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golias adj. et m.
[ÉtymologieL’étymologie de golias et de goliard – le plus souvent traités ensemble – est très discutée. Improbables: l’identification de goliard avec gaillard (Jordan GRM 13,312ss.); goli- [de goliard] < germ. *GŌLJAN (Fichtner Neoph 51,230ss.). À la suite de Neri AttiTorino 50,107 et de Crescini AttiVeneto 792,1079, le FEW 4,320b part de mlt. GOLA avec affixation du radical gol- sous l’influence du nom de Goliath («unter dessen einfluss der stamm von gola erweitert wurde»). Meyer-Lübke refuse le rattachement à gula («wer mit französischer Wortbildung vertraut ist, [kann] goliardus unmöglich von gula herleiten» GRM 14,76) et n’admet que GOLIAT comme étymon (REW 3818d). Cette proposition nous semble correcte, mais le rôle de gula, aussi bien pour la formation de goliard que pour le développement des significations, est pourtant sous-estimé. Le nom de Goliath (forme mlt. Golias) était, au moyen-âge, lié à une connotation unanimement péjorative. Depuis le temps d’Augustin, Goliath avait été considéré comme symbole du diable (cp. Ermini La Cultura 1,171; Walsh MedAev 52 (1983) 1ss.), ce qui a conduit en afr. à désigner de ce nom des peuples païens (p. ex. 3et. 12es. AliscW 3738 Vos estes tuit de la gent Goulias; 2et. 13es. [ms. fin 13es.] MaugiscC1 1766 la bataille sor la gent Goliaz; etc.). Or, Golias était, dans la pensée médiévale, mis en relation avec gula ou en était même déduit directement: les vagabonds intellectuels qui, aux 12e et 13es., composaient des chansons critiques contre la société établie et surtout contre l’Eglise et qui menaient, selon toute apparence, une vie débauchée, étaient appelés en même temps la familia Goliae (Sens 1239) et goliardi (Trèves 1227; Rouen 1231), les deux noms conçus comme dérivant de gula. Gerald de Barri explique cette ‘étymologie’ comme suit: parasitus quidam Golias nomine nostris diebus gulositate et leccocitate famosissimus, qui Gulias melius quia gulae et crapulae per omnia deditus dici potest (cité par Brinkmann GRM 12,120). [Pour une influence sur golias, goliard à la suite de la querelle entre Abélard et Bernard de Clairvaux qui traite A. de golias, cf. Walsh MedAev 52,1-9.] Par analogie, un homme glouton peut donc bien être appelé golias, v. ci-dessous 1o. L’extension pour désigner “les parties sexuelles de la femme (considérées aussi comme siège du désir sexuel)”, v. ci-dessous 2o, s’explique prob. sous l’influence de gole “bouche” (cp. aussi gole baee, gole 4o) ou même “ouverture” (→ gole 7o), cf. la var. geulias, où l’origine du mot n’est plus reconnue. – Goliard, attesté comme nom propre dep. déb. 13es. (HerbCandS 1611 roi Goliart), est formation avec le suffixe -ard < frq. -HART, employé pour la composition de noms qui devaient souligner des traits caractéristiques (MLFrGr II2 § 45). Golias et goliard peuvent être employés comme synonymes, v. ci-dessous. – REW 3818d; FEW 4,320b.]
(golias mil. 13es. GautLeuL2 III 382; 436; Pères28M titre; Pères28 59 mss. 2em. 13es. et fin 13es., goulias Pères28 titre ms. fin 13es. (dans AlexisP p. 221); 59 ms. déb. 14es.; SJeanBaptOct1G 4045, geulias GautLeu III 382 var. fin 13es.)
- ◆1oadj. “qui aime boire et manger (surtout aux frais des autres)” (13es., Pères28M titre [Du clerc golias (var. ms. P [fin 13es.] goulias [dans AlexisP p. 221]; var. ms. T gouliar, cf. Tobler JREL 7,418) qui volt rober s’abaie]; 59 [Du main jusqu’au soir se boutoit En tavernes li gouliars (var. ms. A [2em. 13es.] guoliars; mss. S [2em. 13es.] et B [fin 13es.] golias; ms. D [déb. 14es.] goulias) As biaus morsiaus et as hasars (var. el hanas, les var. ont été vérifiées)], TL 4,426; Gdf 4,306b; FEW 4,318a)
- ◆“id.”“qui aime boire et manger (surtout aux frais des autres)” (par extension: terme d’injure) [cp. glot 1o et 2o] (1322, SJeanBaptOct1G 4045 [Herodias, La malvaise, la goulias, Qui saint Jehan fist mettre a mort])
- ◆2om. “parties sexuelles de la femme (considérées aussi comme siège du désir sexuel)” (mil. 13es., GautLeuL2 III 382 [Hui mais porés oïr le conte Confaitement li dame esploite. Golias (var. ms. fin 13es. geulias, cf. MontRayn 2,348) tant l’argüe et coite, Et li fus dont ele est esprisse Qu’ele en a un saciet a prisse]; 436 [Dame, vos estes en defois, Tant par avés torblé le vis… Je ne vos puis tenir covent. Golias bee trop sovent. Jo ne le puis asasiier, cp. gole baee, → gole 4o], TL 4,427)
●goliard adj. et m.
