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jauge1 s.f. adj. f.
[ÉtymologieNoiz jauge continue le lt. *NUX GALLICA, formé de lt. NUX et de lt. GALLICA “qui relève de la Gallia, particulièrement de la Gaule Transalpine” (attesté notamment comme gallica f. “chaussure des Galois”, dès Cicéron, ThesLL 62,1680). Le lt. nux désigne tout fruit à écale et à amande et, par restriction de sens, la noix du noyer. C’est pourquoi il était souvent nécessaire de préciser la qualité du fruit: lt lt. connaît nux Abellana, Albana, Alexandrina, Graeca, etc. (AndréBot 221; AndréPlantes 173), le mlt. nux alexandrina, persica, etc. (LathamDict 1,1958c; ce dict. atteste nux gallica av. 1212(1) et ca. 1240 Bart. Angl.). Attestations les plus anciennes de nux gallica: Thomas BullDC 5,142 (F = 6: 9e / 10es., Siegrist St. u. Texte 1923,126 [oleo nugleos de nuce gallica, ms. hit.?]; Jörimann Frühma. Rez. 1925,15,37 [nucis galcas]; Recette élaborée de garum BN lat. anc. Suppl. 1319 [9e (ou 10e ?) s.], contenant nuces galicas, BEC 3esér. 4 (14) 1853,319; CGIL 3,588,8 ms. 10es. cariadentron : nucis galica; 592,8 liptocaria : nucisgalica; 609,4 ms. 11es. caria dentro idest nuces gallica; 613,37 lepto caria idest nucis gallicas; 625,55 ms. 10e / 11es. lptocaria idest nucis gallica; Hugo Farsitus, Soissons, mort en 1143 (Mignepl 179, 1791c [gallica nuce (comparaison pour indiquer la grosseur d’une pierre), DC 4,16a galiqua prob. autre ms.]). La noix est commune, à l’époque romaine, à l’ouest, au sud et à l’est des Alpes. La désignation nux gallica est dès lors la plus naturelle dans des pays en dehors de la Gallia, et plus particulièrement dans la Belgica ou la Germania(2). Cette explication est corroborée par l’aire de répartition en afr. (v. ci-dessous: essentiellement agn. norm. pic. wall. lorr.) et dans les dialectes modernes: surtout norm. septentr. pic. wall. lorr. (ALF 920; exceptions isolées, v. FEW)(3). La désignation a dû être créée des siècles avant les premières att. mlt. pour pouvoir subir les évolutions phonétiques (sonorisation de -c-, syncope du i / e et palatalisation du g après l avant le 8es. et dépendant des régions, cp. infra).
–- Le REW 3659 et Gam2 472a maintiennent l’étymon lt.vulg. *GALLICUS “qui est de la nature de la noix de galle” (→ gale), malgré G. Paris R 15,631 etc. (cités ib., cf. encore ThomasMél2 37: contre galla); la justification par le seul emploi des deux ‘noix’ pour teindre paraît faible (REW; cp. FEW 4,38n11), bien qu’une motivation secondaire soit possible. Gam2 contredit sa propre étymologie en soutenant que néerl. walnoot etc. “noix des Romans” traduit nux gallica. –- Weisgerber IF 62 (1955) 33-61 accumule matériaux et arguments pour rejeter l’étym. de *gallica (< galla) et aussi celle de gallica (< Gallia) et pour redonner vie à l’ancienne proposition d’une dérivation du germ. WAL-. Les att. de la forme fr. jauge ruinent cette hypothèse. –- D’autres désignations afr. de la noix illustrent la nécessité de préciser l’espèce de noix visée dans un texte: noiz walesche (v. supra), nois de noier pl. (AldL p. 153,24 var. nois gaukes), groses noiz pl. (AimeriD 2220). –- La var. lorr. jaille (aussi wall. mod. orient.) s’explique par les conditions de la syncope de gallica (FEW 4,37b; FouchéPhon 470; 919 rem.III). L’initiale du ‘fr.’ gauge est expliquée par FouchéPhon 558 rem. II par la phonétique plutôt que par une influence régionale (il ne parle pas de afr. jauge). –- Cp. → jauge2.]
