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article imprimé Add. & Corr.
rédaction: Stephen Dörr
gromet m.
[ÉtymologieSelon le FEW 16,91a, dérivé de mangl. GROM à l’aide du suffixe diminutif -et. H. et R. Kahane Journ. Engl. Germ. Phil. 60 (1961) 464-465 rejettent cette étymologie avec de bons arguments: Une origine angl. n’est pas justifiable; le suffixe -et suggère une origine fr.; angl. groom “garçon” et gromet apparaissent à la même époque et tardivement (1225 et 1229 [grom comme nom propre fin 12es., MED 4,387]); le centre d’irradiation semble être la Normandie. Ils proposent comme base du fr. anorv. GRÓMR “homme”, bien appuyé (Jóhannesson 397). L’angl. dérivait du fr. (norm.). Il faut noter que le simple n’est attesté que tardivement et est restreint à la Bretagne: ‘mfr.’ grome, 15es., FEW 16,91a (< DC 4,114c qui cite gromes dans un texte anglolt. de la Haute Bretagne), gourme “valet”, hbret. 1404, Kahane cit. 464; 1413-1415, ib. 465; 1421, ib.; 1465, Bartzsch 11 (FEW 16,91a grome par erreur). Si l’étymon semble assuré, il reste à retracer l’histoire du mot (elle est sans doute en rapport étroit avec la marine et le commerce maritime). Cf. occ. gormet “mousse” (par métathèse), dep. 1317 Lv 4,149b, esp. grumete, dep. 1492 Corom2 3,226a, port. grumete, dep. 1297 (!) Mach3 3,182b. It. gromite (Gênes, av. 1493 dans un texte mlt., C. Roncière, Découv. de l’Afrique au M.Â. III,49), grumetto (dep. 16es., Battaglia 7,82c) et gurmetta (dep. 17es., Battaglia 7,175b ‘du fr. ou de l’aocc.’) semblent être empruntés à l’espagnol. – Quant au sens, le FEW distingue entre “valet” et “valet chargé de conduire les vins”, mais il est difficile de déduire avec certitude le second sens des attestations connues des 14e et 15e siècles, bien que dans beaucoup de contextes gromet se trouve en rapport avec le vin d’une façon ou d’une autre, v. les contextes. Pour l’époque ancienne, il faut supposer un sens plus gén. de gromet et de *gromete (TL définit ce dernier “Weinmaklerin”). – A la suite du FEW, nous joignons avec hésitation gormant “celui qui mange avec excès” et ses dérivés à gromet “valet”: une dérivation par changement de suffixe (analogue à friand?) se heurte entre autres au fait que gourmet au sens de “personne qui apprécie le raffinement en matière de boire et de manger” est attesté deux siècles (16es.) après gormant et ses dérivés (1340, etc., nom propre 1285, v. ci-dessous). Si l’on suppose une telle dérivation, le développement sémantique aurait dû passer de “valet” à *“valet s’occupant du vin” (même pas assuré pour gromet à cette époque!) et à “celui qui mange avec excès”. Gourmand a passé en milan., cat., all.lorr., all. et angl., v. FEW. – FEW 16,29b; REW 3879 et 9570 [range afr. gromet, frm. gourmet sous ‘aangl.’ GROM “Bursche” (= “jeune homme”) et fr. gourmet “Junge” (= “jeune homme”) de plus sub WORM “pus”, proposition très peu probable]; Gam2 490a; Kahane Journ. Engl. Germ. Phil. 60,464-465; GuiraudObsc 337 (proposition aventureuse).]
