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rédaction: Martina Fietz-Beck
guivre1 f.
[ÉtymologieLt. VĪPERA “vipère” (Georges 2,3503a) survit dans toute la Romania: aocc. gibre, ca. 1200, Lv 4,119a; vibra, 13e-14es., Lv 8,753a; it. vipera, dep. 14es., CortZol 5,1441a; esp. vibora, dep. 1251, Corom2 5,725b; cat. vibra, dep. 2em. 13es., CoromCat 9,269a; port. vibora, dep. 17es., Machado 3,2305b (bíbera 14es.); roum. vipera, dep. 1648, TiktinMir 854a; surmeir. vipra SonderGrisch 259a; sursilv. vivra VieliDec 811a; eng. vipra Peer 560b; frioul. vipare Pirona 1282a. En afr., lt. VĪPERA subsiste sous forme héréditaire, guivre / vivre, et empruntée, vipere. L’initiale gu- / w- de guivre, au lieu d’un v- régulier, peut s’expliquer par la déphonématisation partielle des initiales v- / w- / gu- dans le Nord du domaine d’oïl, cp. → garenne et gui. Pour des raisons pratiques, nous intégrons ci-dessous aussi la forme empruntée vipere. – De l’afr.: occ. vipèro Mistral 2,1129a; angl. wyver “vipère” OED Wh 12,400b, wyvern “guivre” OED Wh 12,400c, weever “sorte de poisson” OED Wh 12,262a. – FEW 14,487ss. Cf. → guivre2.
Rem.: Nous rattachons wyvre “sorte de poutre” RLiR 58,487, à la famille de guivre. L’att. est à relier à l’angl. wiver “sorte de poutre”, attesté dans les dialectes septentr. d’angleterre (dep. 1325, OED 12,236a). L’OED n’en donne pas d’étymologie satisfaisante. Angl. wyver “vipère” (OED 12,400b) < afr. guivre / agn. ayvre; cf. aussi mlt. wyvra “‘wiver’, beam (in wardrobe)”, 1253, Latham 523b. La dénomination d’une sorte de poutre par la dénomination d’un serpent s’explique par la forme allongée (cp. en plus les représentations fréquentes de serpents ou de dragons sur des poutres, notamment sur celles qui passent une travée, p.ex. Les Hospices de Beaune, Côte d’Or). Il n’est donc pas surprenant de voir confirmé le sens précis par le contexte afr. (v. 4o: une wyvre par étage d’une tour), par l’att. anglolt. (“triangle de la garderobe”) et par l’anglais. L’att. agn. (4o), l’anglolt. wyvra et l’angl. wyver sont à considérer comme un tout. Le passage de “serpent” à “sorte de poutre” est propre aux trois idiomes de l’île. – La graphie vive MenagB p. 240,19 est dûe à la chute du r après consonne dans la finale, cas isolé, cf. Rheinfelderl § 472. A rattacher ici «nfr. vif m. “petit poisson de mer dont la piqûre cause une vive douleur” (1872); boul. vive “esp. de poisson”…», FEW 14,584a vīvus; v. 2o? Cp. la note 13 FEW 14,585b «Vielleicht handelt es sich um “trachinus draco”. Dann würde die form aus boul. zu vīpĕra I 2 b gehören.» – Dans plusieurs textes, guivre et serpent forment un couple, p.ex. RutebF 2,189,273 [Dieu amer et chastement vivre, Lors me samble serpent et guivre Me menjue le cuer el ventre]. Ce couple peut servir de terme de comparaison, p.ex. ClercVaudR 325 [Droiz dit, et s’en sommes certain, Que le maintenir de putain Vaut pis que serpent ne que guivre, Que, s’il a ou metre la main, Il despent por li soir et main, Tant c’on le voit d’avoir delivre], v. ci-dessous. – Contrairement au FEW 14,488a nous considérons le mot guivre dans JubNRec 2,46 [E de mal fere estes plus guyvre que serpent] (= TilRem 161) comme substantif, bien que l’emploi adjectival de guivre soit possible (cp. chien adj., FEW 2,193a) et qu’il soit attesté en agn. (v. ci-dessous). – RôleBigotA 4 fuires semble corrompu [Gerart de Quepen – l’escu d’or a Il bastons de gueules de fuires au lambel vert. Banneret et Alemans]. La note identifie le blason, décrit ultérieurement comme portant une fasce vivrée de gueules. Une correction en vivres semble possible, malgré la syntaxe inhabituelle. V. BraultBlazon 119b; 165b. – Les graphies huivre et huyvre reflètent probablement une prononciation bilabiale de l’initiale, cp. huibet (→ guibet); hindart (→ guindas).
