DEAFplus
article imprimé Add. & Corr.
rédaction: Frankwalt Möhren
henir v.
[ÉtymologieDu lt. HĬNNĪRE “hennir” (ThesLL 61,2808). Le maintien du e prétonique (< ĭ) est expliqué par Straka (MélHilty 1987, 238; 244; 259) par la position en syllabe fermée (devant n géminé); le e est nasalisé et passe normalement à ā dès l’afr. (RheinfelderL § 193); la prononciation actuelle est récente, elle reflète l’orthographe (Straka). L’aspiration du h- est expliquée par Wartburg (FEW 4,428a) par une ‘influence de verbes comme huer’; il vaut mieux la considérer comme un maintien (ou une remotivation) onomatopéique (cp. Pope § 142). Les var. à n palatal semblent être expliquées dans le FEW par une dérivation en lt. -IĀRE (l. 1.b., avec commentaire p. 428a), mais il faut distinguer l’afr. henïier des formes dialectales à n palatal: Le dérivé en -ier est certainement formé sur la base du radical heni- (fait isolé provoqué par les besoins du mètre et de la rime), tandis que les formes présentant ñ (FEW sous ‘b.’) sont à réunir avec celles citées sous ‘a.’ (afr. hignir, etc.). Il en résulte une aire présentant ñ à l’Est, v. ci-dessous hegnir, hignir, heingnir (sous henir), hegnissemant, hegnissement (sous henisement) et hignier (sous hener), aire confirmée par les att. dialectales du FEW. (S’y ajoute Jersey hignir; cette distribution géographique est confirmée à son tout par le phonétisme de norm. grungnir à côté de bourg. grugnir, v. DEAF G 1446,6 et cf. 1445,21.) Il s’agit donc plutôt d’un fait de phonétique que de morphologie. – Les var. présentant i dans le radical témoignent probablement d’une latinisme et d’une remotivation onomatopéique à la fois. Le mangl. a accueilli le mot afr. ou le mot lt. sous la forme de hinī (MED 4,792a(1)); pour le mlt. v. LathamDict 1158bc. L’att. isolée haniter (‘Chrestien’ selon le FEW; le mot se trouve dans un seul ms. pic. [Tournaisis?] de Perc) est confirmée par Vraignes (Picardie centrale) héniter (FEW). Wartburg estime «scheinen auf hĭnnītus direkt zurückzugehen; aber das -t- der verben ist schwer zu erklären». La formation d’un lt.vulg. *HINNITARE (: hinnītus “henissement”, ThesLL 63,2809), intensif habituel (v. Leumann-Hofmann-Szantyr 2, § 166,a), se compare à lt. tinnitāre à côté de tinnīre et du dér. tinnītus. Le phonétisme de haniter reflète les conditions spéciales de l’onomatopée; il serait trop facile de le déclarer latinisme (à étudier; cf. Walker 594; l’étude devra comprendre aussi les diverses désignations rom. comme it. nitrire, innire [1554, ‘voce dotta’, Battaglia 8,37a], cat. ahinar (1696, AlcM 1,333a), occ. enhir(2), etc., v. Diez 181; REW 4136; 4138; FEW). Henir et dér. désignent le cri fort du cheval, et non le fait de ronfler ou de broncher. Les emplois par analogie (cri du pic et de l’éléphant) ou par comparaison (cri d’hommes comparé au hennissement) sont classés avec le sens premier (henir 1o et hener 1o). L’extension au cri humain est maintenant attesté dans sept textes (TL: Rol seulement, classée sans alinéa; absente du FEW) et elle est considérée ici comme sens distinct, v. henir 2o et hener 2o. Il est même probable que cette extension date du lt. tardif (Vulgata), v. Blaise 390b et Souter 174a. – Cf. → haigne2.]
(henir ca. 1100 ms. 2eq. 12es. RolS 3526; PhThBestWa 1090; BenTroieC 12474; ChronSMichelB 775; HornP 3263; ProtH 4212; AimonFlH 4366 var. ms. 1295; 4368 id.; RobDiableL 1280; GraelentW 739; MortAymC 699; 2300; etc.etc.RolS 3526, hennir RouH III 7001; NoomenFabl no 50,93; Bueve2S 3780; Bueve3S 3474; 9044; ChevIIEspI 6,185; GaydonG 1193; ArtusS 7,38; 274,46; HervisH 8336var.; FlorOctOctV 1576; ChevPapH 72,10; GlBNhébr1243 LevyTrés 128b [hennyr]; [AalmaR 5331], hanir ContPerc3R 33189; GlBNhébr302L gloss.; ArtusS 67,7; GlLeipzig LevyTrés; FatrArrP 15,8; ClarisA 3418; GlParmePalD LevyTrés; RichH 1544; LicorneG 6210; 7757; PercefR2 123,2287; TristNantS 14675; 14680; [GuiWarPrC 44,14; RouH III 7001 var. ms. 17es.], hannir AiquinJa 655 ms. mil. 15es.; GaydonG 1995; RolPM 4292; BretTournD 463; BibleMalkS 10339, ⁠ms. 1em. 15es. hinir BibbFW 6,20, hynir BlancandPS 4927 ms. francien ca. 1300; NicBozCharV 223; NominaleS 751, hinnir JPrioratR 8384(3); BibbW 152,5, ⁠agn. hynnyr FoukeB 12,26, ⁠Est 1ert. 15es. hegnir Aalmas GdfC, ⁠lorr. heingnir HervisH 8327, hignir 1188 AimonFlH 4366; 4368; BretTournD 463 var. ms. Metz mil. 14es., ⁠francoit. honir AspremMaz ZrP 10,53 [forme assurée?], herenir RouH III 7001 var. ms. pic. fin 13es. [bourde?])
