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rédaction: Thomas Städtler
graal m.
[ÉtymologieTrès prob. du mlt. GRADALIS/-le “plat large et creux” (dep. 855, cf. Gossen VRo 18,198; cp. encore les var. grasalis, grassale, etc., ib. 199; DC 4,108c grazala [renvoi à crasala qui manque 2,606a] dont l’origine est très discutée. Moins vraisemblables: lt. GRADUS “degré” (REW 3830a “plat dans lequel les mets sont rangés l’un après l’autre par degrés”; M. Roques R 76,1ss. “récipient à pied”); CRETA (Corom2 3,210a; CoromCat 4,637a ss.); lt. CRATERUS respectivement gr. χρατήρ (Diez 602; Clausen RF 15,840). Gossen VRo 18,177ss. qui présente de manière exhaustive tous les matériaux disponibles, part également de lt. CRATER “cratère”, en proposant un croisement avec lt. GARALE “saumure”, d’où un *CRATALE “récipient de sel”. Le FEW 2,1294b considère gradalis comme dérivé de CRATIS “claie”, dérivé qui, d’abord adj. ajouté p.ex. à vas, aurait pris comme substantif le sens de “récipient”. À la base de toutes ces propositions en quête de l’étymologie du Saint Graal est la représentation de cette pièce maîtresse de la légende comme récipient. V. Günther MélWartb2 2,339ss. propose cependant d’interpréter le Saint Graal, aux débuts de la constitution de la légende, comme un livre et de rattacher sa désignation à gradalis “livre contenant les chants de la messe” (v. → grael1, graduel). D’après elle, ce ne serait que chez les continuateurs de Chrétien de Troyes que le Saint Graal aurait été identifié avec le récipient qui avait, suivant une autre légende, recueilli le sang de Jésus Christ crucifié (pour l’interprétation chez Robert de Boron, cf. en dernier lieu R. et H. Kahane ZrP 103,108ss.). L’hostie contenue dans le Graal serait le panis angelorum etc. Son argumentation est cependant mise en question si l’on tient compte des résultats de l’histoire littéraire occitane récente: Il semble bien plausible que le troubadour Rigaut de Barbezieux ait écrit ses poèmes entre 1140 et 1160 (cf. F. Pirot, Recherches sur les connaissances littéraires des troubadours…, Barcelone 1972, p. 485ss., qui résume la discussion), et c’est chez lui qu’on lit les vers suivants: Atressi con Persavaus El temps que vivia, Que s’esbait d’esgardar Tant qu’anc non saup demandar De que servia La lansa ni·l grazaus, Et eu sui atretaus (éd. Varvaro 1960, p. 137). Si la nouvelle datation de l’œuvre de Rigaut, avancée par R. Lejeune MélFranck 259ss., est correcte, le thème du Graal et de la lance n’a pas été inventé par Chrétien, et le Graal n’a pas pu être conçu par lui comme livre (cf. aussi H. et R. Kahane/A. Pietrangeli MélWartb2 1,195ss.). Quoi qu’il en soit, il semble bien possible que Chrétien ait choisi, non pas sans arrière-pensée, le mot graal, plus courant dans les parties du Sud, qui devait évoquer chez les auditeurs/lecteurs une association avec le quasi-homonyme → grael1 “livre liturgique”, renforçant ainsi le caractère mystérieux et spirituel de la scène du cortège du Graal (PercH 3213ss.). – Mlt. GRADALIS/-le “plat” [citons encore le passage fameux chez Hélinand (1203): Gradalis autem sive gradale gallice dicitur scutella lata et aliquantulum profunda, in qua praetiosae dapes cum suo jure divitibus solent apponi gradatim, unus morsellus post alium in diversis ordinibus; et dicitur vulgari nomine graalz, quia grata et acceptabilis est in ea comedenti, tum propter continens, quia forte argentea est vel de alia pretiosa materia, tum propter contentum, id est ordinem multiplicem pretiosarum dapum, cité d’après Blöte ZrP 48,680] se trouve en cat. greal, grasal, aussi au fém. greala, grasala (dep. 11es., CoromCat 4,637a; AlcM 6,396b), en esp. grial, greal (dep. 13es., Corom2 3,208a), en port. gral (graal 13es., Mach3 3,170b), en occ. grazal, aussi au fém. grazala et var. (dep. 12es., cf. Gossen VRo 18,190) et dans les dial. mod., cf. Gossen et le FEW. Du fr. sont empruntés angl. gral (greal, graile, dep. ca. 1330, MED 4,295b; OED G 338c) et sangrail [< saint graal] (dep. ca. 1450, OED 9,93c), all. gral (dep. déb. 13es., Grimm 41,5,1737 [interprété chez Wolfram von Eschenbach comme pierre magique]); mnéérl. grael (VerVer 2,2092). – FEW 2,1294b; Gossen VRo 18,177-219.]
