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grifer/griper v.
[ÉtymologieLe FEW 16,78b met en vedette de la grande famille de mots réunissant les trois types gripper “saisir”, griffer et grimper l’abfrq. GRĪPAN “saisir”. Wartburg se demande pourqoui le type en -p- est si rare anciennement («äußerst spärlich und nur in ablt. belegt (agripper ca. 1200, gripaille 13.jh.»), mais se développe fortement au 15es. Or l’examen philologique démontre que agripper date en réalité de ca. 1370 seulement et que gripaille est à supprimer dans cette famille, v. ci-dessous. Il faut dater ce type à la lumière des attestations réunies ici de 1270 et du début du 14es. (TLF 9,524a grippe de fer, ‘fin 13es.-déb. 14es.’ l. 16es.). Le type en -f- est au contraire bien représenté dep. le 12es. Le FEW 16,79a pense que le type en -p-, proche de l’abfrq. *GRĪPAN, aurait pu être restreint à une langue de spécialité («etwa de gauner und diebe») pour se répandre ultérieurement, tandis que le type en -f- proviendrait de l’aha. GRĪFAN (16,79b, «unter dessen druck älteres gripper umgestaltet wurde»: très peu clair). Après les recherches de R. Schützeichel, p.ex. Die Grundlagen des westl. Mitteldt., Tübingen 1961 (cp. déjà Bruckner Mél. Binz 1935, 69-83), il faut accepter la possibilité d’un notable rayonnement culturel et linguistique francique ripuaire et rhénan, complétant celui des Francs Saliques (soit abfrq.; nous n’entrerons pas dans la discussion de l’ouest-frq.). Il en résulte que notre famille est prob. un emprunt à l’abfrq. et au frq. à la fois. De l’abfrq. on s’attend à une forme sans mutation, du frq. rhénan anc. ou ripuaire à une forme sans ou avec mutation consonantique (cp. Schützeichel cit., 234s.). La coexistence d’un abfrq. *GRĪPAN, plus ancien (4e - 5es.?), et d’un frq. GRĪPAN / GRĪFAN, plus récent (5e - 8es.?), peut être envisagée, de sorte que des explications supplémentaires deviennent superflues. La prépondérance de la forme en -f- ne nécessite pas de justification à tout prix (ex. FouchéPhon 619 rem. II). Ces mots sont bien appuyés par les langues germ.: mnéerl. gripen “saisir à la main”, VerVer 2,2146; aha. (frq., além.) grīfan Schützeichel3; etc., aussi lgb. / mlt. 11es. gloss. Vat. 1468 CGlL 5,491,27 anagrip : agrippare carnem femine cum manu; cf. FEW. Pour les formes occ. et hit. (avec -p-, -f- et -nf-) v. FEW 16,79a. Gam2 19b; 499a; 501b contradictoire. MeierEtym 11ss. reconstruit un lt.vulg. *CORRIPPARE (de rapĕre et rēpere), qui manque de fondement (les propositions ne reposent pas sur une nouvelle recherche des faits, mais sur une interprétation de matériaux choisis parmi ceux donnés dans le FEW; pour -p- / -f- il se réfère à des grécismes comme stròphos > tosc. stròp(p)olo / strofolo, ib. 16s.; cp. → grif). – Le type grimper est secondaire, il est attesté à partir de 1496 seulement (JVignayMir impr. 1495 / 96, t. 5: 1496, l. XXXI, ch. 76 le chat… se print et grimpa a la corde ou pendoit la cloche, = BN fr.314 fo 351vo sailli a la corde qui pendoit au saint et monta tout contre, MélHaust 416 ‘1327’ concerne ce texte par err.); la nasale résulte de la dissimilation du p géminé sous un effort affectif (cp. VRo 45,233; le FEW 16,79a, suivant Gam, y voit une influence de ramper; cf. ib. n.28, KramerGader 34 une influence de aha. krampf; MeierEtym 4 postule un étymon. lt.vlug. *CORREPĬNARE sans tenir compte de la chronologie).