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(guivre ca. 1100 RolS 2543; ThebesR 651; 4511; 4538; CommPsia1G XVII,392; AdamS 540; 573; AimonFlH 1975; RenM XI 1773; JobGregF 366,7; MortAymC 2510; 2512; 2914; 3948; etc.; ; RenBeaujBelW2 3163; 3176; 3185; etc.; ; ContPerc1tR 7615; 7629; 7947; 8061; MeraugisF 538; GaleranF 242; FlorenceW 647; FergF 4210; PetPhilT 528; BeaumManS 3124; BibleSeptEtatsA p. 54,95; JacVitryB LXXXVII,27; MaugisV 7274; 7275; ClercVaudR 327; RutebF 1,263,121; 1,515,45; 2,189,273; 2,215,38; MonGuill2C 3206 var. ms. 3eq. 13es.; ClarisA 5451; 5457; 5484; etc.; ; FloreaK 1869var.; CarCharL 130; 441; ChantRoussW 426; RenγF2 680 var. ms. 14es.; BestAmFournS 72,10 var. mss. 14es., guyvre AimonFlH 1975 var. ms. 13es.; JubNRec 2,46, givre TristBérM4 1214; PartonG 5499var. [guires l. givres]; 5904var. [guires l. givres]; 5928var. [guires l. givres]; AimonFlH 1975var. [guire l. givre; gire l. givre?], grivre PartonG 5499 ms. [éd. guivre], grive PartonG 512 ms. [éd. guivre]; 675 ms. [éd. guivre]; 5928 ms. [éd. guivre], griver PetPhilT 528var., guiver PartonG 5904, ⁠agn. guivere GlGlasgH 418b, ⁠s.l. wivre FloreaK 1869; Aiol2F 6216; 6341; MonGuill2C 3206; 3246; PriseCordD 689; 702; 726; etc.; ; ContPerc1tR 6362; 7955; 7981; RenBeaujBelW2 3128; 3157; SJeanBoucheD 215; CoincyChristO 1801; 2646; 3175; etc.; ; GodinM 18202; LapidclS 83; CoincyII19K 188; HuonRegrL 89,10; BestAmOctT 407; 409; 435; etc.; ; BestAmFournS 17,4; 20,9; 21,4; etc.; ; BaudCondS 316; 1390; 1393; PartonG 675 var. ms. fin 13es.; CarCharL 130var.; OvMorB IV 1666; [mfr. JFevRespH 2770], wyvre RutebF 1,515,45var.; NicBozCharV 443; GuerreMetzB 354,119; RLiR 58,487, vivre SGillesP 1236; RenγF2 680; PriseCordD 2761; ContPerc1tR 6428 [uivre l. vivre]; CarCharL 130var.; ClarisA 5485 [vuires l. vivres]; MonGuill2C 3206 var. ms. 2em. 13es.; YsLyonF 2701; 2705; 2719; AimonFlH 1975 var. ms. 13es.; BestAmFournS 20,9 var. ms. déb. 14es.; GirRossAlM p. 189; [mfr. ChevCygneBruxM 2496; MenagP 1,208], vipre AimonFlH 1975var.; BestAmFournS 72,9; BrunLatC I 143,1; I 72,14, vibre NicBozCharV 443 var. ms. ca. 1350, vuivre DolopB p. 312; p. 324; MédLiégH 263; PartonG 512 var. ms. 1em. 14es.; 675 var. ms. 1em. 14es., huivre CligesF 3701 var. ms. déb. 13es.; RutebF 1,263,121 var. ms. 13es.; 1,296,260 var. ms. 13es.; CoincyII19P col. 598, huyvre RutebF 1,515,45 var. ms. 13es., voivre JoinvC § 217, voyvre AalmaR 13273; 13274, vuive RôleBigotA 205, vive MenagB 240,19)
  • 1o“espèce non définie de serpent (venimeux ou non, réel ou fabuleux)” (dep. ca. 1100, RolS 2543 [Urs e leuparz les voelent puis manger, Serpenz e guivres, dragun e averser; Grifuns i ad plus de trente millers]; FloreaK 1869; ThebesR 651; 4511; 4538; SGillesP 1236; CommPsia1G XVII,392; AdamS 540; 573; Aiol2F 6216; 6341; MonGuill2C 3206; 3246; PartonG 5499; 512; 675; 5928; AimonFlH 1975 [Joste la meir en Albanie En une terre enhermie S’estoit li moustres herbergiés, Sovent les faissoit toz iriés. Il avoit un chief de leupart, Mout per avoit fellon regart Et le cors de guivre volant; Onques nus hons ne vit si grant. Entor les cusses environ fut de serpent et de poisson], TL 4,805; Stone 346b; 876a; Gdf 8,274a; DC 9,229b; FEW 14,487a; TLF 9,609b)
