DEAFplus
article imprimé Add. & Corr.
rédaction: Frankwalt Möhren
guisarme f.
[ÉtymologieL’étymon proposé par Diez et maintenu par REW 379b, aha. GETĪSARN “sarcloir, faux”, n’a pas eu de succès. GamGerm2 1,282 rapproche guisarme de surnoms d’épées comme hauteclaire, trenchefer, fineguerre, et surtout froberge et propose très prudemment un frq. [*]WĪSARM “guide le bras” (à comparer à fine-guerre “fait finir la guerre”), composé de *wīse “montre, guide!” et *arma “le bras”, Brüch VKRom 7,256 (c.r. de GamGerm1) modifie le sémantisme en “guide-moi, ô bras”; il est suivi par Corom [tacitement: critiqué par le FEW] et FEW 17,598b abfrq. *WĪSARM (il omet tacitement ‘moi’ de l’impératif), -arme aurait été réinterprété ultérieurement comme arme “arme” (FEW). REW, GamGerm2, Corom et d’autres citent un afr. [*]wisarme qui n’est pas attesté; le FEW un [*]visarme, réfuté ci-dessous. Les variations du groupe initial. guis-, gis- et jus- restent inexpliquées dans REW et GamGerm2 (alors que Diez en parlait). Le FEW pense que guis- vient directement de l’étymon, tandis que les autres formes montreraient des influences secondaires: gis- celle de l’impératif de gésir (“pose-toi ô arme”), jus- celle de l’adv. jus “a bas”, vis- celle de viser (mais v. ci-dessous), [esp. bis-, d’où abéarn., celle de bis, ‘parce que l’arme a deux tranchants’, ce qui ne semble pas justifié]. L’existence de gieser, prob. “guisarme”, a été ignorée, la var. jesarme était inconnue, v. ci-dessous. L’examen philologique prouve que les types aux groupes initiaux guis-, gis- et jus- sont attestés de façon à peu près égale. Le type *vis- est inexistant, tout comme *wis- auquel on s’attend impérativement, du moins dans certaines régions dans le cas d’un étymon germ. à initiale w-; ce manque n’est prob. pas un hasard, le mot étant très bien attesté: qqs. 200 att. vérifiées, mais tombées ici pour la plupart dans les ‘etc. / etc.etc.’; depuis Diez jusqu’à Gamillscheg, Corom etc., on cite un afr. w- sans preuves. (Il faut dire que Gamillscheg ne s’était intéressé à ce mot qu’en passant et qu’il reviendra à Wartburg de formuler que «Es unterliegt keinem zweifel, dass guisarme fränkischen ursprungs ist»). L’étymon germ. recevait sa légitimation sémantique par les désignations ‘parallèles’ d’épées célèbres (dont seul froberge a passé du nom d’une épée à un générique). Mais le regard sur la chose affaiblit cet argument: La guisarme n’est pas une arme noble comme l’épée, mais prend place parmi les massues et les haches comme armement de païens, de bourgeois,, d’Anglais ‘qui ne savent jouter’ (Rou, etc. v. les att., aussi OvMorB XII 4681; FletaR I 24 p. 63,24; dans MonGuill c’est bien Guillaume qui décime ses adversaires d’une guisarme, mais il avait trouvé l’arme dans sa prison païenne). D’après nombre de gloses (v. surtout HuntTeach), la désignation est l’équivalent de gaesum (aussi securis “sorte de hache” AlNeckUtensH2 84, framea “épieu court des Germains” AdParv HuntTeach II 54, sarisa “sorte de lance longue” OvMorB XII 2739, bipennis “hache à deux tranchants” OvMorB XII 4681); le gaesum est l’arme des mercenaires gaulois; on ne s’étonne pas qu’il ne soit pas devenu un élément de l’équipement chevaleresque (cp. LexMA 7,866). [Selon H. Keller ZrP 83,274, lt. gaesati (dès Auguste) désigne une tribu germ., ce qui n’est pas correct, v. PaulKl 1979.] Reste le problème de la variation du début du mot. Les explications avancées paraîssent assez spécieuses et dépendent du bien-fondé de l’étymon. De plus, le nombre assez égal des attestations de chacun des trois types étonne. Comme l’unité historique semble hors de doute, il serait souhaitable de trouver une étymologie qui réponde à toutes ces questions (cp. LEI 2,748n69). Diez (5eéd. p. 167) avait déjà envisagé une provenance de lt. GAESUM + ARMA, mais, dit-il, cette formation serait lourde et arma n’entrerait jamais dans une telle composition. Lt. GAESUM n. “épieu de jet de fer, lourd (arme gauloise)” est bien attesté dep. Varron et César (ThesLL 6,1667); le mot est nommément gaulois (cp. irl. gaë “épieu”; gallo-gr. γαῖσον, aussi γεσοϛ; etc., Pokorny 410; Holder 1,1517; ThesLL). On s’attend à un développement de ae à e bref et ouvert, mais gēsum est également attesté (ThesLL; Georges; EM4). On semble donc en droit, malgré les réserves de Diez, de postuler un composé avec lt. ARMA, soit gallo-lt. *GESARMA “arma (d’attaque), spécialement celle du genre des gaesa gaulois”, formé parallèlement à arcuballista “machine de guerre servant à lancer des pierres, spécialement celle à arc” (dès Végèce), aussi à cornipés et à avisaquila, etc. (cp. Brunot 1,120; 283s.; Meyer-Lübke Gr. rom. 2 § 545). La variation de l’initiale en afr. ne trouve pas d’explication phonétique élégante (una palatalisation de ę n’est pas de règle, celle de nécessite l’accent, cf. Rheinfelderf §220; attesté: mlt. giesum, 9e et 11es., v. ci-dessous sub gieser), mais elle se compare au phonétisme d’afr. → gisier, var. jusier, juisier, guisier, DEAF G 770 (aussi jesier, une att. ib. 771,49, et gesier, tardif, ib. 770,47), dont l’origine, lt. gigerium, n’est pas contestée. Cette solution ne nécessite pas d’influences complexes ni la réinterprétation d’un *-arme “bras” comme arme “arme”. Cp. aussi VerVer 2 (1889) 1976; Chambon RLiR 47,319. Du fr.: occ. gazarma, 13es. Crois. Alb. Lv; FerabrasB 2363, Rn 3,437a; Lv 4,98a; 291b [ga- par assim. vocalique selon FEW]; gui[zarma] doc. Moissac 1349 Lv; Guerre Nav. Lv, gisarma doc. 1465 (reg.) RLaR 1,292, jusarma 1em. 14es. Bland. Corn éd. Horst 1211, juzarma doc. 1429 Lv, [bisarme cout. S. Sever 1514 (texte fr.) CoutGén 4,936a; 18,5 (1724) fichier DAG], frpr. gasarma, 13es. GirRossDécpM p. 201 [FEW ‘apr.’ par err.], Rn; cat. [guasarma] cart. lt. 977, Corom2 1,592a, bisarma, 1289, AlcM 10,836b, visarma, 1461, ib., guisarma ‘ant.’ sans att., ib.; esp. bisarma, 14es., Corom2 1,592a [sans explic. de b-; FEW: altération d’après bis “(à) deux (tranchants)”; mais une explic. phon. régionale, incluant le cat., est à tenter]; arag. bisarma, 14e / 15es. R 70,70; port. bisarma, 15es., Mach4 1,433b; it. guisarma (graphie assurée ?), fin 13es. (version it. de FetRomF1 52,21), Battaglia 7,172b, giusarma (toujours assuré ?), dès 2em. 14es., ib. 6,904a; TomBel 4,1121b, ghiusarma, 2eq. 14es., ib.; mnéerl. gisarme (var. ghi-, -rne, etc.), VerVer (d’abord adaptations d’épopées fr.); gallois gis(s)arm / -n, BullCeltSt 2 (1924) 101s.; ZCPhil 17,430; anglolt. gisarma, dès 1242, LathamDict 1077c; mangl. gisarme et var., dep. ca. 1300, MED 4,133b.