(⁠mfr. gromet doc. 1386 Jal2; doc. 1392 Gdf; doc. agn. Bordeaux 1394 v. ci-dessous, groumet doc. 1392 Gdf, gourmet doc. 1402 Gdf, gerromet doc. 1415 Gdf, grommet doc. Paris 1312 CptRoyF 1735918; 1735921; Du Riche et du Ladre DC, grommer doc. Paris 1325 CptRoyM 7318)
  • “personne employée pour certains services domestiques (p.-ê. spéc. pour vivres, vin)” (Du Riche et du Ladre [A ceste gent (de guerre) sont compaignon Mauvais grommés, mauvais garchon, Des boines gens boivent le vin Que il carient au quemin DC]; [doc. 1386 Jal2; doc. 1392 Gdf; ; doc. agn. Bordeaux 1394, Fr. MIchel, Hist. du comm. nav. Bord., 1,125 [Et est accordé que en ce cas que lesditz vins soient affoleez par le mestre, mariners, pages ou grometz de ladite neff]; doc. 1402 Gdf; ], DC 4,114c; Gdf 4,365b; TL 4,692 [renvois]; DG 2,1182b [date Du Riche… DC de 1352]; Li 2,1900c [date Du Riche… DC du 13es.]; Jal2 792b [doc. 1317: aocc.]; FEW 16,91a [gromet “valet” 1352-1372 (l. 1392), autres sens jusqu’à 1858]; 16,91b [gourmet “valet chargé de conduire les vins” 1392-1611])
  • gromet employé comme surnom⁠ (doc. Paris 1312 CptRoyF 1735918 [Johann Grommet]; 1735921; 17482; doc. Paris 1325 CptRoyM 7318)
gromete f.
(groumete PelVieS 10433, groumette PelVieS ib. var., gourmeite PelVieS ib. var.)
  • “femme employée pour certains services domestiques (p.-ê. spéc. pour vivres, vin)” (1332, PelVieS 10433 [(dans une allégorie) Est elle (la langue), dis je, groumete (var. ms. fin 14es. grouinette [l. groumette], var. ms. 14es. gourmeite) Qui a taster (ms. d’essaier) vins s’e(ntre)mete?], TL 4,692)
mfr. grometel m.
  • “personne employée pour certains services domestiques (p.-ê. spéc. pour vivres, vin)” (doc. 1398 Gdf [Je ne suis tenu de m’en doubter neant plus comme du grometel, et dist a sa femme: Je cuide que vous me voulez jouer de jeu comme vous me jouastes avec le grometel, et vous ne m’en ferez plus], Gdf 4,365c; TL 4,692 [renvois]; FEW 16,91b)
gormant m.
(gormanz c.s.sg.⁠ doc. 1285 LebelPers 128, gourmant doc. 1338 LongnonDoc 3,245d; [Isamb 4,701; OresmeEthM 224,63a])
  • “celui qui mange avec excès” (dep. 1354 (?), Isamb 4,701 (?, non en forme; pour la mauvaise qualité de l’édition, v. Drüppel 25) [avenus aucuns autres desdis ouvriers gourmans, ou frians, ou faineantises vont sejourner es tavernes]; OresmeEthM 224,63a [Et pour ce, telz gens sont appelés castrimarges et est a dire que ilz ont les ventres enragiez, et peuent estre diz en françois gloutons ou gourmans], TL 4,453; GdfC 9,711a; FEW 16,91b)
  • ⁠employé comme surnom⁠ (1285; 1338, doc. 1285 LebelPers 128; doc. 1338 LongnonDoc 3,245d [Le Gourmant, dans une liste de noms de contribuables])
gormandie f.
(gormandie J. Bouchet Gdf, gourmandie 1342 JacBruyP 13b; [JDupinMelL 390 var. ms. 15es.], gourmendie Intern. consol. Gdf)
  • “disposition à manger avec excès, l’action qui en résulte” (13421536, JacBruyP 13b [(dans une allégorie) Gourmandie l’une (troupe) conduit: Avec lui sont en son conduit Friandise, Lopinerie, Yvresse, Oultrage, Lecherie]; [JDupinMelL 390 var. ms. 15es. [texte de base: gourmanderie, v. ci-dessous]], TL 4,453; Gdf 4,322a; Hu 4,347b; FEW 16,92a [“vice du gourmand”, 1393-1536, Gdf; Comm])
gormanderie f.