  • “espèce non définie de serpent (venimeux ou non, réel ou fabuleux)” “id.” comme insulte d’une personne⁠ (4eq. 12es., RenγF2 680 [Quant Ysengrin la (Hersent) vit delivre: ‘Haï! fet il, pute orde vivre, Pute serpent, pute colevre, Bien ai veüe toute l’uevre’])
  • “espèce non définie de serpent (venimeux ou non, réel ou fabuleux)” “id.” (illustration sur une bannière)⁠ (ca. 1306, JoinvC § 217 [Et entre les autres fu naié monseigneur Jehan d’Orliens, qui portoit baniere a la voivre], TL 4,807; FEW 14,488a)
  • “espèce non définie de serpent (venimeux ou non, réel ou fabuleux)” “id.” dans des comparaisons⁠ (ca. 12131330, DolopB p. 312 [Plus fellonesse fut (la reine) ke vuivre]; p. 324; GaleranF 242 [Plus cruieuse fui je que guivre]; BeaumManS 3124; ClercVaudR 327; RutebF 1,515,45 var. ms. 13es.; 2,215,38; ChantRoussW 426, TL 4,806)
  • “espèce non définie de serpent (venimeux ou non, réel ou fabuleux)” “id.” comme épithète⁠ (4eq. 12es., TristBérM4 1214 [Donc voudroit miex morir que vivre, Donc savra bien Yseut, la givre, Que malement avra ovré: Mex voudroit estre arse en un ré])
  • ⁠loc. verb. estre plus guivre que serpent (cp. être plus royaliste que le roi)⁠ (déb. 14es., JubNRec 2,46 [(De l’yver et de l’esté) E de mal fere estes plus guyvre que serpent])
  • 2o“sorte de poisson aux nageoires épineuses, comestible, vivant surtout dans le sable des côtes, vive” (2em. 13es., CarCharL 130; 441 [Et chien de mer vienent ullant, Hados et guivres et hanons Et congres qui sont gros et lons, Sartres et bresmes et dorees]; [mfr. ChevCygneBruxM 2496; MenagB 240,19 [(poisson de mer) Vive a troiz lieux perilleux a touchier; c’est assavoir: les arrestes qui sont sur le doz pres de la teste, les .ii. oreilles. Et a ce ne couvient touchier fors au coustel, et tout ce gecter hors, et tirer la brouaille par l’oreille. Et puis enciser au travers en plusieurs lieux, la rostir, et mengier au vertjus et beurre, ou vertjus et pouldre]], TL 4,807; Gdf 8,274a; FEW 14,488a, frm.: RlFln 3,179; LarLFr 7,6515c; cf. vivet ci-dessous)
  • 3o⁠terme de blason “fasce formant des angles alternativement saillants et rentrants” (1254, RôleBigotA 205 [Guillaume Gire - l’escu blanc au kief de geules a une vuive d’argent de travers es kief], cp. BraultBlazon 287)
  • 4o“sorte de poutre (prob. celle qui passe une travée, soit pour recevoir la poussée du toit ou des murs, soit pour servir de support dans le cas d’une travée longue)” [cf. la remarque ci-dessus]⁠ (agn. 1320 / 21, doc. RLiR 58,487 [pour la tour de la chapelle .vij. charrez de plom, .v. lb. d’estym, .xl. bordes, .xxiiij. gistes, .ij. wyvres, ove la planchure pour .ij. estages de meisme le tour], autre att., même ms., catalogue Owen p. 676)
guivre2 adj.
