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article imprimé Add. & Corr.
rédaction: Frankwalt Möhren
groisele f.
[ÉtymologieEtymologie discuté depuis Diez, sans que l’on ait tenu compte de toutes les attestations disponibles (p.ex. dans GdfC, v. RLiR 50,529n10). A la suite de Diez5, Meyer-Lübke REW3 et des germanistes (FringsGR, aussi KlugeM19 736a), Wartburg, ZrP 62,219-221 et FEW 16,424a, met en vedette un abfrq. *KRUSIL, appuyé par all. Kräuselbeere “groseille verte” (16es.), etc. Cet étymon est pourtant à écarter: il est incompatible avec l’att. la plus ancienne, mlt. grissella (-um), ms. Italie 2em. 9es., avec des formes afr. comme griseler et avec le sens premier probable, celui de “nerprun”. Gam1/2 propose un lt.vulg. *ACRICELLA, dér. de ACER “aigre”. Le développement phonétique se compare à arbriscellus GlReich > arbroisel / arbrissel, fiscella > fisselle / foissele / fessele, *dominicellu > damoisel / damisel, etc. La prépondérance des formes en -o- est expliquée dans BambeckWortst 94 par une influence d’un *GROSSELLAgrosse baie / groseille verte” (le FEW 16,424a explique de façon similaire -oi-, à la place de -o-, par l’influence de groisse “grosseur”; les formes en -i- n’y figurent pas), mais les groseilles vertes du temps n’étaient pas encore croisées avec des congénères américains et étaient beaucoup plus petites qu’aujourd’hui (pas de désignations de ce type dans d’autres langues). Il est p.-ê. plus approprié de faire allusion à des variations comme mlt. acrizimus / agrozimus (Isidor), DC 1,62a, ou lt. acrifolius / agrifolius / agrufolius (Cato), ThesLL, et au lexème lt. mlt. acro-, assez vivant, v. LathamDict 1,21ab; LexNed; etc. – Personne encore ne s’est soucié du sens du mot, soit dans le cadre de l’étymologie, soit en interprétant les textes: Wartburg doit partir de “groseille verte” (étant donné son étymon) et ‘explique’ le sens de “groseille rouge” par un ‘passage déjà ancien’. Gamillscheg ne parle que de la groseille rouge, ce que lui suggère son acer “acidulé”. Bambeck néglige à son tour entièrement la groseille rouge puisqu’il croit avoir besoin de *grossella “grosse baie” pour expliquer la voyelle de la racine du mot, se limitant ainsi à la groseille verte (acer “aigu” et grossus “gros”). Les textes font voir pourtant que le mot désigne au début (9e-12es.) une plante utilisée dans des recettes ophtalmologiques ou qu’il traduit lt. rhamnus. Ce rhamnus, attesté dans des textes médicaux, dans la Bible et ailleurs est identifié le plus souvent avec le nerprun (Rhamnus catharticus). Il faut croire que *acricella / grisella (-um) / groisele sert à dénommer le nerprun (vraiment utilisée en médecine; sa valeur ophtalmologique supplémentaire se déduit, selon la médicine populaire, de ses épines), ou encore un congénère voisin comme le paliure (Paliurus spina-Christi; cp. pour la chose ms. fin 8es. Bambeck Med. 1 fo 71vo Ad reuma oculorum : licio). Cette identification avec une toute autre plante cadre avec les faits connus des paléo-ethno-botanistes: L’existence des groseilles vertes et rouges est mal attestée à date ancienne; ces plantes semblent originaires de la Belgique actuelle (leur datation botaniques reposait sur Gdf!; depuis, une att. dans des fouilles romaines de Butzbach, Hesse, v. Baas Saalburg Jb., 36, 1979, 61), tandis que le nerprun est courant partout et à toute époque. Il faut donc penser que *acricella désigne d’abord la baie (d’un arbuste à épines (donc de ACER “aigu”), en l’occurrence surtout le nerprun. Les feuilles du nerprun ressemblent fortement à celles des groseillier vert, ses fruits sont verts d’abord et rouges foncés et presque noirs à l’état mûr comme ceux du groseillier vert, et ils poussent en forme d’ombelles pouvant rappeller les grappes du groseillier