DEAFplus
article imprimé Add. & Corr.
rédaction: Frankwalt Möhren
ha1 interj.
[ÉtymologieL’existence de l’interjection afr. ‘ha, avec h aspiré, est à prouver. TL a établi un article a englobant a, ha et ah, cette dernière forme sans att., et un article ha sans att. mais avec renvoi à a. Le FEW n’a pas d’article dans le t. 1; dans le t. 24 on trouve un article a qui réunit curieusement l’interjection a(1) et la lettre de l’alphabet A, les deux sans étymologie; dans le t. 4, il y a bien un article ha dont la documentation traite de formes considérées comme dérivés de ha (à quelles époques ?), mais qui omet l’interj. simple(2). Le FEW ne discute pas la qualité du h-; la distinction tacite de a(h) suggère que Wartburg était parti d’un h aspiré. Le fichier du DEAF fournit une cinquantaine de fiches pour ha et autant pour a/ah, sans différences majeures quant à la distribution chronologique ou régionale et quant au sémantisme. Mais il semble qu’on puisse affirmer qu’il y ait une haute probabilité que le h- ne soit pas purement grapique: ‘ha existe encore aujourd’hui, même en dehors des aires classiques à ‘h initial (cp. → h). L’interj. étant primaire, l’attaque à ‘h est naturelle; sous cet aspect le ‘h est aussi étymologique (v. la suite)(3). Lt. HA n’est attesté que très tardivement et rarement, v. ThesLL 63,2391(4); l’interj. marque surtout l’emphase du discours et de la plainte. C’est pour cela que EM4 287a dit que ha «n’est sans doute qu’une graphie incorrecte de a(h)». WaldeHofm 1,630 pense qu’il s’agit d’une forme réduite de lt. hahahae et en partie d’une var. de aha. Mais hahahae, qui marque et imite le rire (v. ThesLL 63,2513: interj. ridentis), est trop loin par son sémantisme et il perd de sa vitalité à l’époque classique(5); aha (Plaute, Vulgate, etc.) est proche, mais une dérivation serait difficile à prouver. Il vaut mieux comprendre ha comme interj. primaire des langues indoeur. attestée dès le lt. tardif. Une distinction entre cette interj. (et de sa forme élargie → hai) et les interj. homonymes ou homographes pourrait se baser sur leurs valeurs sémantiques(6). Le ‘h semble donner à ha une valeur expressive qui peut marquer le début inattendu d’un discours, de même qu’une surprise ou qu’une action subite. L’interj. a(h) marque davantage l’émotion vive et surtout la plainte; une séparation nette des att. des deux est impossible, le h- pouvant être purement graphique et les sémantismes respectifs sont trop proches.
Rem.: La description lexicographique des interj. dans les langues rom. n’est pas satisfaisante. Il est probable que ha est assez répandu. Cp. occ. ha, FlamencaG 4222(7), it. ha, TomBel 4,1260b; Battaglia 7,185c; rhétorom. ha, DiczRGr 8,1a; [roum. ha “Ausruf der Befriedigung”, TiktinMir 2,273a]; cat. ha, dep. fin 13es., AlcM 6,481a; [CoromCat 4,764a ha (rire) seulement]; aesp. ha 1em. 13es. Faz. Ultramar 165,4 [= Jer 1,6], fichier DEM. Mangl. ha, att. dès ca. 1330 provient p.-ê. de l’afr., l’aangl. ne connaissant pas cette interj. (MED 4,425a; cp. aangl. ha ha [rire], BosTol); prob. confirmé par anglolt. ha (dès 1126, LathamDict 1121a). — Les éd. font souvent suivre ha d’un point d’exclamation. Ce signe existe réellement dans qqs mss.; pour le ms. Guiot v. YvainM p. 17. — La réduplication de ha en afr. ne semble pas affecter le sens (la plupart des interj. s’employent avec réduplication). Nous en indiquerons chaque occurence (TL en fait un article à part). — Haha interj. subst. “cri de haro (ou d’alarme)” est donné dans Ord 4,295 n°9 pour l’an 1354 (Trésor des Ch. [AN] Reg. 82 n°338), DC 4,171b, d’où Lac 7,7a; manque FEW 4,361a. — L’homonyme ha (ou ha, ha/ haha), interj. imitant le rire, ne semble pas attesté en afr., malgré TLF 9,622a [a! a!, RenR 4618, = ha, ha éd. M II 628, v. ci-dessous; même 2eq. 15es. MistHag4R 2099 n’est pas tout à fait sûr]. Cp. Hu 4,425b [ha ha “sorte de désignation injurieuse d’une personne”]; Lac 7,7a; FEW 4,361a [à compléter]. — Dans ConsBoèceTroyS I 476 se trouve haiue que le gloss. définit “ach”. Baldinger ZrP 94,183, veut joindre ce mot (haine l. haiue) à ha FEW 4,361a, mais il faut plutôt l’identifier avec aïe, aiüe “aide”, utilisé comme interj., v. Espe 64 (à reporter dans FEW 24,162b). Le passage, Haiüe, trop m’esmerveil comment… correspond à Papae autem, vehementer ammiror cur… (I,6,6). — CourRenF 2178 havoi est à lire ha, voi (cp. 2172 ha et 2182 hai-mi), voi étant une interj., de même havoï SSagmR 13,86 [prose; cp. ha ib. passim] (cf. Gdf 8,278c; Espe 61; FEW 14,426b avec n.33). — Cp. → ha2; ha3; haa; haé; hahai; hai; haï; haio; han; hara; hau.
