DEAFplus
article imprimé
rédaction: Thomas Städtler
gorre f.
[ÉtymologieDe l’onomatopée GORR, imitant le grognement du cochon, qui, dans plusieurs langues et dial., a été employée pour former un appellatif de l’animal même (FEW 4,199b; REW 3820). Dans quelques dial., le mot est également appliqué, à cause de la connotation péj., à d’autres bêtes vieilles ou malades (cf. FEW). Cette connotation péj. a engendré plusieurs dér. pour désigner des personnes ou des actions que l’on supposait méprisables (v. ci-dessous), procédé qui se retrouve aussi pour les autres appellatifs du cochon (v. → cochon, porc, truie, cp. Eure suie “femme de mauvaises mœurs” < lt. SUS, FEW 12,466b). MeierAnst 195ss. veut rattacher gorre et des mots gallorom. et ibérorom. apparentés à la famille de lt. QUADRU(U)S “quarré” et propose, sous réserve [«eine noch der näheren Beweisführung bedürftige Möglichkeit»], une base quadr(u)um “parc, enclos (de porcs)” qui aurait pu fournir cat. garrinada “parc de porcelets”; “portée de porcelets” > cat. garrí “porcelet”; mais quadr(u)um n’a jamais eu l’acception de “parc, enclos”, et Roth VermBeitr 98 auquel Meier se réfère, ne donne pour ce sens que des dér. de l’esp. corral attestés dans des dial. esp. En plus, pour le développement sémantique “parc, enclos” > “porc” il manque trop d’éléments. En ce qui concerne afr. engorrer, MeierAnst 205 pense à un lt. *INQUADRARE “apprêter” comme etymon, proposition concevable, mais, par défaut de matériaux supplémentaires, encore douteuse. Même si l’étymologie QUADRU(U)S > gorre est invraisemblable, Meier a certainement raison de qualifier l’article gorr- du FEW dans l’ensemble de «semantisch buntscheckig» (MeierAnst 204) et de mettre en question ce qu’il appelle des «abenteuerliche Kombinationen» qu’il soupçonne d’être issues de la «Philologenmetaphorik» (205). – Mlt. gorrinare, gorrinus (DC 4,88c) sont des réfections à partir du fr. – Il reste douteux s’il faut séparer vraiment gorret et gorré dans leur emploi comme sobriquet, v. ci-dessous. – L’entrée gore1 “sow” dans Stone 338b, basée uniquement sur JGarlUnH 170 lacina : gore est à biffer; gore est ici une glose mangl. signifiant “partie du vêtement”, cp. MED 4,252a gor(e) 2o. – Gdf 4,314c donne sub gorrer v., pour la déf. “réfl. se revêtir, se parer”, la seule citation suivante: «S’est moult bien gorrez a nature De refuites por la froidure, S’a de rapine et d’avarice Chape forree de malice (Jugement Salomon, Richel. 837, fo 224d)». Au folio indiqué, le ms. donne le texte De dame guile, et au lieu de gorrez on lit forrez [= JubJongl 65,26]. L’entrée de Gdf est donc à biffer, l’attestation est à ranger sub → forrer “doubler, garnir”. – À rattacher à la famille de GORR: agoure “cuscute” (FEW 21,192b), cf. Arveiller MélSindou 122-24. – Mdauph. mistigouri, enregistré au FEW 4,198a sub gorr, se trouve encore au FEW 62,179a mit- et 21,324b dans les matériaux d’origine inconnue, cf. Chambon MélMatoré 180. – FEW 4,199a; REW 3820.]
  • 1o“mammifère ongulé omnivore de la famille des suidés, animal domestique élevé pour sa chair qui sert d’aliment, cochon” (3et. 12es.Oudin 1660, AdgarK XLV 39 [A une nuit, cum eurent mise Une genice (“jeune vache” att. à ajouter DEAF G 487) a sacrefise, Une gorre lur veela, Dunt grant merveille lur sembla, Si fu ceo merveilluse chose], Gdf 4,309b [«La grande gore, ou gaure. (Qualification appliquée par le peuple à Isabeau de Bavière [1385-1422].)»; non contrôlable, ensuite att. 1415/16-1611]; TL 4,440 [renvoi]; FEW 4,195a [«14.jh. - Oud 1660» (nous n’avons pu trouver aucune att. du 14es. sauf Gdf, v. ci-dessus), ensuite dial. mod.]; [Stone 338b est à biffer, v. ci-dessus])
  • 2o“art de dissimuler pour obtenir un effet visé” (ca. 1300, SSagmR 5,159 [Quant li empereres ot la pucele espousee si giut o li la premiere nuit, elle se maintint en tel maniere que il en fu tous sourpris. Car ele tant seüt de gorre qu’ele seüt ja que li empereres avoit eü femme et de celi avoit il un fil qui devoit estre hoirs de la terre])
gorret m.
