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haneke m.
[ÉtymologieMot qui, avec ses dériv., fait partie intégrante de la terminologie maritime (v. SandahlSea 2,42; EdmK p.cxvi-cxxi; FrahmMeer 66; etc.). Le verbe haneker (Edm) a été classé par le FEW parmi les matériaux d’origine inconnue (FEW 23,95a), alors que son antonyme deshaneker / deshenechier se lit sous *HERNEST (→ herneis “équipement”); le simple haneke n’a pas encore été relevé.
Avant de rechercher une étym., il convient d’examiner la chose désignée. Dans EdmK, les marins, qui sont contents du vent qui s’est levé, préparent la nef et ‘n’ont plus besoin de carguer (heneker) les voiles’, c’est-à-dire qu’ils les déferlent. Dans des comptes anglolt. touchant la construction de bateaux on rencontre des payements pour des hanekis (doc. 1212, etc. (aussi [hanck]os), LathamDict 1134a), typiquement pour 12 ou 20 douzaines par bateau. Dans trois doc. de 1294 / 95 on lit: in cordis et cordulis que dicuntur lorwelines…, hanekes, leftropes…, Item in .xx. duoden’ cordarum que dicuntur hanekes; … hanekes (SandahlSea 2,42); dans un doc. EdwI: cordis que dicuntur… hanekes, haucers; etc. (ib.); dans Parton on nous dit qu’aux voiles il n’i a hanechié nul ris. De toutes les att. disponibles il ressort clairement que le haneke désigne une cargue, que hanechier veut dire “carguer (la voile)”, c’est-à-dire fixer contre la vergue la voile ou des ris au moyen de cordelettes et que deshaneker désigne l’action inverse(1).
L’étymon en est l’anord. HǪNK “lacet” (FalkTorpNorw 379; Sandahl Sea 2,43), ou une forme masc. du type d’isl. HANKI m. “lacet de fixation sur le bord d’un navire” (Jóhannesson 207; 1020) ou de anord. hankar m. “id.” (SandahlSea 2,43, basé sur Falk). Viennent également de l’anord.: mangl. angl. hank “reef point; loop” (MED 4,470b [textes anglolt. dès 1213 > SandahlSea; mangl. dès ca. 1325]; OED H 75c) et anglolt. hanckus / hanekus (dès 1212, LathamDict 1134a). Les formes à e svarabhaktique prévalent en anglolt. et en afr.; elles témoignent p.-ê. d’un traitement galloroman. – Cp. → *hanker(2)
Les verbes ont été rapprochés de la famille de → herneis: dans la lexicographie il y a une lignée qui part de Du Méril 1856 FloreaD (gloss. “ôter le harnois; déferler, en parlant d’une voile”), passe par Gdf, FrahmMeer, Kjellman EdmK p.cxxi, KellerWace, FEW, etc. TL 4,922,23 range ainsi haneker sous harneschier sans se prononcer sur la perte du r (possible en pic., mais le texte est agn.) et il y joint aussi herneskierent (l. 20), cf. la n. 1 ci-dessus. Les attestations de deshaneker et de ses var. témoignent du fait que ce mot faisait difficulté pour les scribes et qu’ils le rapprochaient de desharnechier, v. ci-dessous, spéc. pour Brut.]
- ◆“court cordage dont une série sert à relever ou à raccourcir une voile en la pliant et fixant sur la vergue, cargue (ou garcette)” ([doc. anglolt. dès 1212]; doc. agn. 1312 / 13, doc. agn. 1312 / 13 [(pour la construction d’un bateau) .xij. dozeines de hanekes, .viij. s.], LathamDict 1134a; SandahlSea 2,42; MED 4,470b)
●hanechier v.a.
(Sud-Ouest hanechier , agn. hanecher Edm Stone, haneker 3et. 12es. EdmK 1458)
- ◆“relever ou raccourcir (une voile) en la pliant et fixant sur la vergue au moyen de cargues, carguer” (agn. 3et. 12es., EdmK 1458 [(le vent se lève) Les mariners en sunt mult liee… Aspre est le vent, li sigle legier (ms.: sigleiegier), Unc ne les covint haneker (var. ms. Manch 13r° hanecher). Bon vent aveient]; av. 1188 PartonG 733 [Sigler le voit tot a plpain tref; Le sigle voit tot desferu Et li hobenc sont bien tendu, Il n’i a hanechié nul ris, Car li vens siet droit del païs], TL 4,922,23 [Edm sub harneschier]; TLF 9,692b [Edm sub harnacher]; FEW 23,95a [Edm]; Stone 350a(3))
●henekier v.a.
- ◆“relever ou raccourcir (une voile) en la pliant et fixant sur la vergue au moyen de cargues, carguer” (norm. 1226, GuillMarM 17336 [Franceis virent del havne (ms. haurie?) eissir Noz genz et encontre els venir…; Tantost lor veiles henekeierent(4)], TL 4,922,20 [la forme reconstruite sous harneschier])
●deshaneker v.a.
