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article imprimé Add. & Corr.
rédaction: Thomas Städtler
joc m.
[ÉtymologieDe l’abfrq. *JUK “joug”, bien appuyé par mnéerl. joc “id.” (VerVer 3,1054), aha. joh “id.” (KargFrings 4,1822), mha. joch “id.” (BeMüZa 1,773b; Lexer 1,1482), etc. Tandis que le substantif est assez rare en afr., le dérivé joquier v. est beaucoup mieux attesté. Le verbe se présente aussi sous des formes avec -och-, -ouch- et même -uch- (cf. les variantes ci-dessous), ce que Wartburg explique par un croisement avec les verbes hucher (< abfrq. HÛKÔN, FEW 16,259b) et percher (dér. de → perche < lt. PERTICA, FEW 8,280b). Si les explications par des croisements sont toujours délicates, on se heurte cette fois-ci à des obstacles chronologiques: les deux verbes en question ne sont attestés qu’ultérieurement à juchier (percher à partir de 1314, hucher seulement au 19es.) et ne peuvent guère être pris en considération. On pensera plutôt à un lt.tard. jugicare, dérivé du lt. jugum (v. → jou), à comparer à *trūdicare qui a abouti à trouquer, truquer, trucher, etc. (FEW 132,326b). P.-ê. faut-il envisager une coexistence du continuateur de *jugicare, juchier, et de joquier, ce qui aurait pu favoriser le développement des formes intermédiaires. –- De l’afr.: mangl. jouk “a snooze or nap” (MED 5,411b) et jouken “to lie in wait, etc.” (ib. 5,412a).]
(jouc ModusT 133,8, juc ModusT 133,8var., yuk 1240 GlBNhébr302L 85,44)
  • “perche sur laquelle s’assoient les oiseaux, perchoir” (1240; 3eq. 14es.; 16es.Cotgr 1611, GlBNhébr302L 85,44 [Jer 5,27]; [ModusT 133,8 [A[u] temps de vendenges que les mauvais vont aus vignes pour mengier les resins, si comme nous avon devisé ailleurs, l’en doit prendre garde ou il se retraient au jouc, et doit on viser une bele passee par ou il passent, ou l’en puisse tendre sa rois]], TL 4,1682; Gdf 4,644c; Lac 7,114b; LevyRech 523a(1); FEW 16,287a [encore dial. mod.])
joquier v.
(joquier BestAmFournH p. 73; RestorD II 765; BelleHelR 13609; LionBourgAlK 8179; [HugCapLb 3271; FroissDitsclF 28; BaudSebB IV 735; XXII 797; BrunMontM 1566; ChronGuesclF 18189; FroissS 2,253,225; 2,350,46; ChronGuesclF 14620var.], jocquier LionBourgAlK 1515; 12133; 22497; etc.; ; [PassTroyB III 4237], jokier VillehF ajout 406,5; doc. 1324 PiérardMons 206,39; BestAmFournS p. 46 var. ms. 2eq. 14es.; JMoteRegrS 3033, jouquier ModusT 134,51, jouquer GesteMonglGirD 78, joukier SottChansOxfL XXII 11, juscquier LionBourgAlM 18430(2), jochier BrutA 13602 var. ms. 13es.; 13601 var. mss. déb. 14es.-15es.; [ChronGuesclF 23799], jouchier NoomenFabl no 19 a 115; HuonRegrL 91,10var.; RenγF2 9930; GGuiB 2,9696; [DeschQ 6,210,7; ChronGuesclF 19157], juchier 4eq. 12es. RenM IV 125; XVI 1060; CoincyChristC 921; RoselLec 2506; PercB 2567 var.; RenγF2 1277; JacBruyP 21b, jucher AalmaR 11291, juichier RenContr1R 2,249a, joucier HuonRegrL 91,10, jucier 4eq. 12es. RenM II 91, jugier RenPiaudL XII 11)