[Étymologiecp. gorré ci-dessous]
(gorrez doc. 1251 LongnonFiefs 1527; doc. 1297 GdfC)
  • “petit cochon” ici employé comme sobriquet⁠ (dep. 1251, doc. 1251 LongnonFiefs 1527 [Erardus gorrez]; doc. 1297 [Robert le gorrez GdfC], Gdf 4,309c [att. 1493-1573 rime (de, en) goret “rime non riche”, cp. FEW 4,197a avec note]; GdfC 9,708b; TL 4,440 [renvoi]; FEW 4,195a)
gorel m.
(⁠pl. goreaus 1erq. 14es. TwitiT 37, gereaux ib. var. ms. mil. 14es. [leçon fautive selon TwitiT p. 9 et 73])
  • “sanglier sevré jusqu’à la fin de sa deuxième année” (agn. 1erq. 14es., TwitiT 37 [adeprimes est il (le sanglier) apelé purcel taunt cum il laite la mere. Et quant la mere les ad lessé, sunt il apelez goreaus (var. ms. mil. 14es. gereaux) e tut l’an aprés. Le tierz an sunt il apelez hogastres], TL 4,440; Gdf 4,309c [att. 1401-1609 au sens de “petit cochon”]; FEW 4,196b [cite encore gorreau “sanglier de 2 ans” Cotgr 1611, saint. gorreaux “petits porcs” (1746), Ste-Sabine gôrais “cochon mâle”, morv. gorelle “jeune truie”]; Stone 338b; TilGlan 135)
gorneur m.
(gorneur doc. 1331 Gdf, gorneares doc. 1331 [?] Gdf)
  • ⁠comme surnom “éleveur de porcs ou porcher (?)” (1331, doc. 1331 [Stephani dicti lo gorneur Gdf]; doc. 1331 [?] [Stephanus li gorneares Gdf], Gdf 4,314a)
gorrer v.a.
(gorré p.p. 13es. AvocasR 342; Taille1292G 145a; Taille1297M 390; Taille1298 [deux att. dans Taille1297M 390n4]; Taille1313M 46; 160, kourer doc. 1265 Tailliar 268)
  • “induire en erreur par dissimulation” (12651922, doc. Douai 1265 Tailliar 268 [Et que tout le creson con vendera et con tenra a vendage que cascune maniere on mece par li, et sans kourer; et son demande de quel liu il est, con le die et sans ghille et sans barat], Li 1,1899b; FEW 4,179a [mfr. nfr. gourer “duper, tromper” (ca. 1500 - Lar 1922, pop.) avec note: Ob kourer… hierhergehört, ist nicht sicher])
  • gorré p.p. pris comme adj.⁠ (13es., AvocasR 342 [C’est en Borgoigne, par seint Joire, Ou li chemin sunt enfundré: La doit on le vilein gorré Envoier por le chemin batre. Certes hom doit le vilein natre Fere tout le pis que hom puet], Gdf 4,314c [déf. “paré” erronée]; TL 4,455; FEW 4,179a)
  • ⁠p.p. comme surnom gorré [cp. goret ci-dessus]⁠ (12921313, Taille1292G 145a [Guillaume Gorré]; Taille1297M 390 [Perronele la gorree]; Taille1298 [deux att. dans Taille1297M 390n4]; Taille1313M 46 [Jehan gorré]; 160)
engorrer v.a.
  • “se parer (d’un vêtement) dans l’intention de donner une apparence spectaculaire” (ca. 1227, CoincyII19K 411 [Chascuns corre vielt a Boloigne Barat et guille tant aprendre… Chascunz avoir vielt en gorree (l. engorree, var. ms. 1em. 14es. encorsee) Chape vaire, chape forree Et chapel avoir de bonet], TL 3,398 [“(ein Gewand) zum Putz, zum Prunk anlegen, anziehen (?)”]; Gdf 4,314c [gorree “vêtement, parure”]; FEW 4,198b [“se parer (d’un vêtement)”])
gorrois m.
(gorreis GuillMarM 5221)
  • “fait de donner une apparence qui dissimule la réalité” (1226, GuillMarM 5221 [[N’]en France [n]e en Normandie Ne en nul liu, bien le savom, N’est nul conte se de lui [du maréchal] non. Ore oiez dunt muet cis gorreis. Ve[i]rs est que Henri li Norreis, Des que li reis s’esmuet et point, Que lors se crie a icel point, Qui que point amont ou aval: Ça, Dex aïe al Mareschal!, gloss.: “renommée bruyante”; cp. Meyer R 11,38n3 “l’état d’un homme en vue, à la mode, avec une nuance défavorable”; cf. → gomeis], TL 4,455 [“modisches Gepränge, Prunk”])
gourbaude f.
[ÉtymologieComposé de gorr et de → baut “joyeux”.]
  • ⁠surnom d’une femme⁠ (1292, Taille1292G 27b [Ysabiau la gourbaude, note de l’éd.: la gloutonne], Gdf 4,320a)