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article imprimé Add. & Corr.
rédaction: Sabine Tittel
hiier1 v.
[ÉtymologieProbablement de l’abfrq. *HEIJAN “cogner sur ou contre qch.”. Dans FEW on trouve le verbe hiier et les mots ici réunis traités dans deux articles séparés: hiier, avec les dérivés déverbaux hie f. “coup” (cf. hie 2° ci-dessous) et hiee f. “foule” et avec les loc. adv. a hie, a une hie, grant hiee, est rangé sous l’étymon mnéerl. HEIEN “rammen” (FEW 16,189b). Au contraire, le subst. fém. hie au sens de “maillet de fer employé pour enfoncer un mur, etc.” (cf. hie 1° ci-dessous) est placé, comme emprunt, sous mnéerl. HEIE “rammbock”; selon le FEW ce mot se serait formé indépendamment du verbe hiier (16,189b)(1). La datation tardive du FEW n’est pas convaincante: les premières attestations non seulement du verbe hiier mais aussi du subst. hie, comme désignation de l’instrument avec lequel l’action de hiier est accomplie, et aussi celles de hie “coup” , datent de la fin du 12es. / déb. 13es. Compte tenu de l’âge des att. il est préférable de faire remonter tout le groupe de mot à l’abfrq., soit à *HEIJAN, prédécesseur du mnéerl. heien (v. VerVer 3,259, DeVriesNéerl 246a et cp. Pokorny 917 k(h)ai)(2), et, quant au subst. hie, comme désignation de l’instrument, éventuellement en ligne directe à un subst. équivalent abfrq. (cf. mnéerl. néerl. heie, VerVer 3,259, Woordenboek 6,437, et mha. heie, hei, Lexer 1,1209). L’étymologie proposée par Diez 615 qui fait remonter les deux hie (afr. hie “gewalt, nachdruck” [cf. a hie, a grant hie sous hie 2°] et nfr. hie “ramme, stampfe” [cf. hie 1°] «muß desselbe Wort sein» et aussi aangl. hige, hyge “eifer” avec le verbe aangl. higian [cf. aangl. higian “to hie, hasten, strive”, BosTol 535b, et l’ étymologie rejetée de → hiier2] à néerl. hijgen (“respirer avec difficulté”), ne convainc pas; Diez considère néerl. heijen “rammen” (= mnéerl. heien) comme variante graphique de hijgen: à corr. (mnéerl. higen, hijgen,VerVer 3,434, et mnéerl. heien, hijen, VerVer 3,259, sont à distinguer).
Rem.: La locution adverbiale a une hie s’explique sans problème à partir de hie. Mais on rencontre également a une huie, a une hue et a une huee. En partant d’une unité sémantique il faudrait supposer, sur le plan formel, une influence secondaire. Nous nous sommes décidés au contraire de classer les attestations d’après leur forme (v. → hui, hu où aussi hue et huee) et de croire à une évolution sémantique parallèle, évidemment suggérée par la proximité phonique. Sont dans ce cas : FloovA 1688, LicorneG 146, TournAntT 69 / TournAntB 2304, RenMontdT 2022. Va plutôt sous huehu RenMondT 2022 a une hue (corrigé dans l’éd. en huee), sous la famille de hui FloovA 1688, LicorneG 146 et TournAntT 69 / TournAntB 2304 a une huie et sous notre hiier TournAntW 2304 , v. ci-dessous.FEW 4,506a hui- cite l’att. tirée de FloovA et suppose dans une note une transformation de a une hie à a une huie (n1: «= “auf einen ruf”. Vielleicht auch aus a une hie nach dem ruf hui umgebildet»). Le FEW renvoie à Gdf 4,476a (où a une huie, tiré de FloovA et de LicorneG, avec les att. de a une hie sous hie f. “coup, attaque”; cf. aussi Gdf 4,523b huie v. hie: err.) mais cite toutefois a une huie, défini “ensemble”, sous l’étymon hui-, ce qui est correct. De la même façon, TL 4,1222 range les att. tirées de FloovA et LicorneG sous huie s.f. en définissant a une huie “mit einem Ruf, alle auf einmal, gleichzeitig”. – FEW 16,189b sub heien cite l’adj. iez, défini “aplani”, comme dérivé de hiier, ce qui est erroné: l’ att. provient de RutebMarieB qui correspond à RutebMarieF 1146 Qu’a Marie s’est mariez, Qu’il n’est pas un mesmariez var. a pas aus maris iez. Maris iez est corrigé en mesmariez d’après la métaphore du mariage chez Gautier de Coincy dont Rutebeuf s’inspire.
