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rédaction: Frankwalt Möhren
herdu2 adj.
[ÉtymologieSens et étymologie doivent être discutés. L’attestation tirée du bestiaire PhThBest se lit dans trois mss., deux ont herdu ⟨: charnu⟩, un seul, le plus ancien (2em. 12es.), mais souvent corrompu, a heduz ⟨: kernuz⟩. L’adj. y qualifie le visage du lion (qui, lui, est qualifié de hardi trois vers plus loin), ce qui exclut certainement une interprétation par hisdos “affreux”(1). Gdf 1,385b a classé l’att. sous une entrée «ardu, herdu, adj., “rude”» (att. unique), d’où ardu “rude” dans GdfLex, mais on n’en voit pas de trace dans le FEW (v. → hardos n.1). TL préfère ne pas définir(2) et s’interroge sur une correction en hi(s)du, mais sans aucun rattachement étymologique exprès. Stone 354a donne «herdu adj. “stern (?)” [“sévère, austère”]: (the lion) at le vis h. (var. heduz; l. hidus (?))…» ; la traduction convient bien, mais comment l’assurer? La var. heduz se retrouve en tête du type afr. hisdos “effrayant, horrible; laid, repoussant” dans FEW 221,47b (< GdfC 9,758c; étym. inconnue, → hisdos), bien que la qualité de la voyelle finale interdise en principe cette identification (cf. DEAF H 202,22) et que le sens fasse difficulté. La deuxième att. (deux occurrences) se trouve dans SPaulEnfPeinessK où il est question de bestes mues(3) qui sont horribles et herdues (242: quatrain, rime en -ues; corrigé par une main postérieure en hideus; version de 1em.13es., bien que ms. tardif, mais de bonne tradition, pic.) et horribles et herdus (342: quatrain en -us); le ms. de la Brit. Libr. donne orrible et idouses (ms. bourg. déb. 14es.; rime défectueuse) et orrible et iduz (rime en -uz(4)). Dans ce texte, le sens permettrait un rapprochement de hisdos, mais SPaulEnfPeinessK donne trois vers après v. 242 hideus “laid, affreux”: il paraît exclu que hideus et herdues, si proches l’un de l’autre, puissent être de variantes d’un même mot. L’éd. H.-E. Keller, propose un rattachement des deux formes, herdus et herdues, à germ. *hardjan, soit à hardi, ce qui ne peut se défendre. Dans ProvSalSanI il y a deux occurrences (aimablement comm. par nos relecteurs) dont la première paraît nette: une châtaigne comestible (marron) y est herdue, soit, sans doute, hérissée de piquants; le passage rend in hirsutis castanearum operculis absconditus fructus. La deuxième att., au contraire, donne herdu(z) avec un sens figuré: l’hiver rude (qui nécessite des prévisions durant l’été) y est dit être herduz d’orez (oré “intempéries”; le vers n’est pas sans problèmes, v. ci-dessous). Il semble qu’il faille tenter une explication sans dissocier toutes ces attestations (auxquelles s’ajoute herdissable ci-dessous). Cela est quasi impossible par un rapprochement à hisdos. L’éd. de ProvSalSan, Isoz, définit “prickly” (185) et “harsh, bristling (with)” (6033), jouant sur la polysémie des termes anglais; dans une note, elle rejette les tentatives antérieures d’une explication touchant PhThBest où elle juge claire l’att. du v. 185 (châtaigne), où herdu traduit le lt. hirsutus, “hirsute”, aussi au fig., “rude, sans élégance ou raffinement”, et elle pense, qu’au v. 6033 (hiver), il s’agit d’un sens figuré (il faut toutefois dire que la châtaigne est mentionnée dans une image qui la compare au texte ‘rébarbatif’ des Proverbes Salomon, où, sont un extérieur repoussant, se cache le noyau céleste). Et lt. HĪRTUS et HĪRSŪTUS ont des sens correspondants (au concret et au fig.) et ils ont été maintenus avec ces sens en anglo-lt. (v. LathamDict 1,1160a), mais ne vivent pas dans les langues romanes (fr. hirsute étant un emprunt tardif). Leur identification directe avec afr. herdu2 n’est pourtant pas possible du point de vue de la phonétique. D’autre part, il semble possible de rapprocher le lt. ARDUUS: quant au visage du lion, on peut comparer arduus “qui a (la tête) haute” dans Virgile En. IX 53 [… principium pugnae, et campo sese arduus infert] et sim. (cf. ThesLL 2,494,30); quant aux bestes mues, elles pourraient avoir le physique ‘difficile à supporter’ ou ‘énorme’ dans un sens négatif (cf. ThesLL 2,495,65ss.; 494,53 ‘de hominibus monstruosis’). On constate que certaines nuances sémantiques perceptibles dans les att. de hardos, herdu1 et herdu2 paraissent préfigurées dans lt.cl. arduus., même en ce qui concerne ProvSalSan . (Comme pour → herdu1, l’explication phonétique d’un cheminement éventuel de arduus à herdu devrait se replier sur la possibilité d’une alternance de ar et de ęr qui s’observe aussi en agn.(5)). La qualité du h- ne se laisse pas déterminer. On n’ose pas encore se prononcer sur l’étymologie probable de ces mots, auxquels s’ajoute → heru2. Notons que les contextes respectifs se ressemblent en bonne partie. Quant à notre herdu2, les déf. établies restent incertaines.]