(gormanderie 1340 JDupinMelL 4127, gourmanderie JDupinMelL 390; GuillMachH 3,127,3590; 3,149,169; [mfr. GaceBuigneB 4247; ChrPisMutS 6457; 6477; JDupin ms. 15es. Gdf], gourmenderie GuillMach 3,149,169 var. ms. 3et. 14es. Gdf; DeschQ 1,207,12)
  • 1o“disposition à manger avec excès, l’action qui en résulte” (1340Oud 1660, JDupinMelL 390 [(Les moines) Des bons vins ne sont pas estranges. Es enfermeries a rechange Vont pour faire gourmanderie]; 4127; GuillMachH 3,127,3590; [DeschQ 1,207,12; mfr. GaceBuigneB 4247; ChrPisMutS 6457; 6477; JDupin ms. 15es. Gdf], Gdf 4,322a [‘Merancolies’ err. pour cette partie de JDupin]; TL 4,452; Hu 4,347b; FEW 16,92a)
  • 2o“aliment capable de plaire à un gourmand” (2et. 14es., GuillMachH 3,149,169 [Et se pouilles, chapons ou cos Ou aucune gourmanderie Y a, il en a croute ou mie Et dou seurplus aucune part], Gdf 4,322a; TL 4,452 [renvoi])
mfr. gormandise f.
(gourmendise av. 1374 Oresme Gdf, gourmandise ChrPisMutS 6451; 6466, gormandise ChrPisMutS 6451 var. Gdf)
  • “disposition de manger avec excès, l’action qui en résulte” (dep. av. 1374 [ms. 15es.], Oresme Gdf [Ce sont mengeries, buveries, gourmendises et engorgeries, Gdf 3]; ChrPisMutS 6451 [Et pour mener tel gourmandise (var. gormandise Gdf), Ne leur en chaut il en quel guise Facent faulx ouvrage a la gent]; 6466, TL 4,453 [renvois]; Gdf 3,174a sub engorgerie; GdfC 9,711a; FEW 16,92a [gourm- dep. 1488])
mfr. gormandement m.
(gourmandement 3et. 14es. DeschQ 3,182,48)
  • “disposition à manger avec excès, l’action qui en résulte” (3et. 14es.3et. 16es., DeschQ 3,182,48 [(dans une allégorie: reproche des mains a la bouche) Car tuit mourrons par vo gourmandement; Pas ne voulons ensuir ceste dance Par le deffault de vivre sobrement], TL 4,452; Lac 6,409b; Hu 4,345b; FEW 16,92b)
gormander v.
(gourmander 1332 PelVieS 10454; [DeschQ 2,222,260; 8,34,36; Desch Lac], gourmender DeschQ 3,140,35, gormander LatourLandryE 137,18; 138,21; doc. 1392 Gdf)
  • ⁠v.a. “manger avidement (qch.)” (1332Mén 1750, PelVieS 10454 [Quar quant mes vins ai entonné Et mes viandes gourmandé Lors diroie [je] vilennie A Dieu et [a] Sainte Marie]; [DeschQ 3,140,35; Desch Lac], TL 4,452; Gdf 4,322a; Lac 6,409b; Hu 4,346a; FEW 16,92a)
  • ⁠au fig. “épuiser qn” (3et. 14es., DeschQ 8,34,36 [Celle (l’amante) qui ainsi me reboute, Qui me fait le visaige maigre Et qui m’est vers la nuit si aigre Qu’elle vient toudis sanz mander Pour mon corps nuire et gourmander], Lac 6,409b; FEW 16,92a [“tyranniser, mener qn à sa guise, dominer, maîtriser” Desch - Pom 1715])
  • ⁠v.abs. “manger avidement” (1372Mén 1750, LatourLandryE 137,18 [et aussi qu’ilz gardassent (les parents de Samson) de trop boire et de trop gormander. Car, dist l’ange, le trop gormander et le trop menger fors aux heures deues et aussi le trop boire, guerroie le corps et le l’ame]; 138,21; DeschQ 2,222,260; doc. 1392 Gdf, TL 4,452; Gdf 4,321c; Hu 4,346a; FEW 16,92a)
  • id. inf.subst.⁠ (1372, LatourLandryE 137,18 [v. ci-dessus])