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(hiier fin 12es. AntiocheP 187,4; ChevCygneNaissM 945; CesTuimPrS 93,13; MaccabPierS 22256, hieir JStavB 366)
  • ⁠v.a. “cogner sur ou contre qch. au moyen d’un instrument (un bélier, un maillet, etc.)” (dep. ca. 1200, ChevCygneNaissM 945 [(en parlant d’arbres) Et l’aigue les en porte dessi qu’ a la trencie Ki iert entre .II. mons la l’ont sus resacie. Dont s’en vont bien .LX. et quatre a une hie, Ki hïent les mairiens en la terre et enguie]; MaccabPierS 22256 [Dars enpenés li ont lanciés Et l’engresent sovent et hïent, Desous lui sen ceval ocïent], Gdf 4,476b(3); FEW 16,189b [“enfoncer (un pieu, etc.) avec la hie” ‘seit Cotgr 1611’ à corr.])
  • hiier(a, sor) v.a. + obj.ind. “id.”⁠ (dep. fin 12es., AntiocheP 187,4 [A la tour sont venu: chascuns i fiert et hie, Tant que par force en ont la porte pechoïe; AntiocheD var. après v. 2485]; CesTuimPrS 93,13; [1436 JStavB 366], TL 4,1101; Gdf 4,476b; FEW 16,189b)
hie f.
[ÉtymologieHié, EspineT 341 [Que de l’escu porte les hiés], est à ranger sous ais, TL 1,256,6 (G.Roques)]
(hie ca. 1177 YvainK 6152; GarLorrI 2254; RenM II 907; XIV 491; AntiocheD 1758; ChevCygnePropN 2854; GodBouillH 2,160,12; JerusT 505var.; 506; MonRaincB 4087,25; 4337; 6330; SaisnaB 2620; RenMontdT 1884; ChevCygneNaissM 936; 944; JourdBld 2486; etc.etc.SaisnaB 3562; 3595; 3626; 3695; JourdBlD2 2486; AimeriD 1102; NarbS 7161; AnsMetznG 10959; BlancandM 3361; Bueve3S 15092; pic. GaydonG 8202; GaydonG 2204; TournAntW 2034; ContPerc4tW 11714; 13507; CesTuimAlC 3547; 1843; 3607; 715; pic. DoonMayP 8286; PriseOrdR 1420; RigomerF 3393; YonM 1123; MaccabGautS 10069; MaccabPierS après v. 17531; JPrioratR 208; PiérardMons 335,22; 350,34; etc.; 360,16; JMeunTresM 102; [JPreisLiègeB II 6748; I 3420; I 34572; II 10451], hui SiègeBarbP 7130 var. ms. mil. 13es., hye RichH 395; GilMuisK 261,12; TristNantS 18285; [FlorOctAlL 8170; MirNDPers38P 1707], hee HermVal ms. Orléans 445 Gdf, SiègeBarbP 7130 var.; CesTuimPrS 51,3var.; 96,2 var. mss. fin13es / 14es., hiee CesTuimPrS 51,3 var. mss. fin 13es / 14es.)
