 14es., HerbCandS 2,386,3240 (texte contenu dans un ms. [1em. 14es.] seulement) [Grant noise mainent paiens et grant glatin], TL 4,365)
glatison m.
  • “hurlement” (fin 12es.; ca. 1300, JerusJ 7590 [(il est question de païens) Quant il crient ensanble, si font tel glatison, Que la terre en tombist  .III. leues environ]; MaugisC 8520 ms. ca. 1300 [Moult par fu granz la noise et fel la huïson Et forz li comenciers a cele glatisson, var. empresisson], TL 4,368; Gdf 4,288c; FEW 4,150a)
glatissement m.
[ÉtymologieNous réunissons ici toutes les attestations de ce mot, bien qu’il soit possible qu’elles appartiennent à deux familles différentes: glatisemont GlBNhébr302L 96,8 glose Ezéchiel 21,20: «C’est afin de faire fondre les cœurs et de multiplier les chutes auprès de toutes leurs portes, que j’ai brandi les brillant de l’épée: ah! elle est préparée pour étinceler et aiguisée pour tuer» BibleRab. Le gloss. de GlBNhébr302L définit “cri”, mais le texte biblique ne contient aucun mot qui pourrait être expliqué ainsi (ou en remplacement de ‘chutes’?). Il pourrait s’agir encore d’un dér. de → glatir2 “briller”, qui conviendrait mieux au contexte; soulignons cependant que RaschiD1 accompagne le même verset de la glose glapisemant, déf. “cri des blessés” par l’éd., v. → glapir. La famille de glatir2 est attesté surtout en wallon (v. l’article suivant); selon A. Darmesteter, le dial. de GlBNhébr302 est bourg., mais le ms. a été copié au Nord-Est de la France (cf. GlBNhébr302L p. I). On hésite cependant à séparer l’attestation de glatisemont dans GLBNhébr302L des autres exemples de glatissement, qui appartiennent évidemment à la famille de glatir1.]
(glatissement 1erq. 13es. MerlinP 1,150; TristPrB 11,13; VMortAnW 273,8; etc., ⁠judéofr. glâtisemant GlBâleAIII33B 5530, glatisemont GlBNhébr302L 96,8)
  • 1o“aboiement de chiens” (1erq. 13es.ca. 1342, MerlinP 1,150; GlBâleAIII33B 5530; TristPrB 11,13 [Granz est li glatissemenz des brachez et la voiz et li sonneïz des cors]; 11,17; VMortAnW 273,8; BrunLatC 1,183,33 [Et lor nature (des cerfs) est que la ou il aperçoivent le glatissement des chiens ki les enchaucent, il adrecent lor aleure a l’autre vent, pour ce ke li odors d’aus ne soit pas porté vers les chiens]; Rencontr 30742, TL 4,368; Gdf 4,289a; FEW 4,150a [“cri, bruit” 13es. - Oud 1660])
  • “aboiement (des bêtes en général)” (2em. 13es., AlexPrH 20,33 [li Egiptien sont si sage qu’il espelissent les songes et entendent le chant des oiseals et le glatissement de toutes bestes], Gdf 4,289a)
  • 2o“hurlement (d’hommes)” (1240déb. 14es., GlBNhébr302L 96,8 [v. ci-dessus]; AdenBuevH 1312 [Vous orrés ja grant noise et grant glatissement (des païens)]; GlParmePal2780 LevyTrés, TL 4,368; LevyTrés 123b)