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(ha 2et. 12es. CourLouisLe 90; FloreAl 737; ErecF 2534; 2589; 2592var. [= R 2588]; 3469; 4616; 4621; BenTroieC 4922; PhilomB 542; 807; 826; 1299; BenDucF 1152; 1283; 3001; 33782; EstFougL 65; 205; 733; 1303; LancF 211; YvainM 1204; etc. (v. p. 17); FlorebP 837; 1550; 2447; 3301; etc.etc.; SGillesP 188; GuillAnglH 846; 851, ⁠mfr. haa [Le a redoublé signale la longueur de la voyelle: mono-syll.]⁠ SonetIncip 729; [1364 MirNDPersP 22,338; 27,1125; 32,2336; 36, prol.; GesteMonglHernD 4; PhilomB 826 var. ms. fin 14es.; FierPrMi 2445; etc.etc. v. Espe(8)], haz PoireM 247(9), h HuonabcL 103(10))
  • ⁠interj. ouvrant avec force expressive un discours direct et marquant souvent son début inattendu⁠ (dep. 2et. 12es., [CourLouisLe v. ci-dessous ha, las]; FloreAl 737 [Ahi, Blanceflor, cler visage… Ha, tenre face couloree, Desor vos ne fu onques nee Qui…]; ErecF 3469; PhilomB 542 [(indignation mise en relief) Ha ! Del felon ! Come or li mant ! Come or le traïst et deçoit !]; 807; 1299; BenDucF 1283; 3001; 33782 [Dum dist la fenne maintenant: Ha beiaus ! Cum sereiz conqueranz]; PercB 991 [Ha ! fait li rois, biax amis chiers]; 7147var.; 8421var. [ha; ha ha; etc.]; RenM II 628 [Devant lui vient toz aïrez: Ha, ha, cuivrez, vos n’en irez; = R 4618 a a]; RenR 14617 (= γF2 13051; M VII 487var.); RenM XII 1076 [Ha, ha ! fait il, ore est asez, Sire Tybert, ce est anui; = R 12534; manque γ]; GarLorrP 2,262 (ne correspond pas à GdfC 9,739a ms. Montp.); AimonFlH 11170; BodelNicH 725; 1390; AiquinJ 1556; etc.etc., Espe 15-17; TL 1,1 [sub a]; 4,809 [ha: renvoi]; 810 [haa]; 817 [ha ha]; LångforsInc; SonetIncip; TilNEtym 29; FEW 4,361a; GdfC 9,739a; Lac 7,1b; DC 4,171b)
  • id., introduisant une plainte (dep. ca. 1170, ErecR 2530; 2585 [Ha ! fet ele, fole malveise, Or estoie je trop a eise]; 4580 [Ha ! Dex,… Por coi me leisses tu tant vivre ? = F 4616]; 4585; BenTroieC 4922; BenDucF 1152; EstFougL 65; 205; 733; 1303; LancFr2 209 [ha, var. ha, ha]; YvainM 1204; etc. (v. p. 17); PercB 1240; 1982; 2878; 7344var.; 8453; FlorebP 837; 1550; 3301; SGillesP 188; RègleHospCamS 491 [Ha, vus: dolens, megres, et cheitifs, Vus i serrez si mal asis; impr.: Ha ! dolens…, vers hypermétr.; cp. 488]; GuillAnglH 846; 851; ChGuillI 1942; etc.etc., TL 1,1; LångforsInc; SonetIncip)
  • ha, las id. [colloc. fréquente](11) (2et. 12es.16es., CourLouisLe 90 [l’empereres fu mout grains et iriez: Ha, las, dist il]; ErecR 2588 [Ha ! lasse, por coi fui tant ose]; PhilomB 826; FlorebP 2447; BenTroieC 2913; RoisC 4,3,10 [fist forment grant plainte… Heilas, halas]; YvainF 6275 (= R 6269); PercB 407; 7344var.; TristBérG 847; RenR 9068; 9130; 9207; 14770; 14897; CoucyChansL XII 12; HermValS 1869; VillehF 46,2; 500,1; etc.etc., Espe 50; 58; LångforsInc; SonetIncip; TL 1,1; 5,208; Hu 4,430a; FEW 5,196a)
(1) Afr. mfr. a “interjection indiquant qu’on va exprimer quelque émotion vive de l’âme (joie, tristesse, colère)”, ca. 1200 - 16es. [L’interj. est déjà attestée dans fin 11es. Alexis.]