(goliard EntreeT 5407, goliart AttilaS XVI 1256, gouliars 13es. Pères28M 59, gouliard MenagB 35,21; 129,1, gouliart DeschQ 5,159; AalmaR 3558, gouliar Pères28 titre ms. T, guoliars Pères28 59 ms. A [2em. 13es.])
- ◆“qui aime manger et boire (surtout aux frais des autres)” (13es. – 16es., Pères28 titre [v. ci-dessus]; 59 [v. ci-dessus]; EntreeT 5407; [mfr. AalmaR 3558 [estor. ris : mangeur ou gouliart]; DeschQ 5,159; MenagB 35,21 [telle gloutonnie met femme a honte, car elle en devient ribaude, gouliarde (var. gouliardoise) et larronnesse]; 129,1 [au fig., de paroles]], TL 4,427; Gdf 4,306b; FEW 4,318a)
●goliardois adj.
(goliardois CoincyII27 540var. Gdf; Pères64 771var. Gdf, gouliardois ca. 1227 CoincyII27K 540; Pères64B 771; BartschHorning 602,35; Taille1297M 57; [OresmeEthM IV 8n1; MenagB 35,21var.; 129,17], pl. gouliardoiz MenagB 26,13)
- ◆“qui fait partie des Goliards” [cf. ci-dessus] (ca. 1227; 13es., CoincyII27K 540 [sermoneür Gouliardois (var. goliardois Gdf) et guileür (var. boulëur; jongleür)]; Pères64B 771 [(l’ermite) devint clers gouliardois (var. devint goliardois Gdf). En tavernes et en lechois Estoit et la nuit et le jor], TL 4,425 [“leichtfertig, liederlich, ausschweifend”]; Gdf 4,306a [“gourmand, glouton, lécheur, débauché, grossier, libertin dans ses paroles et dans sa conduite”]; FEW 4,318a [suit Gdf])
- ◆id.“qui fait partie des Goliards”, substantivé (13es. – 1370, BartschHorning 602,35 [= JubJongl 71 (La patenostre du vin) Ribaut et gouliardois doivent Par le païs tel .c. deniers Dont a paier ert li premiers]; [OresmeEthM IV 8n1], TL 4,426 [déf. v. ci-dessus]; Gdf 4,306b [déf. ci-dessus])
- ◆comme surnom, id.“qui fait partie des Goliards” (1297, Taille1297M 57 [Renaut de pois, gouliardois XII s., ou désignation d’une profession ?])
- ◆“qui est contraire, qui agit d’une manière contraire aux bienséances” (mfr. ca. 1370; ca. 1393, LégDor Gdf; MenagB 26,13 [jeux qui sont gouliardoiz, desordonnez, et lesquelz n’estoient pas de Dieu ne de raison]; 129,17 [v. contexte ci-dessous], TL 4,426; 427; Gdf 4,306b; FEW 4,318a)
- ◆“qui aime manger et boire” (mfr. ca. 1393, MenagB 35,21 [contexte v. ci-dessus sub goliard], TL 4,427; Gdf 4,306b; FEW 4,318a)
●mfr. gouliardeus adj.
- ◆“qui est contraire, qui agit d’une manière contraire aux bienséances” (ca. 1393, MenagB 129,1 [Deffendez leur… de dire parolles qui sentent villenies ne parolles deshonnestes ne gouliardes (var. gouliardeuses)]; 129,17 [telles femmes gouliardeuses (var. gouliardoises) dient aucunes foiz de femme qu’elle est putain ribaulde], TL 4,426; Gdf 4,306b; FEW 4,318a)
●mfr. gouliardeusement adv.
- ◆“d’une manière contraire aux bienséances” (1392; ca. 1393, doc. 1392 Gdf; MenagB 35,5 [l’une (des pechiés de gloutonnie) est quant l’en prent des viandes trop habondamment, et l’autre de parler trop gouliardeusement et oultrageusement, cp. aussi 35,28 chap. 89], TL 4,426; Gdf 4,306a; FEW 4,318a)
●goliardie f.
(goliardie 2eq. 13es. MirourEdmbW 17,35, guliardie 2eq. 13es. MirourEdmaW 17,34)
- ◆“manière de comportement contraire aux bienséances” (2eq. 13es., MirourEdma(b)W 17,34 (35) [E pur ce seez garnie, kar seurement le vus di, ce (la corruption du texte du Pater noster) est une orde lecherie pur deliter en teu manere de guliardie (b goliardie)], Stone 338b)