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article imprimé
rédaction: Frankwalt Möhren
goi m.
[ÉtymologieLe FEW place la famille de mfr. goye f. “sorte de serpe…” (1408 - Mon 1636, et dial.) et de goi m. (et dér.) et celle de gouge f. “ciseau en forme de canal et à pointe recourbée” sous deux entrées, gaul. *GŬBIA “gouet” et lt. GŬLBIA “gouge”. Le premier argument pour cette distribution est la ‘grande différence de sens’, mais les sens semblent plutôt proches: Les deux outils se ressemblent par leur pointe recourbée et par leur utilisation, et dans les deux familles se rencontre le développement vers “sorte de couteau” (sens semblables dans les familles-parents celtiques, v. ci-dessous). Les deux formes sont également anciennes et semblent interchangeables: lt.tard. GŬLBIA “gouge” fin 4es. Végèce; déb. 7es. Isidore var., gŭlvia ca. 400 (?) Gl. Servius (?) GGlL 2,522,46; Isidore var., mlt. gulbium “gouet” 9es. Adalardus DC 4,137c, gulvium (: noila “rabot”) “gouge” 8es. Gl. Cassel DiezGl, GŬBBIA Végèce var., GŬBIA Isidore var., guvia Isidore, v. ThesLL 62,2354. Formes rom.: port. goiva “gouge”, dep. 17es., Mach3 3,160b, esp. gubia, dep. 1475, guvia 1570, gurbia, dep. 1519, Corom2 3,255a, cat. gubia, dep. 1372, CoromCat 4,717a, agasc. goja, Bordeaux 1406, FEW 4,322b, occ. goubio, -a, gourbio, -a, FEW ib., aocc. goiart “serpe”, 1461, FEW 4,303a, mlt. (domaine d’oïl) goia, “gouet” ou “gouge” ?, doc. 1213, DC 4,84b “falcis species”, it. gorbia “gouge”, dep. déb. 14es., Battaglia 6,983b, it. rég. gu(b)bia, FEW 4,323b; REW 3906; 3911; Jud ARom 6,196ss.
On constate que les formes à -lb- et à -b-, féminines ou masculines (neutres), coexistent depuis des temps très anciens. Gam2 gouet et gouge, Corom2 et RégnierMorvan 1,177-179 y voient une origine unique, à double traitement phonétique; seul le FEW les sépare en deux, s’appuyant sur Hubschmied VRo 3 (1938) 137-139. Celui-ci établit soigneusement une origine celtique (irl. gulba(n) et sembl., à sens comme “dard”, “tarière”, “bec”, “faucille”, etc.) et soutient que -ul- devant consonne n’est jamais réduit à -u- en celtique et seulement tardivement en roman. Comme solution il ne propose pas explicitement deux étymons distincts, mais parle d’une confusion de gulbia avec un gaul. tardif *gubion, *gubia “ce qui abat” ( < gaul. *wo-bio-, *wo-biā, cp. → *veoge, vouge < VĬDŬBIUM) qui aurait créé *gubio et gubia, guvia. Pokorny VRo 10,263s. critique *wo > gu-, impossible en gaulois, il s’agirait plutôt d’une influence de gulbia; d’autre part b > v ne serait pas possible après l. MeierEtym 177s. défait les propositions antérieures et propose comme étymon lt. vulg. *COVEA/*COVEARE “évidé / évider, creuser” – très plausible du point de vue de la phonétique – en se limitant pourtant ensuite aux représentants rom. au sens de “gouge” et aux mots ibérorom. et de l’Italie; on reste sur sa faim quant au sens de “gouet”, au développement de “évidé” à “outil pour évider”, aux formes gallorom. (gouge, goi, etc.), aux rapports avec vĭdŭbium, et en ce qui concerne l’explication de gubia et gulbia, mots bien existants. – Nous traitons gouge et goi dans un même article et en séparons *veoge, bien que les problèmes soient loin d’être résolus. (TL semble traiter gouge sous (*)veoge, vooge, vouge, ce qui est bien possible quant à l’initiale et au sens, mais vĭdŭbium se trouve chez Isidore à côté de gŭlbia et gŭbia et les formes gallorom. sont assez divergentes.) – Mfr. frm. gouet, attesté dep. 1382 (DC 4,84b; Lac 6,407a), semble être non un dimin. de goi, mais goi prononcé gwε et senti comme diminutif (l’outil peut être plus ou moins grand selon l’usage; Gam2 y voit l’origine du genre m. de goi, ce qui n’est pas nécessaire).