Rem.: Gripaille f. “vol, rapine”, Gdf 4,360b (d’où FEW 16,75b ‘13es.’), est une erreur de Tarbé. La leçon graipaille, tirée du ms. Bern 389 [lorr. fin 13es.] fo 11vo (Gdf fo 1 err.), est confirmée par ChansBern389B p. 358 et par RomPast I 35,26 [un mari déprécié y est qualifié de Vilains bossus et malestrus Et toz plains de graipaille⟨: elle⟩]. Le texte en question se retrouve dans un ms. Metz 1em. 14es., où se lit la var. rapaille (RomPast ⟨: -elle⟩, aussi ChansOxfS 99,83), mot à rattacher à la famille de → rape “chancre, ulcère”, cf. Henry ZrP 70,259 et FEW 16,667b. La désignence -aille est à interpréter comme -ele (lt; lt. -ILLA), v. les rimes et cf. gonele / aille, aussi gratelle “grattelle” (→ grater). Le vocalisme du radical, -ai-, est une var. lorr. de -a-. Il en résulte sans doute un mot *grapele *“sorte de maladie (déplaisante)” qui est à identifier avec les mots réunis au FEW 17,132b sous *SKRAPŌN: mfr. crape “grappes (maladie des chevaux)” (ca. 1393 Menag), afr. mfr. crapeux “atteint de grappes” (Perc - 1547), afr. grapeus (Perc var. ms. Champ. sept. déb. 14es.), etc.; TL 4,565 ne définit pas mais corrige Gdf et rapproche le mot (avec?) de crape, Gam2 279b.]
Rem.: Gripaille f. “vol, rapine”, Gdf 4,360b (d’où FEW 16,75b ‘13es.’), est une erreur de Tarbé. La leçon graipaille, tirée du ms. Bern 389 [lorr. fin 13es.] fo 11vo (Gdf fo 1 err.), est confirmée par ChansBern389B p. 358 et par RomPast I 35,26 [un mari déprécié y est qualifié de Vilains bossus et malestrus Et toz plains de graipaille⟨: elle⟩]. Le texte en question se retrouve dans un ms. Metz 1em. 14es., où se lit la var. rapaille (RomPast ⟨: -elle⟩, aussi ChansOxfS 99,83), mot à rattacher à la famille de → rape “chancre, ulcère”, cf. Henry ZrP 70,259 et FEW 16,667b. La désignence -aille est à interpréter comme -ele (lt; lt. -ILLA), v. les rimes et cf. gonele / aille, aussi gratelle “grattelle” (→ grater). Le vocalisme du radical, -ai-, est une var. lorr. de -a-. Il en résulte sans doute un mot *grapele *“sorte de maladie (déplaisante)” qui est à identifier avec les mots réunis au FEW 17,132b sous *SKRAPŌN: mfr. crape “grappes (maladie des chevaux)” (ca. 1393 Menag), afr. mfr. crapeux “atteint de grappes” (Perc - 1547), afr. grapeus (Perc var. ms. Champ. sept. déb. 14es.), etc.; TL 4,565 ne définit pas mais corrige Gdf et rapproche le mot (avec?) de crape, Gam2 279b.]
(grifer doc. 1386 DC, griffer déb. 13es. BueveAgnS 439; JMoteVoieP 4212)
- ◆v.a. “égratigner d’un coup de griffe ou d’ongle” (dep. 1340, JMoteVoieP 4212 [Mauvais fait (cf. TL 5,1314,36) a viel cat dervé Avoir le festu traïné, Qu’il porroit bien griffer du piet, ou v.abs.?]; [doc. 1386 DC [lequel bailli fu grifez ou visage si que sanc en yssi]], TL 4,661 [v.abs.]; GdfC 9,724c; DC 4,111c; FEW 16,76b)
- ◆v.n. “porter des coups de griffe” (déb. 13es., BueveAgnS 439, Stone 343a [v.a.])
●grif m.
