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Add. & Corr.
groler v.n.
[ÉtymologieSont réunies ici quatre att. afr. qui font problème: 1o, une grue groule (Bibb), 2o, un jars agroile (Bibb), 3o, une femme greule (RègleCist), 4o, des maris groullent (RenContr); il s’agit p.-ê. toujours d’émissions de voix. – 1o. Le gloss. de BibbO définit grouler par erreur “s’agiter, s’ébranler”, mais l’att. se trouve au chap. traitant des voix d’animaux. Une glose mangl. ancienne (1em. 14es.; aussi NominaleS) traduit par creken, mot qui s’emploie en rapport avec des grenouilles, des corneilles et d’autres animaux (MED 2,718a); un ms. fin 15es. glose waggys “branle”: le scribe a eu la même association err. que l’éd. Owen; déb. 15es. BibbfW 6 glose graulyþ (aussi grallep pour le jars, 7), mot prob. repris à notre *groler (MED 4,295b). Cette att. se retrouve par err. au FEW 22,1231a sub lt. *CORRŎTŬLARE, en tête du groupement II.2., v.n., attesté dep. le 16es. seulement (II.1., v.a., encore plus tard); Meier, qui parle souvent de grouler, n’a jamais vérifié cette att. charnière (MeierNEtym 187; MeierOno 135; MeierPrinz 75; etc; de même TLF 9,557b). – 2o. Agroiler est prob. un dér. de *groler, NominaleS donnant la leçon agn. agrule(r); le cris du jars est proche de celui de la grue; glose mangl. dans Nominale: gagolen “crier (du jars)” (MED 4,9a). Manque au FEW. – 3o. Dans RègleCist on dit qu’il faut chanter avec sa voix naturelle, pas en fausset ou comme une femme greulant. Ce mot se trouve au Gdf avec la déf. err. “trembler de froid”; le FEW 22,1232a *CORRŎTŬLARE l’a repris comme 1e att. du groupement II.2.b. “trembler (de froid)” (ensuite 18es. et dial.); la qualification comme ‘abourg.’ provient des indications de Gdf (Règle cist.; ms. Dijon), mais la langue est pic.; si greulant est une var. de *groler, il faut interpréter -eu- comme var. pic. de -ou-, possible sous l’accent (et transférée par analogie; cp. GossenGramm § 26). MeierNEtym 185 et 195 reprend cette donnée du FEW sans vérif. Corrigé dans TL 4,691 qui définit: “grell schreien (?)” et qui juge la déf. de Gdf comme ‘improbable’. – 4o. Grouller apparaît dans un contexte où des maris qualifiés de façon très négative par les femmes savent grouchier et grouller (→ grocier); le parallélisme conduit TL à définir “murmeln, murren”, contre le gloss. de l’éd.: “crier”. Cette att. s’intègre facilement dans le groupement III.1., FEW 16,60b: grouller (objet indir.) “désapprouver en murmurant”, pic. 1411 GesteDucsBourgK 8491; etc.
Il en résulte qu’il faut prob. réunir toutes ces att. avec le grouller précité, FEW 16,60b, III.1., placé sous l’étymon mha. GRILLEN “crier”, mais où le groupement III est exliqué comme emprunt au cousin mnéerl. GROLLEN “gronder, murmurer” (VerVer 2,2165: rare et tardif). Le groupement III.1.b. (mfr. crouler “roucouler”, etc.) a été repris dans le FEW 10,555a, sous l’onomatopée RUK-, rendant le cri des colombes (mfr. frm. roucouler; crouler surtout norm., cf. n.4). Un contact avec lt. GRACULA, II. mfr. frm. grole f. “corbeau”, etc., a été envisagé puis rejeté dans FEW 16,62n17.
Si l’on cherche l’origine du côté des cris d’animaux, l’on constate que la tradition des énumerations des cris (comme celle dans Bibb) est ancienne, et remonte à Varron et Suétone (v. CGIL 1,91-93): grus gruit ms. 10es., CGIL 1,91: grues gruddant vel gruunt vel grugulant Angleterre ca. 700, LathamDict 1111b; ThesLL 62,2337,67; cp. aussi ciciniae cratalant et grotolant (vel critalent) vel craccitant et equi hinniunt vel grugulant, ms. Angleterre 9e / 10es., CGIL 1,92s. [autre var. tardive gurgulant, cf. Reifferscheid, Suét. p. 249var.]. (Pour les onomatopées semblables des langues indo-eur. cf. Pokorny 383s. ger-, 439 gher- et 567 ker-.) Ce mlt. grugulare semble en rapport étroit avec les formes données sous RUK-, FEW 10, et est facilement comparable à grouler (dit de la grue et de la colombe, ci-dessous 1o); le rattachement de grouler “gronder, murmurer”, respectivement “crier (dit d’une femme)”, 2o, est à étayer. – Cp. → grocier 2o et le commentaire. – Mangl. grollen “émettre des sons (de l’intestin)”, gra(u)l(l)en “crier (du jars)”, angl. to growl “gronder (d’animaux)”, “grogner”, vient prob. du fr., cf. MED 4,295b; 387b; OED G 464c; 465a; OEDSh3 897c [l’angl. mod. serait indép. du mangl.: onomat.]]