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(goy doc. lt. lyon. 1288 GononTest no 37; lyon. 1316 ib. 179; doc. lt. Dombes 1325 Duraff 141; doc. lt. lyon. 1329 GononTest no 245; doc. lt. lyon. 1346 GononQuot no 219; [doc. bourg. 1369 ProstInv 1,1044], ⁠mfr. sg. goiz doc. 1370 ProstInv 1,1193; 1,2853, gouy doc. 1376 Gdf, guoy doc. lt. 1340 DC, ⁠mfr. sg. guoiz doc. 1363 ProstInv 1,11)
  • “sorte de serpe à manche de longueur variable servant à élaguer le bois, aussi la vigne” (12881692, doc. lt. lyon. 1288 GononTest no 37; doc. lt. lyon. 1316 ib. 179; doc. lt. Dombes 1325 Duraff 141; doc. lt. lyon. 1329 GononTest no 245 [putatorium seu goy]; doc. lt. 1340 DC […pro cala et destructione arborum, vinearum et bladorum… utpote de guoys, falcibus, deytrauz…]; doc. lyon. 1346 GononQuot no 219 [unum goy bocheret (‘à buissons’) et unum goy pueret (‘à élaguer’)]; [mfr. doc. 1363 ProstInv 1,11 [2 faucilles, 1 guoiz]; doc. bourg. 1369 ProstInv 1,1044 [1 beceole, 1 goy, demie coignie]; ]etc.etc. v. ProstInv 1,1193; 2853; 2,17; 521; Gdf; NyströmMén 9,126; 8b,82; 8a,57; GononTest no 769; 824; 1125; 1029; 1432; 1594, Gdf 4,303c; 304a sub goie; 304b goil; Gay 1,790a; DC 4,84b goia; 140b guoya; Lac 6,403a; 407a; TL 4,415 [renvois]; Salmon MélPlanche 441s. [renvois à corr.]; FEW 4,302b [goy 1376 - Mon 1636, gouet dep. 1382; cp. TLF 9,350b])
  • ⁠prob. id., comme surnom⁠ (ca. 1170, PhilomB [Crestiens li Gois, très discuté; géographiquement éloigné]; Taille1292G 97a [Guillaume le Gois, fournier], cp. goés)
goier m.
[ÉtymologieGoier n’est attesté que comme surnom de deux personnes (un fruitier et un marchand de blé) dans trois rôles de taille de Paris. Il est vraisemblable qu’il s’agit d’un dér. de goi ( + -ARIUS) qui se compare à serpier m. “celui qui fait des serpes” (1307; 1467, FEW 11,235a). Cp. gouyer m. “sorte de goi” (mfr. 1444, aussi loch. goyer, FEW 4,303a).]
(goier doc. 1296, 1297 et 1313, goyer doc. 1296 et 1297)
  • ⁠prob. “celui qui fait des gois ou encore “celui qui travaille avec le goi, comme surnom⁠ (doc. Paris 1296 et 1297 et 1313, Taille1296M 65 [Jehan goyer]; 146 [Guillaume goier, blaatier]; Taille1297M 54 [Jehan goyer, fruitier]; 132 [La fame Guillaume goier]; 442; Taille1313M 251)
goymeré m.
[ÉtymologieLa désinence rappelle costumé et prié, cf. MöhrenLand 138; 227; cp. costumier, ib. 139, mais la dérivation reste obscure.]
  • ⁠t. de droit féodal, prob. “celui qui est appelé à des corvées nécessitant l’utilisation du goi (1319, doc. lt. 1319 AN JJ.59 fo 35ro no 88 [De undecim libris et quindecim solidis Turon. annui census, quem id. [Petrus de Dyciaco] miles habet et percipit super homines qui vocantur les goymerez et les bandons, vérifié], Gdf 4,326a goymeret; DC 4,84b; Lac 6,413a; FEW 4,303a [«bildung unklar»])
gouge f.