- ◆“ongle pointu et crochu de certains animaux, griffe” ([surtout Nord et Nord-Ouest] 4eq. 12es. – 16es., RenM XV 452 [(le chat) done un saut, sel fiert des gris, la face li a gratinee]; YderA 3373 [gris pl. (d’un ours)]; DoonMayP 1548 [Lez gris qui sont pongnans (d’une tigresse)]; 1560 [gris pl. (d’un lion)]; [FlorOctAlL 6477 [ses griz…; esgriffe (un lion)]], TL 4,657; Hu 4,377b; FEW 16,77a; TLF 9,497a [sous griffe], auj. dial., v. Chambon BHumR 53,409)
●grife f.
(grife ca. 1190 ChétifsM 1689, griffe 1447 ms. 1469 GirRossWauqM p. 233, criffe EchecsFreron Gdf)
- ◆1o“ongle pointu et crochu de certains animaux” (dep. 1347 [ms. 14es.], EchecsFreron Gdf [sans contexte, ms. partiellement détruit dep. le bombardement de Chartres en 1944, il est question de combats de chats, rens. aimable du conserv. Ch. Pollin]; [1447 GirRossWauqM ch.80 p. 233 [de singes]], GdfC 8,50c sub agripper; 9,724c; FEW 16,77a [dep. ca. 1500]; TLF 9,497a)
- ◆2o“sorte d’instrument dont la forme rappelle une griffe d’animal” (dans le contexte sorte de fer à prisonnier) (ca. 1190, ChétifsM 1689 [gent… prise et amenee… En buies et en grifes (var. caines, fers) mise et encaanée, ms. de base Nord-Est 2em. 13es.), pour d’autres objets v. GdfC 9,724c [16es., en archit.] et FEW 16,77a [dep. OlSerres, outils]])
●grifier adj.
- ◆“qui est pourvu de griffes” (?) (qualifiant dans le contexte un faucon de prix) (pic. 2et. 13es., AuberiTarbé p. 67 [vous voudroi de mes joiaus lessier, Et chiens et viautres… Et maint et maint faucon grifier, ms. 1298, fo 54rob vérifié, gloss. greffier err., cp. grif / grifon sub → grif et faucon gruier YvainR 2318], Gdf 4,357c; TL 4,661; FEW 16,77b)
●mfr. esgriffer v.a.
- ◆“égratigner d’un coup de griffe” (1367 – av. 1581, doc. 1367 Gdf; FlorOctAlL 6478 [le lyon… Ses griz qu’il avoit grans en corps luy embaty; Il le mort et esgriffe… La fut mort le califfez], Gdf 3,470b; Hu 3,640a [Alcr.,† 1581, impr. fin 16es., éd. Joukovsky p. 95 egriffé]; FEW 16,78a [1547 err.], survit surtout en pic. et norm.)
●esgrifure f.
- ◆“blessure faite en égratignant avec les griffes ou ongles” (AventuresM 37 [(les loups) firent de lor graus mainte esgrifure laide, texte pic.], Gdf 3,470b [Aventures et doc. 1463]; FEW 16,78b [15es. err.], survit en norm. et pic. mod., v. FEW)
●mfr. degriffer v.a.
- ◆“égratigner d’un coup de griffe ou d’ongle ou par des épines et sim.” (mfr. ms. 2em. 15es., PercefT 6409 (I 37) [entrent ou houssoy… et sachiez qu’ilz furent moult degriffez en plusieurs lieux], Gdf 2,475c [cite l’impr. de 1258]; TL 2,1311 [renvoi]; FEW 16,78b)
●griper v.n.
- ◆“monter en s’aidant des mains et des pieds” (déb. 14es. – 1547, PamphGalM 1564 et 1566 [Li rois se prent au mont (une grant montagne) griper, Tout sans cheval, et tout si per. Tant ont gripé que dessus vienent, texte de la Champ. sept.], TL 4,671 [‘intr. ou réfl.’: réfl. quasi exclu]; GdfC 9,726b [15e-16es.]; FEW 16,74b [1442-1547], survit dans des dial.: Norm., Nord-Est)
●mfr. grippier v.a.
- ◆v.a. “saisir” (mfr. [14es.] ms. mil. 15es., EnfGarBi fo 36,11 [Quantz ilz orent disné, se ont la table grippie ⟨: íe⟩])
●gripe f.