  • 1o⁠v.intr. “se poser, se percher en un lieu élevé pour dormir (en parlant des oiseaux)” (dep. 4eq. 12es., RenM II 91 [Pinte (la poule) parla qui plus savoit, Celle qui les gros hues ponnoit, Qui pres du coc juçoit a destre, Si li a raconté son estre]; IV 125; BestAmFournH p. 73; BrutA 13601 / 13602 [Al seir, quant vint a l’avesprer, Laissierent les mussuns aler; Cil s’alerent la noit logier (var. colchier; ms. déb. 14es.-15es. jochier) La u il soleient nier (var. nichier; nitier; ms. 13es. jochier), Es tas des blez e es muidluns E es sevrundes des maisuns]; BestAmFournS p. 46; [AalmaR 11291], TL 4,1682; Gdf 4,656c; GdfC 10,52a; Lac 7,118b; FEW 16,288a(3); 16,290a)
  • ⁠inf.subst. “le fait de se percher en un lieu élevé pour dormir (en parlant des oiseaux)” (2eq. 13es., RenPiaudL XII 11 [S’avras de hart laisse ou colier Et les cornoiles au jugier Si qu’au pié prendre les porras, avec note: «Allusion aux oiseaux qui viennent se percher sur les épaules du pendu»], FEW 16,290a [“juchoir”])
  • ⁠v.pron. “se poser, se percher en un lieu élevé pour dormir (en parlant des oiseaux)” (dep. 1322, RenContr1R 2,249a [L’esprivier est mont honorez, Trop est avant qui a lui tuiche, An la chambre le roi se juiche Sus une perche noble et pointe, Souz ses piez houce ou cointepointe, Pour se que plus aisse se taigne]; [ModusT 134,51], TL 4,1683; FEW 16,288a [dial. mod.])
  • ⁠v.intr. “se trouver en un lieu élevé (en parlant des hommes)” (ca. 1307; dep. 16es., GGuiB 2,9696 [(dans un combat naval) Li un targent, li autre traient Vers ceus qui haut sus les mas jouchent. Quarriaus entrent la ou il touchent], TL 4,1683)
  • ⁠v.pron. “se placer en un lieu élevé (en parlant des hommes)” (dep. 1342, JacBruyP 21b [(les hommes) vont toujours, sans contrester, Querre meilleur pain que froment, Dont, puis, se repentent souvent; Car quant bien hault se sont juchiés, A un seul coup sont trebuchiés De Fortune qui ne voit goute], TL 4,1684; FEW 16,290a)
  • 2o⁠v.intr. par extension “être quelque part en attendant ou sans rien faire, faire le pied de grue (dit de personnes)” (4eq. 12es.Cotgr 1611, RenM XVI 1060 [Je li feré comparer chier Ce qu’il nous fet ici juchier: Se il le fet pour nul despit, Ja n’aura point de respit]; RoselLec 2506; VillehF ajout 406,5 ms. 13es.; PercB 2567 [Or puet longuement sejorner Clamadeus, qui muse defors, var. ms. 2em. 13es. juche dehors]; NoomenFabl no 19 a 115 [La dame lessa le vilain Longuement ou solier jouchier]; doc. 1324 PiérardMons 206,39 [li eskievin eurent tout le jour jokiet apriés monsigneur et sen consel]; RestorD II 765; JMoteRegrS 3033; BelleHelR 13609; LionBourgAlK 1515; 8179; 12133; etc.; ; [HugCapLb 3271], TL 4,1683; Gdf 4,656c; Lac 7,113a(4); FEW 16,288b [encore dial. mod.])
  • ⁠substantivé “le fait d’être quelque part en attendant ou sans rien faire” (3et. 14es., FroissS 2,253,225 [Au lever et au couchier, Au dormir et au villier, Soit au boire ou au mangier, A l’aler ou au joquier… Qu’amours si me represente Son plaisant corps et legier], Gdf 4,657a; TL 4,1683 [sous v. intr.])