  • 1o“instrument formé d’une lourde masse servant à enfoncer, à cogner sur ou conttre qch. (des pilotis, des murs, des portes, etc.)” (dep. 1ert. 13es.(4), SiègeBarbP 7130 [Sarrazzin font lo pont contre François lever, Et si font bien les portes verroillier et serrer. La veïssiez au pont hies de fer jeter; Mes molt petit as murs lor convint arrester]; CesTuimAlC 715; 1843; 3547; 3607; RigomerF 3393; SaisnaB 3562 [Li charpentier les dolent bel et bien et adroit. Et fichent el gravier com il couvenoit, A maus et a grans hies i gierent fort et roit, En terre les enpaignent, que nus ne s’i faignoit]; 3595; 3626; 3695; PiérardMons 335,22; 350,34; 360,16; etc.; [JPreisLiègeB II 6748], TL 4,1099 [“Sturmbock” trop exclusif: à corr.]; Gdf 4,475c [“outil des paveurs”: att. du 16es.]; GdfC 9,758c; FEW 16,189c [mfr. hye MirND, = MirNDPers38P 1707 a hye, serait à ranger sous a hie sub heien “rammen”, v. → ci-dessous 2°])
  • “id.”, dans une image⁠ (déb. 14es., JMeunTresM 102 [C’est la vertueuse septaine, … Qui parfaictement signifie Le cours de nostre vie humaine; Ce sont les sept dons de demaine, Du saint Esperit c’est la hie Qui froisse, desrompt et esmie Orgueil et yre ou Dieu n’est mie], Gdf 4,475c [‘fig.’ à corr.]; FEW 16,189b(5))
  • 2o“choc violent que l’on fait subir à quelqu’un pour faire mal, coup” (mil. 13es.mill. 13es., pic. DoonMayP 8286 [Les premiers cous vous doins et la premiere hie], TL 4,1097 [“Stoß”, à modifier]; Gdf 4,476a; FEW 16,189b)
  • ⁠par. ext. “action d’attaquer à charge”(6) (ca. 1232, pic. GaydonG 8202 [Gautiers tenoit une hace empoingnie… Devant s’en va a plain cop d’escoillie. Li traïtor, quant ont lor gent choisie Qui s’en retornent afuiant par tel hie, Moult s’en merveillent comment est estormie], TL 4,1097)
  • ⁠loc. adv. a hie “en utilisant de la force, en intensifiant une action” (ca. 117715es., YvainK 6152 [Et forz les nerf et durs les os; Si se donent males groigniees A ce qu’il tienent anpoigniees Les espees qui grant aïe Lor font qant il fierent a hie]; GarLorrI 2254(7); JerusT 505var.; RenMontdT 1884; JourdBlD2 2486; AnsMetznG 10959; YonM 1123; GaydonG 2204; ContPerc4tW 11714; 13507; MaccabPierS après v. 17531 var. ms. A v. 826 (t. 1, p. 316); JPrioratR 208; ect.ect., TL 4,1097; Gdf 4,476a; FEW 16,189b)
  • ⁠loc. adv. a (mult) grant hie “id.”, exprimant un plus haut degré d’effort, d’intensité⁠ (1ert. 13es.ca. 1380, BlancandM 3361 [Il s’en vienent, ce m’est avis, Por faire mal en cest païs. Il cevaucent a mult grant hie]; Bueve3S 15092 [La gent oiseuse i ceurent a grant hie]; PriseOrdR 1420; CourtRenF 1184; [JPreisLiègeB I 3420], TL 4,1098,6; Gdf 4,476a; FEW 16,189b)
  • ⁠loc. adv. a une hie “d’un seul coup, en une fois” (4eq. 12es.ca. 1380, RenM II 907 [Et Tiecelins i fiert granz cous Au chef du bec tant qu’il l’entame… Grans cols i fert a une hie; = RenR 5605; RenγF2 18,55]; AntiocheD 1758; ChevCygnePropN 2854; GodBouillH 2,160,12; JerusT 506; MonRaincB 4087,25; 4337; 6330; SaisnaB 2620; ChevCygneNaissM 936; 944; NarbS 7161; AimeriD 1102; ect.ect.; TournAntW 2034 [Tot isi cil hirauz la hue, Et tiuit li autre a une hie (ms. A fin 13es.; corrigé en hue par l’éd.) [Ont si vilainie] huee, C’onques mes si tres grant huee Ne fu en nule place oïe]; ect.ect.; MaccabGautS 10069 var. ms. A av. 1268 (note 10070, l. 10069); ect.ect.; [JPreisLiègeB I 34572; II 10451], TL 4,1097; 4,1222 [à corr., v. la rem. ci-dessus]; Gdf 4,476a; 523b; FEW 4,506a [d’où ‘13.jh.’?]; 16,189b)
hïee f.
[ÉtymologieDérivé de hie 2° à suffixe collectif lt. -ATA. cp. Bald p. 88-121.