Rem.: Il existe des ‘attestations’ de visarme, graphie théoriquement intéressante pour l’étymologie (cp. DEAF G 247,15 et → guai): Sud-Est fin 13es., GautChâtC p. 112, ms. fin 13es., glose gesa : visarme (répétée et développée en marge: gesa, gesum, gesi, gallice visarme, instrumentum quo armati erant Persi [adversaires d’Alexandre]), mais le phonétisme est inhabituel dans cette région de sorte qu’il vaut mieux lire jusarme; 4eq. 12es. SMarieEgtD 135 var. ms. déb. 13es. visarnes correspond à gisarmes et guisarmes des autres mss. et a été lu jusames par SMarieEgtS 129, à lire jusarnes; frcomt. 2em. 13es. YsLyonF 1482 et 3149 visarme est corrigé en jusarme ib. p.xxxviii et en note et aussi par l’éd. B XXXI 34 et LVIII 79. La graphie s’avère donc inexistante; l’explication étymologique du FEW 17,598b - influence de viser - est à biffer. – Doc. 1382 AN, DC 4,71c, contient un mfr. gise f. “aiguillon à bœufs” qui semble être refait sur gisarme (cp. déjà Du Méril en 1856 dans FloreaD p. 280). – Le sens du mot est variable si l’on croit les gloss.: “arme de taille” GlDouceB, “hache” GrebanP, “hallebarde, pique, hache” AlexParhM, “arme médiévale…” GuiNantmM. En réalité il s’agissait d’une arme (v. la déf. ci-dessous) dont l’aspect pouvait varier considérablement, qui pouvait avoir une hampe longue ou courte (p. ex. guisarme… pendue a sa seinture, doc. 1389 DC 4,136b), qui se tenait à une ou deux mains (FetRomF1 52,21), qui pouvait être lancée (RolpM 2282; 2450; EnfGuillH 2878; GGuiB I 3628), etc., mais le concept, lui, a dû être relativement stable. C’est plus tard, aux 15e et 16es., que l’arme a évoluée vers la hallebarde, d’où le sens du mot en frm. (t. hist.). Cp. Gay 1,804b. [A. Borg, “Gisarmes and great axes”. Journ. Armsand Armour Soc. 1976, 337-342, fait voir les problèmes onomasiologiques sur les Îles brit., mais sa conclusion («was prob. a great axe») est erronée.] – Gilles Roques, lettre à K. Baldinger, pense que le mot viendrait du domaine des Plantagenêt et qu’il s’agirait d’une arme de paysan (comprendre: arme basse). Mais l’impression que donnent les attestations produites ci-dessous est trompeuse: les très anciens textes viennent de l’Ouest; ceci ne prouve pas que le mot soit de l’Ouest; l’attribution de l’arme aux Anglais est un fait littéraire attribuable à ces textes plutôt qu’un fait linguistique ou historique: le mot est récent en anglolt. et angl. (dep. 1242 et ca. 1300). L’attestation la plus ancienne vient de Troyes. – L’étymologie gallo-lt. exigerait gisarme comme mot vedette du présent article. Nous sommes forcés de le placer sous gui-, gi- étant publié depuis sept ans. Gieser exigerait en principe un article autonome.
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(gisarme BrutA 11140; FloreaL 1916; ThebesR 4304 (= éd. C 4066var.); RouH III 885; III 7772; III 7792; III 7807; III 8304; III 8308; III 8318; etc.; ; BenTroieC 2214; 4544; 7084; BenDucF 7543; 23846; 24575; MonGuill2C 4331; 4391; PercB 5937, ⁠agn. gisarm ms. fin 13es. AlNeckUtensH2 76, ⁠s.l. gissarme BenDucF 22062; AdParvS p. 84 (cp. AdParv HuntTeach 2,59 -s-); GuiNantvM 659; [GodBouillBruxR 6814], ⁠[gisarma GlToursD 328 (lt.?), gisarmis AdParv HuntTeach 2,59 ms. fautif], ⁠agn. gysarmz pl.⁠ AdParv HuntTeach 2,44 ms. fin 13es., gisharme AlNeckUtensH2 84 ms. 13es. / 14es., gishareme AdParv HuntTeach 2,54 ms. 13es. / 14es., giserme JGarl HuntTeach 1,387 ms. 14es., gyserne HuntTeach 1,387 ms. 14es., ⁠s.l. jesarme BatLoqVulgB2 321, jusarme fin 11es. RaschiD2 617; CligesG 1976; RosemLangl 9644; 10850; MonRaincB 6430; MuleJ 512; 575; 590; 603; GuibAndrM 511; PercB 5937 mss.; JGarlrcH 13 ms. 1ert. 13es.; ContPerc1aR 282 ms. mil. 13es.; BenTroieC 2214 var. ms. mil. 13es.; 4544 var. mss. 1em. 13es.; etc.etc. [dern. att. 1490 PassTroyB II 7230], juzarme RolpM 2282; 2450, jussarme GlBNlat4120 DC 4,62a, jusarnes SMarieEgtS 129 (éd. jusames à corr. d’après éd. D 135 visarnes, pour *vi- v. ci-dessus), juisarme BenTroieC 7084 var. ms. 1em. 13es.; FetRomF1 52,21; RosemS 9648 ms. fin 13es. (aussi éd. Langl 9644var. et 10850var.); GGuiB 1,3628; GGuiW 9957; 18352; etc. [cf. DC], juserme AiquinJa 1533 ms. mil. 15es., guisarme RouH II 2081; II 4094; I 258; GuiNantmM 636; 640; GuillPalMa 7220; Perl1N 9104; DoonMayP 11077; BenTroieC 2214var.; 4544var.; 7084var.; AuberiK 208,10; etc.; ; CristalB 5216; EscanM 17813; CleomH 2930, guissarme RouH II 1004; AnsMetznG 11824; AuberiT 127,25, guisharme ms. 13es. JGarl HuntTeach 2,151, ⁠mfr. guizarme GlLilleS 95a, guiserme 1272 ms. 16es. CoutStAmandM I,IV,4, ghisarme MonGuill2C 4344; etc.; ; glose déb. 13es. dans JGarlrcH p. 31; BenTroieC 2214 var. ms. 1289; SoneG 3769; 6205; RosemLangl 9644 var. mss. fin 13es. et 2et. 14es.; 10850var.; CligesF 1994 var. ms. 14es., ⁠agn. gwisarme JGarlrcH p. 18 no 49 (ms. rg id.))