rouge. Tout porte donc à croire que le double sens du mot en frm. tient son origine du passage parallèle du sens de “nerprun” (ou congénères) à “groseille verte” et “groseille rouge”. – Comme il est impossible de déterminer avec certitude de quel fruit ou arbuste il s’agit lorsqu’on ne dispose pas d’un indice positif dans le contexte, nous établissons comme 3o un groupement d’att. impossibles à attribuer à 1o ou 2o. Surtout, s’il est certain que les att. de 1o, tirées de textes bibliques, s’identifient historiquement certainement avec rhamnus, on ne saurait toutefois préciser où et quand le sens 2o a supplanté 1o; par conséquent notre distribution de qqs. att. peut présenter quelque arbitraire. La 1e att. de “groseillier vert”, ca. 1225 BibleMorwH, semble illustrer le passage sémantique: le mot traduit Idc 9,14 ramnum (BibleRab: buisson d’épines); le traducteur a prob. compris ramnum comme “nerprun” (vel sim.), mais le miniaturiste, lui, voyant grozelier dans le texte à illustrer, a dessiné un groseillier vert (interprétation de la miniature assez certaine: feuilles, épines, baies isolées, le tout à coloration verte; la Bible mor. lt., ms. Oxford Bodl. MS. 270b fo 112ro a1, porte rampnus, la miniature n’apporte rien); la culture du groseillier vert n’est pas nécessairement confirmée par fin 13es. ViandVal: on peut bien utiliser en cuisine un fruit sauvage. La 1e att. du groseillier rouge date de av. 1480, mais il est probable que l’arbuste était connu dans le Nord de la France dès le 13es., au moins comme plante sauvage, quoique nous n’en ayons pas de preuve. (Cp. Arveiller ZrP 104,296-302: ribes, avec confusions comparables.) – Nous n’entrerons pas dans la discussion de l’orig. des désignations germ.; à signaler la 1e att. germ. de la groseille verte, mnéerl. stekebeyere, proprement ‘baie à épines’, ca. 1370 DialFrFlamG p. 14. Du fr.: mangl. grosiler etc. “nerprun”, [ca. 1300]-15es., HuntPl 218s., greisiler “groseillier vert” ca. 1450, MED 4,327b, angl. groser 1548, OED ‘obs.’; bret. grenozell “groseille verte”, Hemon; esp. grosella “groseille rouge”, aussi “groseille verte”?, Aut; all.rhén. groschel f. “groseille verte”, aussi “groseille rouge”, Post 217; etc. Piém. grosele “groseille verte”, lomb. grozœle “id.”, crosell “groseille rouge” sans doute du fr., mais lig. grixelle “groseille verte” et piém. grisella, Penzig 409s.?, cp. FEW 16,424a. – Pour frm. groseille à maquereau v. Cottez CahLex 50,74-75: première date Trév 1752 (maquereaux “taches” douteux, cf. Délices 1673 cité RLiR 50,537n31). – «Afr. grosselet “groseille”», FEW 16,423a, est à corriger: l’att. date du 16es. (ou même du 17es.); le sens est “groseille verte”. – Möhren, “Paléo-ethno-botanique et étymologie”, RLiR 50,527-541.]
(groisele av. 1252 ChansArtB XV 91; RutebF 2,264,65; GlParR 7178, groiselle ViandValS no 27 avec var. ViandTaillv; [doc. 1376 ProstInv 1,2712; ca. 1393 MenagB 214,34var.; 214,36var.], groisseille ca. 1393 MenagB 219,18var., grosele GdfC, groselle AnticlC 2649; GlBNlat8246M 24,171; GuillAnglW 434var., ⁠mfr. grosselle ViandTaillnS no 27, grosileç FevresS [transcrit de caractères hébr.], grozelle GdfC; RutebF 2,264,65var., ⁠mfr. grousselle ViandTaillnS no 27, grousielle DialFrFlamG p. 14, ⁠agn. cromsile (?, cp. chrosiler ci-dessous)⁠ déb. 14es. NominaleS 684, ⁠mlt. grissella BullDC 23,114)
  • “fruit d’un arbrisseau vivace à épines, de la famille des Rhamacées, prob. surtout le nerprun et spéc. le Rhamnus catharticus (utilisé comme laxatif p.ex.)” (ca. 128615es. [mlt. ms. Italie 2em. 9es., recette ophtalmol., BullDC 23,114 d’après Jörimann, Frühma. St., Zürich 1925 [Ad maculas oculorum tollendas… Spinis qui grissella (ou -um, l’arbrisseau?) carcant teneris], GlBNlat8246M 24,171; FevresS; déb. 14es. NominaleS 684; GlParR 7178)