Rem.: Dans AuberiT p. 263, Tobler suppose qu’il faut rattacher hiee à un verbe hier et cite à l’appui AntiocheP 187,4 (hiier; contexte v. ci-dessus) et JCondS XXX 130 (= Le Dit de la Nonnete), attestation qui est pourtant à ranger sous → hiier2. Dans sa propre édition des dits de JCond, Tobler veut par surcroît lire a l’hiver à la place de a hier (v. JCondT XI 130: Vous y plaideries jusk’a hier avec note «etwa zu lesen Vous plaideries jusk’a l’hiver.»): contradiction corrigée par Lommatzsch TL 4,41101,14.
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(hïee fin 12e s. ChevCygneH 6513; EnfVivR 428var.; AuberiT 87,30; CharlChauveC 11473, ⁠agn. eez HosebAnO 62)
  • “une certaine quantité, un certain nombre (de)” (2et. 13es., AuberiT 87,30 [Quant Auberis en ot sa gent menee Fors de Cortrai a une matinee, … Et il ala vers Gant toute l’estree Seur gent frisone, qu’il ot des desbaretee, Et des prisons amena grant hïee, Qu’encor en est vostre chartre enblavee], TL 4,1099; Gdf 4,476b; FEW 16,189b)
  • ⁠par méton. “groupe régulier et organisé (en parlant d’ouvriers)” (fin 13es., HosebAnO 62 [E pur ceo ke en mouz de pays il ne sevent nyent sier par l’acre, si poet hom saver par les siors e par les jornees, ceo ke il funt, mes ke vos reteyngnet les siors par les eez; ceo est a saver ke v hommes ou femmes, lequel ke vos voudrez, ke hom apelle des(8) hommes, funt un eez, e xxv hommes funt v eez])
  • ⁠loc. adv. grant hïee “d’une grande quantité”(9) (déb. 13es., EnfVivR 428var. [Prist Vivïven par les temples, le lerre, D’encontre terre les a amont levees (var.Encontremont le leva grant hïee ⟨: muee⟩) Que li chevel en en ses poinz en remestrent], TL 4,1099 [“gewaltsam, wuchtig, heftig”]; Gdf 4,476b [“avec une grande force”]; FEW 16,189b [id.])
  • ⁠loc. adv. a une hïee “d’un seul coup, en une fois” (fin 12es.; mil. 14es., ChevCygneH 6513 [Et Saisne laissent corre tot a une hïee⟨: planee, pree, espee⟩, éd. ChevCygnePropN 2854 a une hie, v. ci-dessus]; CharlChauveC 11473 [Dieudonné avoit se foit faussee Et avoit Corsabrine … violee Ains que la belle fust patisee et levee. Es vous les Sarrazins tous a une hiee Contre les crestiens vienent de randonnee], TL 4,1099)
(1) D’où le FEW tire-t-il l’information que heie et heien se soient établis en France comme termes utilisés par des ingénieurs néerl. des travaux maritimes («durch die ndl. wasserbautechniker nach Frankreich gebracht worden»)?
(2) Mfr. haye (Nevers 1457) est peut-être emprunté du mnéerl. heie (FEW 16,189; cp. Gdf 4,445b).
(3) DoonMayP 11223 est à ranger sous → hiier2 (aussi err. dans DG 2,1243a); JerusH 6870 a hïant, à lire ahïant, est à ranger sous → ahi
(4) Ne survit qu’ au sens de “sorte d’instrument dont on se sert pour enfoncer les pilotis en terre” et de “instrument servant à tasser un sol ou à paver…” (TLF 9,829 ‘syn. de dame, demoiselle’ au lieu de la deuxième déf.).
(5) La date ‘ca. 1190’ correspond à 4eq. 12es. GarLorrI 2254, tiré de Li 12,2024a, ici classé sous a hie. Dans la note concernant l’att. tirée de JMeunTresM, le FEW se demande justement dans une note s’il s’agit d’une att. de l’instrument hie, mais reprend malgré cela l’indication erronée ‘fig.’ de Gdf
(6) ? Contexte difficile. Fonction de par à expliquer; il pourrait s’agir à la rigueur d’une locution adverbiale par (tel) hie, cp. a hie, a (grant) hie, a une hie, ce qui expliquerait la définition donnée par TL 4,1097 “Eifer, Nachdruck”. Noter le tel.
(7) GarLorrB 1,135,8 id., avec note « A hie, à perte d’haleine»: à corr.
(8) Cf. la note et l’éd. L qui lit ii dans le ms. de base (err.); v. aussi son glossaire
(9) Cp. grant coup, Tl 2,961,8.