(jauge 1erq. 13es. AimeriD 2246; FetRomF1 650,17, pic. agn. gauge AucR3 XII 24; ImMondeOct2C0 6282var.; LettrHippoT α 66; i 24; i 83 fo 33vo; LettrHippomS 76vo17; JeuxPartL 92,63; RecMédCambraiS no 69; SEloiP p. 100b; Thierry 1,1,85; AldlF p. 198 ms. pic. 14es., liég. galge MédLiégH 823, pic. gauke AldL p. 153, 1 et 24 var. ms. 2em. 13es.; [Remède ms. 2em. 14es. Gdf], norm. gaugue doc. Rouen mil. 14es.? Gdf, lorr. jaille ImMondeOct1C0 1894; ImMondeOct2 NM 73,510 mss.(4); BretTournD 400)
- ◆noiz jauge “fruit du noyer (Juglans regia)” (1erq. 13es. – 16es., AimeriD 2246; FetRomF1 650,17 [une reonde pierre pesant de la grandor a une grosse noiz jauge]; AucR3 XII 24 [comparaison avec les mameletes dures de Nicolete]; LettrHippoT α 66 [A face lentilleuse oignez la face del oille de noiz gauges; = mS 76vo17; iT 24]; i 83 fo 33vo [morsure de kien… demi poignie de nois gauges - du noiel - et rute et pestelés ensanle, ms. pic. mil. 14es.]; ImMondeOct2C0 6282 [(la terre est un globe) Mons et valee ne hautece Ne tout (“enlève”) a terre roondece, Nes… les fronces en la nois [gauge], mss.; ms. de base laule, v. ici n.5; = Oct2 NM 73,51 var. jaille; Oct1C0 1894 jaille]; AldL p. 153, 1 et 24; JeuxPartL 92,63; RecMédCambraiS no 69; MédLiégH 823 [contre mort chair: “mordue”, cp. LettrHippoT i 83 ci-dessus et AldL p. 153]; 1154 [en prendeis (du miel) alle mesure d’une nois gaile]; SEloiP p. 100b [(fruits d’un noier:) nois gauges, plus loin: nois]; Thierry 1,1,85, Gdf 4,246b; TL 4,1597; Hu 4,280b [MontRoth 1,160]; FEW 4,36b)
- ◆“fruit du noyer (Juglans regia)” id., dans des comparaisons (1213 – 2em. 13es., FetRomF1 650,17; AucR3 XII 24; MédLiégH 1154, contextes v. ci-dessus)
- ◆noyer gaugue “noyer” (mil. 14es. ?, doc. Rouen mil. 14es.? Gdf, Gdf 4,246b)
- ◆jaille f. [Créé par une ellipse favorisée par le dér. *jaugier, v. infra. L’att. dans BretTourn pourrait s’interpréter aussi comme adj.] “fruit du noyer” (ca. 1285, BretTournD 400, TL 4,1597,51; Gdf 4,246b [mfr. gaughe, Remède(5)]; RlFl 4,34; FEW 4,36b [BretTourn, nam. gaille 15es., gauche Huls 1596 et dial.])
●agn. nugauge f.
[ÉtymologieComposé avec soudure des deux termes (à quelle époque ?). Cp. Vosges neujole etc., FEW 4,37a, l. 13; RlFl 4,28. La var. noysagage n’est pas claire. –- Cp. noigauger ci-dessous.]