  • “ciseau (de charpentier, maçon, etc.) à lame en forme de gouttière à bout courbe ou aiguisé en biais; gouge” (dep. 1308, doc. Hesdin 1308 DehDoc 184 [(un fèvre est payé) pour .ii. gouges a trachier le miedi (les chiffres etc. du cadran solaire)]; doc. art. 1344 [(un fèvre est payé) pour une gouge pour faire les cleres voyes de la gayole Gdf; aussi Gay 1,598a]; [mfr. doc. 1382-84 CptClosGalB 148 [gouges de fer pour calefestrer barges]], GdfC 9,710a [Gloss. BN lat. 8426 est du 15es.]; FEW 4,322b; Jal2 789a)
gojon m.
[ÉtymologieLe FEW 4,323a place gojon sans discussion aucune sous gouge “ciseau…”. Gam2 488a le rattache sans plus à → *gojon1 “sorte de poisson (assez commun)”. MeierEtym n’en parle pas. Le développement sémantique d’une désignation d’un outil vers une désignation d’un objet tout autre, bien que de la même sphère, manque de parallèles tout comme celui d’une dés. d’un poisson vers une dés. d’une cheville ou sembl. (frm. dauphin et saumon en diffèrent trop). Pour “sorte de poisson” on pourrait avancer une certaine ressemblance de taille (10-15 cm) et de forme. – Du fr.: mlt. 1206 gojones pl., DC 4,84c, anglolt. gogio, gojo, gojonus, -a, etc., Latham 214a et angl. gudgeon(-pin).]
(gojon 3et. 12es. DestrRomeG 1068; AlexPar interpol. Fuerre de Gadres/Gadifer ms. de ThomKent Gdf, gogon DestrRomeG 715, goujon AlexPar interpol. dans AlexParA t. 5,95; LMestL 47,3 p. 87; [doc. Saumur 1370 JoubertMacé 78 gomon, l. goujon ou govion], govïon OgDanE 9558 [éd. gonjon]; AlexPar interpol. dans AlexParA t. 5,95 var. p. 96, gouvion dans AlexPar ib.; doc. 1312 v. → *gournon; [1373 FroissBuisF 1055 trisyll.])
  • “cheville de bois ou de fer, soit à pointe perdue, soit unissant les parties d’une charnière et sembl.” (dep. 3et. 12es., DestrRomeG 715 [la porte ou gogons acerés]; 1068; déb. 13es. AlexPar interpol. Fuerre de Gadres version Gadifer dans AlexParA t. 5,95 [barbaquennes par grant mestrie ouvrees A grans goujons (var. agrapes, boujons) de fer et a plonc saeslees]; OgDanE 9558 [Le cors furni… Nel puet tenir aniaus ne gonjon (l. govïon, v. TL), Buies de fer ne clos]; LMestL 47,3 p. 87 [ne huchier ne huissier ne pevent ne ne doivent faire ne trappe ne huis ne fenestre sans goujons de fust ou de fer]; doc. 1312 v. → *gournon; [doc. Saumur 1370 JoubertMacé 78 : fer forgé], TL 4,417; Gdf 4,305a; 9,710b; Lac 6,407b; DC 4,84c; LarLFr 3,2264 [‘Fierabras’ = DestrRome]; DelbObsc 33,361; FEW 4,323a)
desgojoner v.a.
[ÉtymologieCf. goujonnier “fixer, relier par des chevilles”, doc. 1364, Gdf 4,305a, goujonner doc. 1467, GdfC 9,710b, etc., v. FEW 4,323a.]
(degorgener, l. degougener BretTournD 3764)
  • “ôter, briser les chevilles (d’un heaume, d’un coffre, etc.)” (12851447, BretTournD 3764 [se donent mervillous cous Seur bras, sour testes et sour cous; Les hiaumes font cler retentir, Degorgener (l. degougener, TL; cp. gloss.) et desmentir], TL 2,1600; Gdf 2,592a [doc. 1399 desgougener, doc. 1419 desgougonner, doc. 1447 desgoujonner]; FEW 4,323a [1339 à corr.])