(graal ca. 1180 PercH 66; 3220; 3225; etc.; AlexVenL 618; SGraalIIJosN 936; 2659; 2660; etc.; ContPerc1ER 3811; 3823; 3870; etc.; ContPerc1LR 7087; 7277; 7291; etc.; ContPerc1AR 7055; 7241; 7255; etc.; ContPerc1Tr 1363; 1375; 1422; etc.; ContPerc2ER 20972; 21005; etc.; ContPerc2AR 9504; 9870; ElucidationT 4; 303; 329; etc.; HélinandChronique ZrP 48,680 [v. le commentaire ci-dessus]; PercDidER 218; 2501; 4201; etc.; PercDidDR 8; 218; 247; etc.; MerlinM 16,66; 16,95; etc.; etc.etc., gral ContPerc4TW 55var. [dans ContPerc4TO p. 97], greal PercH 66var.; 3220var.; 3225var.; etc.; ElucidationT 447; 482; SoneG 4888; 4889; 4905; etc., garal FergF 14, graax PercL 3278; 6209; ContPerc1ER 3866; ContPerc1AR 7615; 7637, graaux ContPerc1ER 3853; ContPerc2ER 23955; 25792; etc.; PercDidDR 656, graaus PercH 3232var.; 3290; ContPerc1ER 13431; ContPerc1LR 7498; 7653; 7675; PercDidER 209; 224; 706; etc., greaus PercH 3290var.; MeraugisF 39; RègleHosp Gdf; inv. 1329 Gdf; AssJér Gdf; BastC 2492, greauls ChansBern389B 33,5, graail PercH 3293var.; 3401var.; 3565var., greail PercH 3556ar., grail doc. 1302 DehDoc 1,147, greil doc. 1302 DehDoc 1,147, grai ContPerc1LR 7739, graial SGraal Gdf, grasal LabordeGl 334, grezale doc. 1320 Havard)
  • “plat large et creux” (ca. 118016es., [frpr. 3eq. 12es. GirRossDécH 1622; 6370]; AlexVenL 618 [Sire, dist il, Deus te gart de tot mal, Ersoir mangai o toi a ton graal E hui matin eissi de ton hostal]; PercH 3220 [Un graal antre ses deus mains Une dameisele tenoit]; 3225; etc.; 6419/23/25 [Et del riche Pescheor croi Que il est filz a celui roi Qui del graal servir se fet. Mes ne cuidiez pas que il et Luz ne lamproies ne saumon: D’une sole oiste li sainz hon, Que l’an an cest graal li porte, Sa vie sostient et conforte; Tant sainte chose est li graaus, Et il est si espiritaus Qu’a sa vie plus ne covient Que l’oïste qui el graal vient]; ContPerc1AR 7241; ContPerc1ER 3811; 3823; 3853; 13431 [An une loige par devant Vit sus graaus (= M platiaus) d’argent ester Plus de cent testes de sengler]; ContPerc1Tr 9649 [= v tailloirs]; HélinandChronique ZrP 48,680 [v. le commentaire ci-dessus]; doc. 1302 DehDoc 1,147 [XII cheminaus, III pos de cuivre, I grant greil]; ib. [I grail a fondre fromages]; doc. 1320 Havard; 1329 Inventaire de mad. Ysab de Mirande [l. Marmande, cf. M. Roques dans Les Romans du Graal (Coll. int. du C.N.R.S. III) 1956, p. 9] Gdf; AssJér Gdf; etc.etc., TL 4,492; Gdf 4,326b; Gay 1,793b; Havard 2,1044; FEW 2,1293b sub cratis; Gossen VRo 18,181ss., survit dans les dial. mod., v. FEW et Gossen VRo)
  • “le Saint Graal [v. le commentaire général ci-dessus]⁠ (dep. ca. 1180, PercH 66 [Ce est li contes del Graal]; SGraalIIJosN 936; 2659 [Et queu sera la renummee Dou veissel qui tant vous agree? Dites nous, comment l’apele on Quant on le numme par son non? – Petrus respont: Nou quier celer: Qui a droit le vourra nummer Par droit Graal l’apelera]; 2660; 2673; etc.; ContPerc1ER 3866 [Lors se panse (Gauvain) et set sanz doutance Que c’est li Graax et la lance Qu’il devoit quere]; 3870; 3899; ContPerc1LR 7087; 7277; 7291; etc.; ContPerc1AR 7055; 7255; etc.; ContPerc1Tr 1363 [Entre ses mains en haut aporte (une pucele) Le saint Graal a descovert]; 1375; 1405; etc.; ContPerc2ER 20972; 21005; etc.; ContPerc2AR 9504; 9870; ElucidationT 4; 248; 303; etc.; MerlinM 16,66; 16,95; 16,117; etc.; FergF 14; etc.etc., etc.etc.ContPerc2ER 20019, TL 4,492; Gdf 4,326b; Gay 1,792a; FEW 2,1294b)
  • ⁠par extension “l’histoire du Saint Graal (déb. 13es., MeraugisF 39 [Ce fu li rois de Cavalon Qui fu plus beaus que Absalon, Si com tesmoigne li Greaus], TL 4,494)