DEAFplus
article imprimé
rédaction: Sabine Tittel
humer v.
[ÉtymologieEtymologie discutée. Il semble assez raisonnable de supposer qu’il s’agisse d’un verbe issu d’une racine onomatopéique *HUM qui dépeint le son de l’absorption d’un liquide (FEW 4,406b). Les autres étymologies proposées ont été exposées par O.Perreau, RoJb 35,62ss: sont à rejeter lt. sumere “prendre” (“prendre” > *“boire” > “humer”) et lt. *osmare “flairer?” (< gr. ὀσμή “odeur”; le h serait onomat.) à cause des désaccords sémantiques et phonétiques; lt. *(h)ūmāre, discuté le plus souvent (supposé d’avoir existé à côté du lt. humēre “s’humecter, être humide”; le h assurerait le hiatus), ne pose pas de problèmes du point de vue phonétique mais l’évolution sémantique fait difficulté: l’adj. afr. humé “humide” (< FEW) qui, chez O.Perreau, sert d’appui sémantique est à supprimer (v. la rem. ci-dessous), de même que le subst. afr. (gras) humé “bouillon” (< FEW; v. la note 3 ci-dessous).
Rem.: Gdf 4,527a a un article [*]humé “humide”, contenant une att. unique tirée de OvMor De barbe fort, umee et vert. L’att. correspond à OvMorB XIII 4472: (en parlant du dieu de mer) Des lors ai je le vis couvert De barbe ferronneuse et vert; var. feruneux, ferrumee. Le ms. cité par Gdf, Ars. 5069 fo 196a est à lire autrement: De barbe fortumee et vert (vérifié sur ms.). Cette leçon doit être interprétée comme une erreur du scribe pour ferrumee(1). L’art. de Gdf est à supprimer. Le FEW reprend l’entrée de Gdf deux fois: sous [*]hum, 4,507b (‘afr. humé “humide” ca. 1320’), et sous humidus “feucht”, 4,510b (liég. ûme “humide” avec note: «Wahrscheinlich liegt ein alter beleg hiefür vor in den Fables d’Ovide (ca. 1320)»). Les deux mentions sont à supprimer.–- FEW 4,506b [*]hum donne aussi mfr. omer des groins “flairer”, MirNDPers24P 1136, qui va sous → osmer (cf. 7,434a *osmāsthai (gr.) “wittern, spüren” n1: «Zu Unrecht… unter hum verzeichnet.»).–- Liège et Namur humer m. “usufruit”, que le FEW relève sous [*]hum, 4,507a avec note, et aussi sous hūmus “erdboden”, 4,514b, est à interpréter comme variante graphique de humier (> humus), cp. TL 4,1228; Gdf 4,528c; v. → umier.
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(humer fin 11es. RaschiD1 53,170; RaschiD2 585; ThebesC 7943; RecMédJuteH 251,16; ContPerc3R 35014; FierK 2940; RenγF2 2305; 2313; 2317; VMortHélW XLII 5; AudigierC 481; NoomenFabl no 68,50; no 68,52; etc.etc., hummer GaydonG 7980, huimer NoomenFabl no 68,56, humeir ChansOxfS III 33 II; [mfr. Le traitement de la goutte R 15,183,7], humier LettrHippoHT 143, homier LettrHippoHT 65)
  • ⁠v.a. humer (de) qch. “avaler (un liquide) en l’aspirant” (dep. fin 11es., RaschiD1 53,170 (BibleRab Gn 24,17 Laisse-moi boire, s’il te plaît, un peu d’eau à ta cruche); RaschiD2 585; ThebesC 7943 [Bien saurïez humer ueus mous; = ThebesR 7587(2)]; RecMédJuteH 251,16; ContPerc3R 35014 [dou chaudel huma]; RenγF2 2305; 2313 (= RenM XIV 77; 81); AudigierC 481; NoomenFabl no 68,50 (L’evesque qui beneï le con); RenMéon 23392 (= RenM XIII 1414; branche manque dans RenγF2); ArtusS 46,18; JGarl.Acc. HuntTeach 1,150; etc.etc.; RutebF 2,307,36 [(Le pet au vilain) [Tant ot mengié bon buef as aus Et du cras humé, qui fu chaus, Que la pance n’estoit pas mole; = RutebK 114,36; RutebZ 1,62,36 humei](3)]; etc.etc.; OvMorB I 1580var. [Leu qui des povres gens menjucent Char et sustance, et le sanc sucent, var. hument (4)]; etc.etc.etc.etc., TL 4,1226(5); GdfC 9,775b; Stone 357b; FEW 4,506b)
  • ⁠v.abs. “avaler (un liquide) en l’aspirant” (dep. déb. 13es., RenγF2 2317 [Tybert qui le let hume et boit… Estoit durement a malaise… Tybert si entent a humer; = RenM XIV 85]; NoomenFabl no 68,56 (L’evesque qui beneï le con); LSimpleMedD 107; PorterFatr W 5,11; W 12,2; W 12,13; BibbO 201; LettrHippoCH 51; ChansOxfS III 33 II; HMondB 787; DeschQ 5,135,25, TL 4,1226; GdfC 9,775b; Stone 357b)
  • ⁠inf. subst. “action d’avaler (un liquide) en l’aspirant” (1erm. 13es., NoomenFabl no 68,52 [(L’evesque qui beneï le con) Biau sire, son commandemant Covient tenir: ja n’en bevroiz, Mais par foi vos lo humeroiz; Quant li boivres vos est veez Li humers vos est commandez])
  • ⁠v.a. “avaler (un liquide) en l’aspirant”, dans une image⁠ (ca. 1196, VMortHélW XLII 5 [El riche, qui art et escume Sor le povre, cui sanc il hume], TL 4,1228,21)
  • ⁠id., dans des emplois métaphor.⁠ (3et. 12es.17es., FierK 2940 [Signeur, ce dist li dus, ne me devés gaber: Pour ce se cil paiens me cuida amuser, Si li ai ge bien fait sa folie humer]; GarçAvR2 238 [Par foi, il cuidoit que je fusse Si povres que je riens n’eüsse, Mais du sien assés humerai Et as compaignons en donrai(6)]; RoseLLangl 11547; ProprChosMirK LI 66, TL 4,1228; FEW 4,507a “prendre, attraper”; datation ‘Villon- D’Aubigné’ à corr.)