(agn. deshaneker EdmK 1376, hbret. deshanacher FloreaK 1383, agn. deshenechier 1155 BrutA 11210)
- ◆“lâcher les cargues pour faire descendre et déployer la voile (entièrement ou partiellement)” (agn. 1155 – déb. 13es., BrutA 11210 [(les bateaux sont prêts pour quitter le port) Quant… tide orent e bon oré, Dunc veïssiez ancres lever, Estrens traire, hobens fermer, Mariniers saillir par cez nés, Deshenechier veilles e trés(5)]; EdmK 1376 [La nef fu forte e mult bele, Bien fete, seüre e novele, Ou seint Edmund esteit, li ber, Li unke mes ne fu en mer. Li servant e li mariner En vunt lur cordes adrescier. Chescun mariner de l’esneke Forment le sigle deshaneke; Lur hobens estreinent vers destre, Hors lancent lof vers senestre, La veile treient jesqu’al hune E al vent la firent comune]; FloreaK 1383(6) [Le tref(7) ont tost desharneskié (var. deshanachés) Et sus dusc’a tores(8) sacié. Li vens s’i prent por faire ester], TL 2,1608 [sub desharneschier]; DCCarp 147a; Stone 171a; FrahmMeer 67 [> herneis]; Lecoy R 76,538; FEW 16,205a [Brut, sub *hernest])
(1)
Les informations des sources secondaires et tertiaires sont très fautives: FrahmMeer 66 “Bezüge [housses] über die Segel legen” erroné. Jal2 871b sub *harnacher, 2° “larguer (les voiles)”, définit juste le contraire (on y cite Edm harnesker d’après Stone, mais ce dict. donne la forme correcte haneker); la forme herneskierent, GuillMarM, a été modifiée par Paul Meyer en accord avec son idée de l’étym., elle se retrouve aussi dans FrahmMeer, TL 4,922,20 et dans FEW 16,204b, le ms. donne henekeierent; la forme desherneskier semble inventée (également desharnesker Jal2 441b est erroné). TL 4,922,17-28, herneskierent etc., sub harneschier, est bien défini, mais n’appartient pas à ce lemme. KellerWace 224b deshenechier “ôter les voiles”… est erroné; sa qualification du mot comme hapax est erronée et l’était en 1953.
(2)
Frm. hanet m. “petite corde passée dans les ris d’une voile, qui sert à raccourcir cette voile quand le vent est trop fort” (FEW 23,96a) va plutôt sous anellus, cf. FEW 24,556a: Jers. anné “anneau” etc.
(3)
Var. sans attestation dans Stone, aimablement identifiée par W.Rothwell.
(4)
L’éd. corrige en herneskiérent, s’inspirant de desherneschier (v. gloss.; l. deh-), Brut (> GdfC, v. → herneis), et de Jal1; la déf. “carguer [les voiles]” est correcte.
(5)
La plupart des mss semblent d’accord sur cette leçon. On trouve aussi Deslier, Desancrer (évidemment fautif), Et desplient; pour desherneschier Gdf et TL v. → herneis; un seul ms. donne Por herneschier, leçon intéressante: elle se trouve dans le ms. BN fr. 794 qui contient les œuvres de Chrestien et qui a été exécuté par Guiot (champ. 2eq. 13es.), scibe consciencieux et enclin à retoucher les textes; visiblement, il a remplacé le mot mal connu par un autre, proche par sa consonance et convenable par son sens (bien qu’il ne soit pas tout à fait logique de voir monter les voiles à ce moment du récit), dér. de → herneis.
(6)
Attestation d’une certaine importance philologique. Le texte de base (v. éd. Krüger) est fourni par le ms. A, pic. ca. 1289; son scribe a prob. identifié son desharneskier avec la famille de harnois “équipement”; le sens obtenu n’est pas entièrement satisfaisant dans le contexte, d’où dans TL, un peu forcé, “los-, auseinandermachen”. Le deuxième ms. pic., C, a tout desharnesquié, mais il copie en général le ms. A (bien tout concorde avec le ms. P), de sorte que son témoignage offre peu d’intérêt. Le ms. B, graphie du Centre, porte une leçon différente: Leur trés ont touz en haut sachiez Et les autres engins dreciez; cette leçon témoigne de l’incompréhension du texte orig. Reste P, ms. agn. déb. 13es., archaïque, qui donne: Lur tr[ef] unt tut deshanachés Et sus desqu’es cups (ms. cups, v. n. 7) sachés, Sis fert li venz quis fait errer, c’est nettement la leçon la plus originale (vérifiée sur ms., f°89v°b). Si le scribe de A avait devant ses yeux deshanachés, il a pu croire qu’un r devant consonne s’était perdu (trait du Nord, comme dans haneschier, hanaskeüre, ChevIIEsp, hanichier, AnsMetznG 4493, concernent tous l’écurie, → herneis), de sorte qu’il a produit p.-ê. une forme en principe hypercorrecte, mais intégrée dans la famille de harnois. – On peut se servir de ce cas pour préciser l’origine du texte: l’éd. Leclanche avait opté pour l’Ouest, avec une précision vers la Touraine (faiblement appuyée); il vaut mieux rester près de la mer: Haute-Bretagne.