(2) C’est dans le commentaire qu’on est renseigné sur le fait que ha est attesté dep. le 12es. comme ‘expression d’étonnement, de surprise et comme reproduction du rire, ce dernier déjà latin’, mais v. ci-dessous.
(3) Carstensen 19 traite a et ha ensemble (19n2), tandis que Schwentner 18 sépare nettement l’interj. vocalique de l’interj. type consonne  voyelle.
(4) CIL VIII 27904 [ha ! evasi, effugi; spes et fortuna valete: Nihil mihi vobiscu est, ludificate alios] (à Theveste, Africa Procons., p.-ê. fin 3es., Mél Éc. Rome 20, 1905, 78; cf. ILAlg 1,3550); Coripp. Joh. (549/50); CGlL φεύ : heu, vae, ha (fin 9es.). Les att. dans la Vulgata (éd. de Rome), Jer 1,6var.; 14,13; Ez 4,14; 20,49; Joel 1,15var., ne peuvent pas se trouver dans les mss. antérieurs à 715/716 (date de l’Amiatinus); la Vetus Latina ne contient pas l’interjection (avec ou sans h) [renseignement aimablement fourni par W. Thiele, Vet.Lat.Inst., Beuron].
(5) HofmannUm 12 ne parle que de hahahae et se réfère aux langues rom. pour postuler sa survivance (sur la foi de Schwentner 19 qui ne fait que compiler des formes trouvées dans des dictionnaires, sans se soucier de leur sens): il songe à haha (imitation du rire) plutôt qu’à notre ha.
(6) Le commentaire du FEW t. 4 confond toutes ces données; le renvoi à HofmannUm donne une fausse impression; les groupements 2. et 4. sont à extraire de cet article pour former une famille distincte autour de haha (rire), car cette interj. est absolument incompatible avec ha, objet du présent article; 3. en est encore différent (cf. FEW 16,189a; 755a [corr. hai en ha; hez, mis en rapport avec ha, se trouve déjà sous he, FEW 4,394b]); 5. concerne → hai et haï; 6. → han (cf. ib. n.2); 3.a. et 5. contiennent tous deux Lütt. soner hay, à biffer sous 5., ib. lütt. hay à transférer à 3.b. Egalement à corr.: TLF 9,622a; 2,248b; LEI 1,1387.
(7) Cp. → hai, note 3: h aspiré ?
(8) TL 4,810 établit à tort un article à part pour haa tiré de 1454 CligesPrF 322,20. De même Gdf 4,391a pour une att. tirée de Percef éd. 1528. –- Dans AiquinJa 1746 l’éd. corrige haa (ms. 15es.) en haï pour gagner une syllabe, mais ce texte contient beaucoup de vers hypométriques; cp. au vers 1556: ha corr. en haï.
(9) Ceci n’est prob. pas une interj. à part, mais une graphie influencée par las/laz, fréquent dans de telles contextes (haz, moi; cp. las, moi). Cette forme n’a été relevée ni par la lexicographie (PoireS publié en 1881) ni par le glossaire de l’éd. M. La collocation haz, moi se compare à ha, vus cité ci-dessous; cp. aussi hai, las et hai-mi sub → hai.
(10) Dans un jeu de mots avec la lettre h.
(11) L’adj. las “malheureux” reste variable jusqu’au 16es. au moins (Hu 4,430a; cp. TLF 9,747a: Étymol. et Hist. et Prononc. et Orth. non accordés sur ce point). Supplanté par hélas, déjà courant en afr., → he. Egalement courant: a, las (allas, etc.), v. TL 5,208s.