(nugauge 13es. OrnDamesR 228, nugage LettrHippoeT 71 ms. mil. 13es.; HuntMed p. 322,77 ms. ca. 1300; LettrHippob HuntMed p. 137,79c; p. 140 fo 225r; NominaleS 684; HuntPl p. 187, nogage HuntMed p. 290,208 ms. fin 13es., noysagage LettrHippoaT 68(6))
- ◆“fruit du noyer” (mil. 13es. – déb. 15es., OrnDamesR 228 [(pour teindre les cheveux en noir) prist ruil de fer et galles et l’escorche de nugauges et alum]; LettrHippoeT 71 [oile du nugages ms. mil. 13es., = αT 66 oille de noiz gauges cité ci-dessus; = aT 68 oyle de noysagages]; HuntMed p. 290,208 [verte escore de nogages, ms. fin 13es.]; p. 322,77 [pelotes si grosses cum une nugage, ms. ca. 1300]; LettrHippob HuntMed p. 137,79c [oile de nugages, ms. déb. 14es.]; p. 140 fo 225r [id.]; NominaleS 684; HuntPl p. 187, AND 454b [var. -auge non documentée])
- ◆“fruit du noyer” id., dans une comparaison (ca. 1300, HuntMed p. 322,77 [contexte cité supra])
●jaugier m.
(pic. gaugier ImpArtB 1417, gaughier ca. 1245 SFranchS 4173; Aviculaire 2em. 13es. BullSATF 11,76, gaukier DialFrFlamG 14a, agn. gagger BibbO 701 var. ms. déb. 14es., wall. jailhir MédNamH 270)
- ◆“arbre de grande taille (famille des Juglandacées), sauvage et cultivé, dont le fruit comestible est la noix, et dont plusieurs parties servent en pharmacie, noyer” (surtout pic. wall. ca. 1245 – 1604, SFranchS 4173 [il s’ala coucier Por dormir desous .i. gaughier; Et kant il se fu esveilliés Moult sambla estre traveilliés(7)]; Aviculaire 2em. 13es. BullSATF 11,76; BibbO 701 var. ms. déb. 14es. [gagger : walnote treo], Gdf 4,246c(8); TL 4,1599; RlFl 4,28 [Grandgagnage = doc. 1577]; 4,29; AND 326a; FEW 4,37a, vit de Lux. jusqu’en Norm.)
- ◆“arbre de grande taille (famille des Juglandacées), sauvage et cultivé, dont le fruit comestible est la noix, et dont plusieurs parties servent en pharmacie, noyer” id., dans un nom de personne (doc. Artois 1295-1302, ImpArtB 1417 [Marote de Gaugier])
●agn. noigauger m.
[ÉtymologieCf. nugauge ci-dessus.]
- ◆“arbre dont le fruit est la noix, noyer” (2em. 13es., JugAmBlM 63 [(liste d’arbres) noigauger], FEW 4,37a)
(1)
Samson, enresgistré deux fois, 1959a, comme ‘NLA’, et 1047b, comme ‘Samson Mir.Edm.’, ici défini à tort “oak-apple”, malgré Plummer BullDC 2,21 (“walnut”, même att.).
(2)
Dans les langues germ., la désignation du type du mnéerl. walnut (angl. walnut, all. Walnuß, antér. Welschnuss, v. Weisgerber IF 62,34; 41: 5e / 6es.) se justifie de la même façon, cp. → galois, G 98s. (ajouter noiz walesche agn. 2em. 13es. YsEudeR 457 en G 99,37). [Gam1 et Gam2 472 pense que le terme germ. traduit nux gallica, ce qui est une vue trop étroite.]
(3)
Le FEW suppose qu’on peut déduire de la désignation qu’il y avait une ‘culture intensive de la noix de Gaule.’ Cela supposerait une création sémantique à Rome, ce qui ne cadre ni avec la géographie linguistique, ni avec la paléoethnobotanique.
(4)
Rime avec gale. Ib. var laule 〈: gaule “perche”〉(= éd. C0 6282 ms. de base; ib. var.: gauge) est p.-ê. à corriger en jaille.
(5)
Seconde att. err.: boisseau servant de mesure étalon.
(6)
Noyz de noge, HuntPl p. 187, ms. déb. 14es., et noiz de noge, ib., ms. déb. 15es., sont prob. à lire nogé c.-à-d. noge(r), v. noger AND.