(⁠agn. guivre ModvB2 3141; ChardryDormM 1848, wivre DonneiP 911; NicBozEmpV 322 [swivre corr. par l’éd.], wyvre MirAgn2K 25,6; NicBozMorS p. 90)
  • “qui contient du venin ou du poison capable de troubler gravement ou d’interrompre les fonctions vitales de l’organisme” (agn. fin 12es.déb. 14es., DonneiP 911 [E la serpent, la wivre beste, Mort de cue, mort de la teste]; NicBozMorS p. 90 [mes lui botraz qe tant est petit e tant wyvre, si tost com l’em le touche, comence de enfler e se arme a ire], TL 4,807; Gdf 8,274b; FEW 14,488a)
  • “qui contient du venin ou du poison capable de troubler gravement ou d’interrompre les fonctions vitales de l’organisme”“id.” dans une comparaison⁠ (agn. fin 12es., ModvB2 3141 [Kar plus est guivre que la serpent, Plus changeable que n’est le vent])
  • ⁠au fig. “qui est plein de malveillance et méchanceté” (agn. déb. 13es.; ca. 1240, ChardryDormM 1848 [(Jésus) joie e duçur Nus doinst aver, e del gruçur Del puslent enfer (le diable) nus delivre, Ki tant par est felun e guivre; Ceo est le deable]; MirAgn2K 25,6; NicBozEmpV 322, TL 4,807; Stone 346b; FEW 14,488a)
guivret s.m.
(guivret ca. 1275 ClarisA 5457 [c.s. pl. -és]; 5513 [c.s. pl. -és]; 5567; 5599 [c.s. pl. -és], vivret ClarisA 5485 [c.s. pl. -és], vuivret ClarisA 5549; 5574)
  • “petit de la guivre (ca. 1275, ClarisA 5457 [En cele voie a une guivre, Feu ardant par la bouche livre Et venin ensemble melle; La teste a bien .i. pié de lé. Ele a .xv. piéz de grandor, Trop est plaine de grant hidor; .VII. guivrés la sivent toz jors]; 5485 [Se la guivre aviez tuee Et ses vuirés (l. vivrés)]; 5549; etc.5574, TL 4,809; FEW 14,488a [ca. 1268 = ClarisA])
guivrel s.m.
  • “petit de la guivre (mil. 13es., MortAymC 2512 [Fées les firent qui en sont essiliées Par une guivre qui s’i est herbergiée:… Et trente guivres (var. ms. mil. 13es. guivrel) la sivent et requierent], TL 4,809; FEW 14,488a)
vivet s.m.
  • “sorte de poisson aux nageoires épineuses, comestible, vivant surtout dans le sable des côtes, vive” [cp. guivre1 2o]⁠ (ca. 1300, CrieriesC 138 [De cels qui les fres harens crient; Or au vivet li autre dient, Sor et blanc, harenc fres poudré… Menuise vive orrez crier], Gdf 8,273b; FEW 14,488a; RlFn 3,179)
vipere f.
[Étymologie[souvent m. au 16es., v. Hu]]
  • “espèce non définie de serpent (venimeux ou non)” (dep. ca. 1250, BestAmFournS 76,6 [vous aveis nul homme acuelli en vostre amistei ki soit de la nature a le vipere (f. ?, texte pic.; cp. 4,7 repairier a le maison; 65,6 selonc le maniere de la cocodrille) ou a l’ydre ou a l’yrec[h]on ou a l’aronde]; HMondB 1823 [Tir et vipere sont une meisme chose, mes il different entre les autres serpens; car ces ont les testes plus lees que les autres serpens et ont les dens plus longues]; 1826; GlVatR 5695; AnticlLudR 1350; [GuillMachRemW 931 ⟨: compere⟩], TL 11,525; GdfC 10,860c; Hu 7,482a; Rob 1986 9,757b; FEW 14,488a)
viperan adj.
[ÉtymologieEmprunt de l’it. *viperano. Suffixe -an < it. -ano, cf. Nyrop 3 § 304,3o]
  • ⁠au fig. “de vipère” (ca. 1310, AiméHistNormD 136 [Cestui Gisolfe… liquel de la part de la mere estoit nez de gent viperane, en prime comensa a estre jovene et petit a petit comensa a vomir lo venin], Gdf 8,255c)