  • “sorte d’arme d’hast, d’estoc et de taille de longueur variable (d’abord comparable à une hache), munie dans certains cas d’un ou de plusieurs éperons” (dep. fin 11es., RaschiD2 617; BrutA 11140; FloreaL 1916; ThebesR 4304 (= C 4066var.; aussi 2,211,14110); RouH II 1004; II 2081; II 4094 [acorent borjoiz et païssant, Machues et guisarmes et haches aportant]; III 885; III 7772; III 7792; III 7807; III 8304; III 8308; etc.; ; III 8605 [Engleis ne saveient joster Ne a cheval armes porter, Haches e gisarmes teneient, Od tels armes se combateient; Hoem qui od hace velt ferir Od ses dous mains l’estoet tenir, Ne poet entendre a sei covrir S’il velt ferir de grant aïr; Bien ferir e covrir ensemble Ne poet l’en faire, ço me semble]; I 258; etc.; III 8318; BenTroieC 2214; 4544; 7084; BenDucF 7543; 22062; 23846; 24575 [des vilages li vilain Od granz gisarmes e od fauz]; 30565; CligesG 1976; MonGuill2C 4331; 4344; etc.; ; PercB 5937; etc.etc.DoonMayP 11077, TL 4,336; Gdf 4,388a [‘Wace, Conc.’ = SFanuel]; Foerster; HuntTeach; DC 4,62ab; 4,63c; 4,66b [cf. BullDC 22,124a]; 4,71b; 4,136b; LevyTrés 137a; Gay 1,735a; BachWaffen p. 45; SternbergWaffen p. 40; Schultz 2,209; FennisGal 1064 (att. mfr.); Stone 336b [“broadsword” et “javelin”, à corr.; brameam l. fra-]; FEW 17,598a)
gieser m.
[ÉtymologieMot qualifié d’‘inconnu’ dans RolS2 2075n., mais de leçon nette dans le ms. (fo 37vo). Les éd. corrigent pour la plupart le vers. C’est pour cela que le mot manque dans la lexicographie. L’éd. Müller 1878 suggère déjà un [*]GAESARIUM (< lt. gaesum) comme source possible, mais il lui manquent des appuis; Bédier mentionne gessum et gisarma dans DC; etc. Si l’on accorde du crédit au scribe, on est amené à proposer une explication: pourquoi ne pas accepter la dérivation de lt. GAESUM à l’aide du suff. -ariu? Cp. giesum *: hasta vel iacula et giesa :aculeus dans un glossaire ‘Abactor’, mss. BN lat. 2183 [11es.] et München 19439 [9es.], ms. qui marque le mot giesum comme ‘gallice’ (CGIL 4,604,28; 29; cp. 6,480b); v. aussi le commentaire gén. ci-dessus. Pour la dérivation cf. espier (forme d’espiet); noter que cette arme d’estoc et de jet est à l’occasion une arme de taille (v. TL 3,1203,17) et cp. algier, algeir, agiez, RolS2 439; 442; 2075 (mal décrit dans TL 1,300, FEW 151,13b, H. Keller ZrP 83,274-277, etc.; Segre RolS2 2075n. renvoie à un agiét inexistant; la variation -et / -er est à examiner, cp. FEW 24,158b; LEI 1,682,14 trop rapide). – Un anglolt. gisarum, cité Latham 212b et marqué comme douteux, est erroné; à lire gysarma, APScot, LathamDict [renseign. de l’éd. D. Howlett]. Rapport avec mangl. gyser, ca. 1475, MED 4,134a?]
  • “sorte d’arme, prob. guisarme (ca. 1100, ms. agn. 2eq. 12es., RolS2 2075 [Il lancent lor e lances e espiez, Wigres e darz e museras e agiez, ms. e wigres e darz e museras e agiez e gieser; cp. les autres versions, toutes modifiées, dont RolpM 2282 Guivres, juzarmes qui font a resoingnier ms. 2em. 13es.])