  • “qui est redoutable et impressionnant par son aspect (dit d’un lion: dû à la crinière imposante et au caractère qu’on lui attribue)” (?)⁠ (ca. 1130, PhThBestWa 31 [Ço qu’en griu est leün En franceis rei at num. Leüns en mainte guise Multes bestes justise, pur ço est reis leüns. Or oez se façons: Il at le vis herdu (2 mss.: agn. prononcé pour cette partie du texte, 13es., et francien / pic. ayant ‘peu de traces de l’origine agn. du texte’ [p.ix], fin 13es.; var. douteuse heduz (éd.: ?) dans un ms. agn. 2em. 12es.), Gros le col e kernu (ms. continental charnu), Quaré le piz devant, Hardi (var. hardiz) e cumbatant], Gdf 1,385b; TL 4,1077; Stone 354a)
  • “qui est redoutable et affreux par son aspect (dit de diables représentés par des bêtes atroces présentant des aiguillons sur leurs têtes” (?)⁠ (1em. 13es. , ms. pic. 1415, SPaulEnfpeinessK 242 [(sous un pont dangereux(6) passe un fleuve) Ou fleuve a uns deables qui semblent bestes mues; Par l’eve vont tumbant horribles et herdues (corrigé par une main postérieure en hideus; = SPaulEnfPeinesK 275 ms. bourg. déb. 14es. orrible et idouses, rime défectueuse) Les gueules grans et larges, les dens fors et agües. Lors dist saint Pol «Qui ist de la porte du pont?» Cil sont hideus et laist]; 342 [quatre diables horribles et herdus (= SPaulEnfPeinesK 381 orrible et iduz); Chascun a en sa teste quatre aguillons cousus])
  • “qui est rébarbatif par son aspect (dit d’une châtaigne comestible à la cupule hérissée de piquants)” (?)⁠ (mil. 12es., ProvSalSanI 185 [Des Proverbes quident alquant, Ki ne sunt pas ben entendant, Que Salemon par poëstez Les ait escriz e comandez; Mais mielz lor covent a enquerre: Kar come l’or est quis en terre, E come le noël de noiz Ki a manger est bon e doiz (“doux”), U de la chastaine herdue Ki d’une schale est sorvestue, Tot ensement de coverture, Fut reposte ceste escripture, texte agn.])
  • “qui est désagréable (dit de l’hiver aux intempéries pénibles)” (?)⁠ (mil. 12es., ProvSalSanI 6033 [(image: l’homme doit gagner le ciel en engrangeant en été, soit durant la vie) N’i devrïuns pas husdiver, Ço est de ben faire cesser, Mais les fruiz de vertuz quillir Dunt en l’iver puissons guarir: Ço ert el jugement merveillos Ki molt ert aspres e dotos. Iver ki d’orez est herduz, Est cil grant juïse entenduz, texte agn.])
herdissable adj.
[ÉtymologieDérivé d’un verbe non attesté *herdir qui a pu avoir le sens de *“rendre redoutable”; cp. Walker. Le contexte est voisin de SPaulEnfPeines, cité ci-dessus. Sens et rattachement étymologique sont à étayer.]
  • “qui tend à rendre redoutable” (?)⁠ (norm. 1em. 13es., ElucidaireGilR 651 [(les pécheurs en enfer) ameient Tenebres quant lor maus feseient, Crist haoient e sa clarté, Lieiz sunt en cele oscurté; Por cen soeffrent les herdissables (mss. indépendants norm. 3eq. 13es. et pic. 13es.; var. ms. pic. 13es. hidusables; espoventables, resoignables, pardurables) Tenebres ovec les deables])
(1) Cp. BestGuillR 140 lion… beste fere E hardie; BestAmFournS 24,4 lion… a naturel hardement; BestAmOctT 572 lion… hardi, var. oultrageux.
(2) TL a eu raison d’être prudent: sur la base de son unique att. on ne saurait se prononcer sur le sens du mot, “sévère”, “rude”, “poilu”, “jaunâtre”, tout est possible tant qu’il n’y a pas d’autres matériaux ou une étymologie vraisemblable, voire certaine.
(3) Pour cette désignation v. Lecoy MélLommatzsch 295-298.
(4) La var. iduz se rattache prob. à la famille de hisdos par un changement de suffixe non documenté dans le FEW, mais v. hidu (rime!), Gdf 4,475c [ib. hidusable (FEW: ‘hap. afr.’ erroné] est une var. agn. (ms. 1em. 13es.) d’un *hidosable]. Le fait sera à discuter aussi dans le cadre de l’étude du suffixe -uus (cp. → herdu1 et hardos).
(5) Cf. Stone 36a-39b arcedekene / erche- / erse-, arceveske / herse-, arcevesquié / herceveschee, arein / esreim, arer / errer, ariver / er-, armeise / hermoise, arpent / erp-, arres / erris. Cp. Pope § 498; 1147.
(6) À la superficie non praticable: Plus trenchans que rasoirs afilés nouveaument (Keller: a files, erroné)