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rédaction: Albert Gier
glise f.
[ÉtymologieCf. lt.cl. GLISOMARGA “genus margae”, une seule attestation dans Pline (Nat. hist. 17,46), ThesLL 62,2048; lt. marga “genus cretae” Pline, Nat. hist. 17,42: «alia est ratio, quam Britanniae et Galliae invenere, alendi eam [sc. terram] ipsa, genusque quod vocant margam» (une deuxième attestation ib. 17,47), ThesLL 8,390. Il est évident qu’il s’agit d’un mot celt. Le subst. MARGA survit dans les langues rom. (cf. REW 5351): esp. marga “roca compuesta de carbonato de cal y arcilla, empleado como abono” 1705 (ou 17es.?) Corom2 3,850 («está bien claro que en todas partes marga es cultismo tomado, por los eruditos, del texto de Plinio»), cat. marga “id.” (emprunté à l’esp.) AlcM 7,243a, port. marga 1873 Mach3 4,64a, it. marga «voce dotta» 15es./16es. dans des trad. de Pline, 16es. dans d’autres textes, Battaglia 9,797b; en gallo-rom., le dér. MARGILA a donné fr. marne “sorte de terre calcaire, dont on se sert pour amender certains terrains” 2em. 13es.; 1287; dep. 1549, marle et sembl. dep. ca. 1200, TL; MöhrenLand; FEW 61,330b (de MARGILA provient aussi l’all. Mergel, mha. mergel Lexer 1,2110; BenMüZa 21,158a). – Le premier élément du comp. glisomarga doit être un adj. précisant de quelle sorte d’argile il s’agit; cf. Bertoldi RCelt 48,281-284, qui rapproche celt. *gliso- de l’irl. gel adj. “blanc”; cf. gr. γελαδϖμεν “nom gaulois de la plante qui, en lt., s’appelle gnaphalium” Dioscoride (1ers. ap. J.-C.), avec un infixe -as-, bien attesté en gaul. Après avoir servi à former le comp. glisomarga, l’adj. *gliso- a disparu du gallo-lt.; le sens exact de glisomarga n’étant plus compris, le premier élément était seul utilisé à désigner l’argile (seulement en gallo-rom.). Il faut partir d’une forme féminine *glisa- au lieu de *gliso-, p.-ê. parce que le lt. glisomarga est fém., cf. FEW 4,156b.
Selon Bertoldi, les formes *gelēsa et *gelīsa coexistaient en gaul. (ou en gallo-lt.), cf. FEW 4,156b; avec syncope, *gelēsa > *glēsa > afr. gloise, *gelīsa > *glīsa > afr. glise (cf. aussi Pokorny 433s. *ĝhleis.; indo-eur. *ghlei-s-o > gallo-rom. *glēso- et *glīso-); (cf. encore mlt. gelisia “veratrum album L., ellébore”, v. FEW 4,156b).
Philipon R 45,465s. part de glis, glisis “humus tenax”, attesté dans le Graecismus d’Evrard de Béthune (prob. déb. 13es.; cf. Wrobel RF 3,468) et trois fois en anglolt. (Latham 213a), et qui dér. prob. de glisomarga. Selon Philipon, de glis serait dér. un adj. f. glĭtia (substantivé par la suite) qui devient glaise, gloise en afr.; la var. glītia qui se serait développée par métaphonie du premier i sous l’influence du deuxième, aurait donné afr. glise; la même explication est donnée dans GuiraudObsc 328. Il est difficile de savoir si l’explication de Bertoldi ou celle de Philipon est plus probable; ils partent, en tout cas, de la même base celt. – Pour le passage sémantique d’un adj. signifiant “blanc” à un subst. dont le sens est “terre argileuse”, cf. *albuca, FEW 24,301a, qui est, lui aussi, d’origine celt. (c. FEW 4,156b). Pour l’explication des formes sans g- initial, cf. FouchéPhon p. 685 (la chute du g- se serait produite «sous l’effet de tendances appartenant au substrat pré-latin»; cf. le même phénomène dans → *glei). Le FEW sépare lise ThebesC 4473; BenTroieC 2184 “glaise” (FEW 4,156a) de lise BestGuillR 2616 “terre molle” (FEW 5,332a gaul. *ligitia; la déf. “sables mouvants” dans le gloss. de BestGuillR semble plus correcte; dans l’article *ligitia, le FEW enregistre un deuxième fois BenTroieC, évidemment par erreur; l’article *ligitia ne renvoie pas à glisomarga); cf. FEW 4,156bn1: dans BenTroieC 2184, il ne peut s’agir de lise “sables mouvants”, parce que le texte dit l’erbe vert pert en la lise. Mais, si lise a le sens de “argile” à côté, signifie “sable” aussi bien que “argile” (cf. les exemples ci-dessous); tout porte à croire qu’il s’agit d’un seul et même mot. (Horning ZrP 25,503-505, a essayé d’expliquer glise, glaise aussi bien que lise par *ligida, lidiga, mais l’explication exposée ci-dessus semble plus apte à faire comprendre l’existence du lt. glisomarga à côté de glise.) Il faut aussi tenir compte du fait que lise < *LIGITIA ne serait attesté qu’une seule fois en afr. (dans BestGuillR). – il est prob. que nfr. lise “boue de sables mouvants” dep. Besch 1845 (pour les var. dans les dial. mod. et les dér., v. FEW 5,332a) doit aussi être rattaché à glaise; le problème de la descendance de *ligitia serait à réexaminer.