(grouler BibbO 249; NominaleS 837; [BibbfW 6], grouller RenContrR 40267, flandr. greuler 1ert. 13es. RègleCistG 569)
- ◆1o“faire entendre son cri (dit de la grue, dont le cri très variable peut ressembler à celui du jars, mais aussi au grondement du chien [elle sait aussi émettre un son ressemblant à celui d’une trompette])” (ca. 1290 – [ms. ca. 1415], BibbO 249 [chap. Ore de la naturelle noise des toutes manere des bestes… Vache mugist, gruue groule; glose ms. 1em. 14es. mangl. crane cirkez (cirkez err.?, = éd. R 250 crekez, cp. NominaleS 840 owe jangle : goos crekith: MED 2,718a “to make a croaking noise” [son des grenouilles, des comeilles et d’autres animaux]; glose ms. fin 15es. waggys “branle” v. ci-dessus; = ms. ca. 1415 BibbfW 6 greue groule : cran graulyþ, cp. ib. 7 jars jaroyle : gandre gralleþ, mangl. graulen du fr. graislier selon MED 4,295b, peu prob.)]; NominaleS (texte exploitant Bibb) 837 [grue groule : crane gret]; [BibbfW (remaniement de Bibb, v. ci-dessus)], TL 4,691 [“klappern (Storch [sans att.], Kranich)”, = “craqueter”]; Stone 344a [“to squawk”; var. grow- non att.]; FEW 22,1231a [“s’agiter, s’ébranler” Bibb, err.]; 10,555a [norm. crouler “roucouler”, fin 16es. et dial., aussi grouler; morv. groule m. “époque du passage des bécasses au printemps”])
- ◆2o“crier, parler de façon assourdissante (aussi ridicule, prob. aussi se plaindre)” (1ert. 13es.; ca. 1342; 1411 – 16es., RègleCistG 569 [chap. 73 Des fausés. A nos apertient chanter a vois humaine, nient a guise de femme greulant ne a fausset, por sivir legerie de menestreus (lt.: Viros decet virili voce cantare, et non more femineo tinnulis, vel ut vulgo dicitur falsis vocibus veluti hystrionicam imitari lasciviam). Por ço si avons establi tenir moieneté en chanter si ke on i puist meürté et se devotion garder, ms. flandr.; Gdf fo 74vo l. 174vo]; RenContrR 40267 [(les femmes se plaignent de leurs maris) Je claims trestous les maris quittes, Car mat sont, mort, frileux et lent Et senttent trestout le relent; Bien scevent grouchier et grouller, Mais ne scevent femmes lober; emploi p.-ê. motivé par grouchier, cp. → grocier, aux contextes similaires], Gdf 4,350c [“trembler de froid” pour RègleCistG err.; “crier?” pour GesteDucsBourgK, plutôt “désapprouver en murmurant”]; TL 4,691 [“grell schreien”; “murmeln, murren”; corr. Gdf]; FEW 22,1232a [RègleCistG, à corr.]; 16,60b, continué par mfr. grouller “désapprouver en murmurant” 1411 GesteDucsBourgK 8491; grouler 16es.; etc. [aussi “gronder (du chien)” 1545; 1614], v. FEW 16; cp. flandr. degrouler v.pron. “murmurer contre” 1458 ChronPBasS Gdf; dial.mod., FEW 16,61a)
●agn. agroler v.n.
[ÉtymologieAttesté uniquement dans Bibb et ses dérivés. La var. en -oi- pourrait être influencée de → jaroiler, BibbO 260. DEAF G 344,25 cite agroiler sans commentaire sous garruler (corr. ib. garrulement ‘ca. 1331’ en ‘15es.’: il s’agit du remaniement en prose; ca. 1350 OresmeQuadr Gdf devient 1e att., à vérifier; manque à GdfLex et par là au FEW).]
(agn. agruler NominaleS 842, agroiler BibbO 259)
- ◆“crier (du jars)” (ca. 1290; [déb. 14es.], BibbO 259 [Ouwe jaungle, jars agroile (= BibbR 261; = déb. 14es. NominaleS 842 jarce agrule : gandre gagoluth; déb. 15es. BibbfW 7 donne jars jaroyle), Ane en mareis jaroile], Stone 17a [graphie titre non att., = Nominale; 159 l. 259; déf. non appropriée, cp. RlFn 6,155])