  • 1o“(en parlant du cheval) pousser le cri fort, particulier à son espèce” (dep. 1130, PhThBestWa 1090 [pulains… sunt henissant]; ChronSMichelB 775; RouH III 7001; HornP 3263; ProtH 4212; GraelentW 739; AimonFlH 4366; 4368; NoomenFabl no 50,93 [.i. roncin… estoit maigres et taillanz, Dos brisié…, d’un pié sousclochant… N’il n’avoit talent de hennir]; MortAymC 699; 2300 [(un cheval avertit l’armée de l’arrivée d’étrangers:) a  .iiii. foiz heni]; etc.etc.; RolS 3526; GaydonG 1193 [Li chevax… saut et hennist cler]; 1995; etc.etc.RolS 3526, TL 4,1055; KitzeRoß n. 220; GdfC 9,752c [«Chrest., Perceval» = ContPerc3]; Stone 353a; Lac 7,35b; FEW 4,427b [«Rol» err.: sens 2o])
  • ⁠v.n. subst.⁠ (ca. 1305; mil. 14es., TristNantS 14675 [Son cheval recongnut au hanir et au braire]; 14680; NicBozCharV 122 [Ceo cheval seit henir… Sun henir si est blaspheme])
  • ⁠v.n. “id.” (dit d’un personnage dans un fatras)⁠ (Arras 2em. 13es., FatrArrP 15,8 [Venoit Babiloine Apenre françois; Encontre vint Vermendois Qui hanissoit sans alaine Sor un grant cheval d’orfrois])
  • ⁠v.n. “hennir” (dit d’hommes, dans une comparaison)⁠ (déb. 13es., GlBâleB 4385 [e henireç; = BibleRab Jér 50,11 triomphez,… ébattez-vous comme une génisse qui foule et blé et hennissez comme de fiers coursiers])
  • ⁠par analogie “(dit du pic) pousser le cri particulier de son espèce”(4) (mfr. [1379] déb. 16es., BonBerg impr. Vostre 37 [l’oyseau que l’en nomme espect ou pymart (!, impr. 1542: pyvart) … cri et hennist (impr. 1542 hannist) forment quant il doit plouvoir], TL 4,1056,4)
  • 2o“manifester son émotion en poussant de hauts cris (dit d’hommes)” (ca. 1100ca. 1305, RolS 3526 [Cil d’Ociant i braient e henissent (var. V4 glatie) [E cil d’] Arguille si cume chen glatissent; Requerent Franc]; BenTroieC 12474 [Li Saietaires (un adversaire de Grecs) le choisi: En haut cria, braist e heni (var. henist)]; RobDiableL 1280 [Par les maistres rues de Rome S’en cort a loi de dervé home. Une fois cort, autre sautele, Henist et brait, hue et beele]; VMortAnW 168,8 [La (dans la mort) ert ors et argens siunaille(5), et cil grant avocas, pietaille Que contre l’argent voi hennir]; BibleMalkS 10339 [Li Philistien hannist et houche]; NicBozCharV 223 [Ceo est le faus avocat mult cher alouee, Pur hynir e braher encontre verité E susteyner la partye qe tient fauscetee], TL 4,1055,51 [Rol, sous le sens 1o: ‘de l’homme’])
henïement m.
(⁠bourg. hynnïement GirRossPrM § 144)
  • “cri fort, particulier du cheval” (bourg. 2em. 13es., GirRossPrM § 144 [le valees sont pleines de compaingnies armees de fer… la terre out paour pour l’espaontable hynnïement des chevaux; traduit: pavet tellus hymnitu(6) horribili equorum frementium; même passage dans GirRossAlH et GirRossWauqM, v. sub henisement], TL 4,1055, cp. bourg. dial. (MerryV., Yonne) higner, FEW 4,427b).)
henisement m.