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(glaise GGuiB 1,3684; FroissChron Gdf, glaze MenagB II ii 42, glase MenagB II ii 43, gloise FolTristBernH2 191; ChevIIEspF 7008 [ms. gloise]; [AalmaLS p. 74], gloyse doc.1330 Gdf, glise BenTroieC 23094; TristBérM4 957; EscoufleS 2498; ThebesR 4697; BestGuillR 2616 mss. 2em. 13es.; SRemiB 4767; [DeschQ 6,15; etc.], glyse SSagAD 17025; 18008, glisse SSagOctM 2933, glis[s]e 2em. 11es. GlBereschitWT 32; RaschiD2 547, lise ThebesC 4473; BenTroieC 2184; BestGuillR 2616; BenTroieC 23094 var. ms. 13es.)
  • 1o“sorte d’argile grasse” (dep. 2em. 11es., GlBereschitWT 32 [ms. 16es.]; RaschiD2 547; BenTroieC 2184 [Quant vint el tens qu’iverz devise, Que l’erbe vert pert en la lise]; 23094 [li mur ne sont pas de glise Ne de palu ne de terrace]; EscoufleS 2498 [cp. VogelIntens 176]; ChevIIEspF 7008 [Se li met le fer et le fust De la lance bien une toise Ou cors ausi con parmi gloise]; SSagAD 17025; 18008; PercH 1774 var. ms. fin 13es. [un palés covert d’atoise, var. de gloise]; GGuiB 1,3684; doc.1330 Gdf; FroissChron Gdf; [DeschQ 6,15; etc.], TL 4,374; GdfC 9,703c; FEW 4,156a; LevyTrés 123b)
  • “id., comme renforcement affectif de la négation” (déb. 13es., FolTristBernH2 191 [A moi que chaut s’il vos en poise? Je n’i donroie un po de gloise], TL 4,375; FEW 4,156a; MöhrenVal 144)
  • ⁠sens fig. “saleté, boue (au sens moral)” (3et. 13es., SRemiB 4767 [Salemon Cui femme embati en limon De lait pechié et en la glise], TL 4,375)
  • terre glaise “sorte d’argile grasse” (dep. ca. 1393, MenagB II ii 42 [Se vous voulez enter ung cep de vingne dedens ung cerisier… parmy le trou dudit cerisier boutez icelluy cep, qui passe tout oultre ung pié de long. Puis estoupez le trou aux deux costez du cerisier (c’estassavoir [sic] de terre glaze, de mouse…)]; II ii 43 [estoupez et couvrez de terre glase, var. glaze]; AalmaLS p. 74 [Glis, sis : terre gloise; cp. AalmaR 4930: glis, glitis : argille, terre tenent], TL 4,375; GdfC 9,703c; FEW 4,156a [date fr. terre glaise dep. ca. 1300, date qui provient sans doute d’une datation erronée de AalmaLS dans GdfC, v. MöhrenLand 313; mfr. terre glisse hap. = 1549, v. R.Arveiller RLiR 39,212])
  • 2o“sables mouvants” (ca. 1160av. 1320, ThebesC 4473 [Polinciès joste o Eblon: Mort le trebucha el sablon. Quant il le vit mort en la lise; = ThebesR 4697 glise]; SSagOctM 2933 [Une cuve… Isnielement l’ont faite emplir De plonc k’il orent fait boulir. Pois et glui et glisse de mer, Tout font mouvoir pour assambler]; TristBérM4 957 [Tristran saut sus: l’araine ert moble, Toz a genoz chiet en la glise]; BestGuillR 2616 [l’ostrice… En la saison, que ele pont, Enz el sablon ses oes repont… el sablon e en la lise… Dedenz la moiste sablonere Germent li oef e pulcins font, gloss.: “schleimiger Treibsand”]; HMondLatP p. 436 [Terra quae reperitur juxta fluvios, ubi ipsi inundaverunt, desiccata, pinguis, viscosa, quae videtur terra figuli et vocatur magra, et in gallico glise], TL 4,374 [“Schlick”]; GdfC 9,702c [“sorte d’argile grasse”]; FEW 4,156a [“glaise“])
glisous adj.
(glisous doc.13es Gdf, gloiseus 3et. 12es. CommPSII Gdf)
  • “de la natur de l’argile grasse” (3et. 12es.16es., CommPSII [terre gloiseuse Gdf]; doc. Rouen 13es. [assis es mallieres glisouses Gdf]; [doc. fin 14es. Delisle 266n18 [même contexte]], GdfC 9,703a; 9,703c; TL 4,376 [renvoie à GdfC; cf. mfr. terre glazeuse 16es. Gdf, glazeux Cotgr 1611, nfr. glaiseux dep. Trév. 1752, FEW]; Delisle 266n18; FEW 4,156a)
[glaison m. “motte de terre glaise” (hap. 13es.), mfr. glason (1555-1604), FEW 4,156a sub glisomarga sont des var. de gason “motte de terre revêtue d’herbe” > abfrq. *WASO (cf. FEW 17,543b; DEAF G 350), à réunir avec glaison ChansSatBachJ XL 50, mfr. id. (hap. 15.Jh.), glason (Est 1538 - Cresp 1637); le -l- a été ajouté prob. sous l’influence de (terre) glaise, cf. FEW 17,546n2.]