  • ⁠v. abs. id., dans des emplois métaphor.⁠ (1316ca. 1342, GeoffrParChronD 5520 [Lors fist si son royaume escumer, Car il fu bon por tost humer]; 6940 [Tout ont ton reaume fet esplumer. Tes hommes sont bons a humer]; ProprChosMirK XXVIII 16; RenContrR 33808 [Plus de mil fois en fut blamée, Entre moy, eür et Fortune Qui envis homme abat et hume], TL 4,1228)
  • humer (le) chaudel/ la puree au fig. “assumer la suite (de qch.)” [conséquences négatives ou positives, profit; cp. frm. boire un bouillon]⁠ (ca. 1232fin 15es., GaydonG 7980 [Or fut Gautiers a pié enz an prael… Et va ferir Girart de Montrevel Parmi son elme… Et dist Gautiers: Or tenez cest merel. S’Amboyn puis tenir, par Saint Marcel, Je li ferai hummer autel chaudel(7)]; mfr. BaudSebB VI 493 [Boin fait marier tempre dame de noble apel; Qui longement le garde n’a ville, n’a hammel; En la fin leur convient faire humer candel (l. caudel)]; GrebanJ 18533 [Bedeaulx, garsons et coquinaille; N’y ara si meschant merdaille Que tout ne nous viengne a prouffit… Et ce seroit a mes chiers coustz: J’en humeroye la puree; = Pass TroyB 2,6519(8)]; SermJoy 23K 213 [(en parlant du mariage) Ch’est faict, je m’y foure tout ens, Mais voirement seroient bien contens De norir le vacque et le viel A mes propres coustz et despens Et aultruy hummeroit le caudeau(9)], TL 4,1228,13)
humëor m.
(humëor 2em. 13es. DeuxBordeors1B 13,26 [-erre c.s.], ⁠mfr. humëeur OresmeEthM III 23)
  • “celui qui avale (un liquide) en l’aspirant” (2em. 13es.17es.; ensuite 19es.1922(10), DeuxBordeors1B 13,26 [Vez quel vuidëor de broët Et quel humerre de henas!; = 13,25 var.ms. 4eq. 13es. c.r. humëor]; OresmeEthM III 23 [un humëeur de brouéz et lechëeur; désignation dépréciative], TL 4,1226; Gdf 4,528b; FEW 4,507b)
humable adj.
  • “qu’on peut avaler en l’aspirant (dit de liquides)” (2em. 13es.Quillet 1969, JGarlCommH dans HuntTeach 1,231 [sorbilia: humables]; mfr. AalmaR 11562 [sorbilis, -le: sorbissable, humable, deglontissable (l. degloutissable) si conme euf molet], Gdf 4,526b [att. mfr. et frm.]; FEW 4,507a [datation à modfier])
humison f.
(⁠agn. humisun ms. agn. ca. 1250 Persius Satyrae HuntTeach 1,61)
  • “action d’avaler (un liquide) en l’aspirant” (ca. 1250, Persius Satyrae HuntTeach 1,61 [sorbitio: la humisun])
mfr. humage m.
  • “liquide qu’on peut avaler en l’aspirant” (1356, MirNDPers17P 834 [J’ay plus chier lait cler et humage Que burre mol], FEW 4,507a)
mfr. humement m.
  • “action d’avaler (un liquide) en l’aspirant” (dep. 2em. 14es., AalmaR 11559 [sorbicies, -ciei: sorbissement, humement], Gdf 4,528b [att. du 15e et 16es.]; FEW 4,507a [dep. 15es.])
(1) Une lecture De barbe fortuniee et vert est possible du point de vue paléographique (sémantique étayée par la signification de fortune “orage”, FEW 3,376b sub fortuna), mais peu probable.
(2) TL 4,1228,11 ‘fig.’ err.
(3) Gdf 4,338a et FEW 4,507a gras humé “bouillon” [‘hap. 13es.’] sont corrigés par TL 4,1227,15.: humé est p.passé. (var. gras dans RutebK 114,36).
(4) TL 4,1228,24 cite ce passage sous les emplois fig.: err.
(5) TL 4,1227,3, CoincyII13P 728 l’iaue lumer (TL: l. humer), est mal interprété: l’att. est à lire tumer (cp. CoincyII13K 726 [Ainz i couvient l’iaue tumer Que li plungons i puist plungier;= éd. L]); à biffer sous humer.
(6) TL 4,1227,19 sub “schlürfen, einsaugen”: err.
(7) TL 4,1228,13 traduit trop librement «ich werde ihn in gleicher Weise töten wie den vorhergehenden Feind».
(8) Humer semble être employé de la même façon dans DeschQ 7,174,620 [Alons humer de la puree, En chantant!] mais cette att. n’est pas à interpréter au sens fig. (purée ici au fig. “vin”, cf. TL 7,2095,6).
(9) J.P. Chambon dans DWall 19/20,90 traduit “faire l’amour (à une jeune mariée)” (DiStefLoc 150b avec renvoi err. à SermJoy).
(10) Le mot manque dans les dict. du 18es.; il se retrouve dans Li 1873 et Lar 1878 Suppl.; dernière att.: LarI 1922.