(henisement 1erq. 13es. GlBâleB p. 99; 111, ⁠mfr. hennissement 2em. 14es. AalmaR 5332; GirRossWauqM 310, ⁠afr. hanisement GlBâleB p. 99; GlBNhébr302L 64,30; 86,45; 165,60, hanissement 1209 HValL § 526; GlLeipzig LevyTrés 128; GlBNhébr301 ib.; GlParmePalD ib.; GlParmePalE ib., hannisement HVaL § 526 GdfC, hinissemant GirRossAlH 3773, inissement GirRossAlM 3773, hinnissement SecrSecrPr1 GdfC, ⁠Est hegnissemant 1ert. 15es. Aalmas GdfC, ⁠Lyon 1484 hignissement YsMachoR 628)
  • “cri fort, particulier du cheval, hennissement” (dep. 1209, HValL § 526 [la thumultue et li hanissemens (var. hannisemens GdfC) des chevaus]; GlBâleB p. 99 [glose BibleRab Jér 8,16 le bruyant hennissement de ses puissants coursiers]; GlBNhébr302L 64,30 [Jg 5,22]; 86,45 [Jér 8,16]; 165,60 [Job 39,19]; GlLeipzig LevyTrés; GlBNhébr301 ib.; GlParmePalD ib.; GlParmePalE ib.; SecrSecrPr1 GdfC; GirRossAlH 3773 [La terre tramble toute des grans hinissemant; cp. les versions citées sub *henïement, aussi 1447 GirRossWauqM 310], GdfC 9,753a; TL 4,1056; ZrP 100,196; FEW 4,427b [hannissement err.; ca. 1220 à corr.; hennissement 14es. se réfère par erreur à 1447 GirRossWauq])
hener v.n.
(hener fin 12es. ms. Nord-Est mil. 13es. [et d’autres?]⁠ AntiocheD 3052var.; agn. NicBozCharV 121 var.; 122 var.; 221; 223var.; champ. mérid. RenContrR 13918, henner BretTournD 676var. ms. N.-E- ca. 1400, haner AntiocheD 3052var.; 3054; ms. ca. 1340 ImMondeOct1 Gdf, ⁠agn. hyner Stone sans att., ⁠Lyon 1480 hignier YsMachoR 639, hygnier YsMachoR 628var.)
  • 1o“(en parlant du cheval) pousser le cri fort, particulier à son espèce” (fin 12es.EstL 1583, AntiocheD 3052 [Li destriers jete et hue (var. ms. pic. fin 13es. brait e[t] have, l. hane, ms. N.-E. mil. 13es. grate et heve, l. hene, éd. P grate et hene) et fait grant pestelis… Il have (l. hane, var. henist; éd. P hene) et jete et fiert]; NicBozCharV 121var.; 221; 223var.; ImMondeOct1 ms. ca. 1340 Gdf, Gdf 4,412c; TL 4,875 [‘13es.’ se réfère à ImMonde: à étayer]; Lac 7,35b [Antioche: ignoré des dict. ultér.]; Stone 353a; FEW 4,427b [afr. ‘hap.’])
  • ⁠v.n. subst.⁠ (1480; 1579, YsMachoR 628var. [des jumens… concepvent par le hignissement (var. par hygnier) des chevaulx]; 639 [les jumens… concepvent par hignier (var. par le h.) des chevaulx]; 1579 Gdf, Gdf 4,412c)
  • ⁠par analogie “(en parlant de l’éléphant) pousser un barrissement” (ca. 1342, RenContrR 13918 [Les oliphans vaulrent hener])
  • 2o“manifester son émotion en poussant de hauts cris (dit d’hommes)” (ca. 1400, BretTournD 676var. [Sis h[yraus] a  .i. pies acourt, A lounet (?), mais hennat a court [Et blasmé]…])
henïier v.n.
  • “(en parlant du cheval) pousser le cri fort, particulier à son espèce” (Est 1em. 13es. ms. ca. 1300, JLansonM 2842 [Li chevaus se desroie, si prent a henïier Que tuit an retantissent li val et li rochier], Gdf 4,449c; TL 4,1055 [renvoi]; FEW 4,427b [‘hap. 13es.’; groupé avec des formes à ñ])
haniter v.n.
  • “(en parlant du cheval) pousser le cri fort, particulier à son espèce” (pic. mil. 13es., PercB 678 var. [Quant li vallés el tref entra, Ses chevax si fort s’esproha (var. isolée ms. mil. 13es. hanita, autres var. s’acopa, frongna, noise mena, etc.) Que la damoisele l’oï], TL 4,1056 [*]heniter; KitzeRoss n. 220; Foerster; FEW 4,428a [«Chrestien» à corr.])
(1) Angl. whinny date du 15es. seulement (OED).
(2) 4eq. 12es., BertrBornS (1879) p. 227,44 [auch enhir (var. engnir, agnir, hantrair; enguir l. engnir?; bruir) cavals], l’éd. Gouiran 1982,2,739 omet la var. enhir (err.?) et ajoute inir et entrair.
(3) Gloss. hinnir; le texte porte hunissanz: sans doute erreur typographique.
(4) Cp. RlFn 2,61 «On a quelquefois comparé son cri au hennissement d’un poulain [< BonBerg?], et on l’a appelé: poulain de bois, Lorraine…, poulain à l’hermitage, Forêt d’Orléans, Salerne».
(5) Gloss. “??”; TL 9,684 “?”. Est une var. de /*/seonaille “déchet de mouture” (cf. FEW 17,65a; 633a: tout à revoir). TL 9,499 “Verwerfung” [t. jurid.], pour JeuxPart, problématique.
(6) L’éd. corrige en hynnitu, de même TL: superflu; GirRossWauqM 310 donne hynnitu.