(gripe PamphGalM 1540, grippe doc. S.-Omer 1270 Gdf; GGuiB I 787)
- ◆1o“rocher escarpé” (déb. 14es., PamphGalM 1540 [(le sage) maint sur une grant montaigne Chi dehors en si hautes gripes Qu’il n’i a ne sablon ne pipes], TL 4,670 [“Felsenzacken, Felsen”]; FEW 16,74b [cp. dial. grippet et sembl. “raidillon”, “sentir escarpé” et sembl.: dérivation de gripper “grimper” douteuse; cf. 73a]; TLF 9,524a [‘fin 13es.-déb. 14es.’ d’après Gdf err.: AncThéât])
- ◆“sorte d’élément de construction d’une maison faisant saillie, saillie fixe” (1270, doc. S.-Omer 1270 Gdf [ke nus ait arbres a .x. piés pres des fossees de le vile, ne ne tiegne grippe ne privee a .x. piés pres], Gdf 4,360c [“lieux d’aisances” err.]; FEW 16,73a n.3)
- ◆2o“action hostile” [→ grifer] (ca. 1307; 2em. 14es.; 4eq. 15es.; 1512, GGuiB I 787 [Richart… quens de Poitiers Et homme lige au roy de France… jure… Que jamais n’aura redevance De sa terre le roy de France… Ne desormais rien n’en tendra; S’il assaut, il se deffendra… El tens duquel je vous parole, Que Richard commença ces grippes, N’iert d’aage le roys Phelippes]; [DeschQ 5,296 [Chascuns (des quatre brigands) sera [en] male grippe S’ilz treuvent les gens maucourtois: Horion aront; gloss. “mésaventure”]; Molinet [grippe de fortune Gdf]], Gdf 4,360b [“querelle, hostilités” pour GGui]; 5,113b [malegripe s., “pillard, brigand, voleur”, Desch, à corr.]; TL 4,670 [«übertr. Übergriff, Auflehnung, Feindseligkeit» décrit la situation dans GGui plutôt que de définir]; FEW 16,73a [“querelle” reprend partiellement Gdf: non approprié; 15e-16es. à corr.; ib. mfr. malegripe “voleur”, Desch Gdf, à corr.; ‘Molin’ justifie à la fois grippe 16es. et grippe de fortune (< gloss. Doutrepont, texte: gripe de f.); Hu 4,383b [1512, “rapine” douteux])
●mfr. grippon m.
- ◆“espèce de croc” (?) (mfr. invent. 1378, ProstInv 2,83 [1 van, 1 courboille, 1 broicheour…, une chemise… 1 franc; 1 grippon et 2 robes viez, vendus 8 gros], cp. FEW 16,74a)
●gripillon m.
- ◆“fer servant à enchaîner un prisonnier” (déb. 14es., PamphGalM 1731 [chartres, prisons…, Gardes, buies et gresillons, Fers c’on appielle gripillons…, piloris et fourches, éd.: «désigne prob. les tenailles en forme de griffe, destinées à arracher des lambeaux de chair»], TL 4,671 [“ein Folterinstrument”]; cp. FEW 16,74a)
●mfr. agriper v.a.
- ◆“attaquer (qn) en griffant” (dit d’un ours) (mfr. ca. 1402, MelusCoudrR 6399 [(combat entre ours et chevalier) l’ours sur l’escu l’agrippa Et sur l’espaule le happa]; 6405, Roques RLiR 47,256, semble vivant dans qqs. dial., v. FEW 16,74ab)
- ◆“saisir, attraper brusquement et avec avidité (qch.)” (mfr. frm. dep.ca. 1370, BibleMorp1A p. 46a [typologie biblique: Gripon senefie li grant prevost qui tot agripe, ms. ca. 1370; = ms. ca. 1225 Wien fo 28vob Li grifon senefiet les granz prevoz qi tolent par force, BibleMorwH p. 55], GdfC 8,50c [2em. 15es.]; FEW 16,74a [ca. 1200 = BibleMorp1A]; TLF 1,234a [att. ca. 1246, ‘ca. 1200’ et ‘apr.1350?’ (= 3e att. de GdfC) à corr.])
●agrifer v.pron.