  • ⁠v.intr. [dans une image] “rester en attendant ou sans rien faire” (av. 1243, HuonRegrL 91,10 [Damediex mout se corouce Vers celui ki sa langue adouce, Se li cuers ausi n’i atouce; Et pour çou estriver deüsse Mon vil cuer, qui en pecié jouce Si que li ame n’ait sa couce En cel mal pas u l’en s’abusse], TL 4,1683; FEW 16,288b [sous la déf. générale])
  • ⁠v.pron. “se placer (quelque part) dans l’intention de se reposer” (1365, FroissDitsclF 28 [(le chien parle au cheval) Quant nous venrons ja a l’ostel, Nos mestres, sans penser a el, Il t’aportera de l’avainne, Et, s’il voit qu’aies eü painne, Sus ton dos jettera sa cloque Et puis par dalés toi se joque, Et il me fault illuec croupir, glossaire “se coucher, se reposer”], Gdf 4,657a [“se coucher”]; FEW 16,288b [id., avec remarque: «semantisch erweitert»])
  • 3o⁠v.tr. “poser, percher en un lieu élevé pour dormir (en parlant de poules)” (3et. 14es., DeschQ 6,210,7 [(dans la description d’une vielle merveilleuse) plus laide ne fut de mere nee. D’un cahuant fustes poste et couvee, Deulx de torel et bouche de lymier, Grosses lefres pour gelines jouchier (ou v.intr. ‘pour que les poules s’y perchent’ ?; cf. Lerch Hist fr. Syntax 2,152ss.), Joes comme a trompeur qui soufle et muse], Lac 7,118b)
  • “poser, mettre en un lieu élevé” (ca. 1220; 4eq. 13es.; dep. 16es., CoincyChristC 921 [(Christine s’adresse à l’image Apollin avant de la jeter par la fenêtre) com sont ceux de fol lin Qui laissé Jhesucrist ont por vos aorer… Li diable, fait ele, vos ont si hault juchié !]; SottChansOxfL XXII 11 [j’ai trovei dedens mon callendier C’amer la (ma dame) doi par devers les trumiaus. Raison i ai, bien lou poeis cudier, Car cele part jouke je dous joiaus(5)], Lac 7,118b; TL 4,1684)
desjoquier v.
(desjouquier RenM IV 1479 var. ms. fin 13es., desjochier 4eq. 12es. RenM VI 1479, desjouchier JubJongl 139, desjuchier MirNDPers24P 221)
  • 1o⁠v.intr. “quitter le perchoir” (13es.16es., JubJongl 139 [(Dit des Boulangiers) Et quant li ras perçoit le blé Et li poussin sont assamblé, Coc et gelines desjouchié, Mult tost ont le trou aprochié], TL 2,1623; Gdf 2,602b; GdfC 9,342c; FEW 16,289a [encore dial. mod.])
  • 2o⁠v.tr. “faire quitter le perchoir” (RenM VI 1479 [Renart… Vient as chapons, si les desjoche (var. ms. fin 13es. desjouque, = RenR 8737 descoche), L’un en manja, au cuer li toce: Les autres trois a mis en terre, Que lendemein les vendra querre], TL 2,1623; Gdf 2,602b [“faire descendre”]; GdfC 9,342c [range l’att. de JubJongl (v. 1o ci-dessus) sous v.a.]; FEW 16,289a [encore dial. mod.])
  • “faire quitter un endroit” (1366, MirNDPers24P 221 [Mon Dieu, qui te laissas estendre Et de clos en croiz clofichier Pour les tiens d’enfer desjuchier, A mon cuer affermer accuers, = ThéâtFr p. 271], Gdf 2,602b [“faire descendre”])
joquerie f.
  • ⁠[“le fait d’être quelque part en attendant ou sans rien faire”] sans faire joquerie “sans traîner” (ca. 1330, RestorD I 490 [Li lerres Alixandre qui ot non Faus s’i fie Estoit pardevant lui sans faire joquerie, Car forment se hastoit d’acomplir la folie], DiStefLoc 455a)
(1) Donne une seconde att., où il s’agit cependant du → jou.
(2) Ed. ixcqu-, mais cf. Gilles Roques TraLiLi 24,249.
(3) Donne pour l’att. de Brut la déf. “demeurer en un lieu élevé, inconfortable”; à corriger.
(4) Donne l’att. qui correspond à ChronGuesclF 19157 [ne nous lara mie si jouchier longuement] avec la déf. “jouer”; l’erreur vient de DC 4,421b jocare, -ari “ludere, lusitare” gall. “jouer”; ib. 421c l’att. de ChronGuescl.
(5) Contexte grivois (TL «obszön»), où l’on peut discuter le sens de dous joiaus. TL 4,1691,33 range l’att. sous “cunnus”, mais cette acception s’accorde mal avec celle de jouke (TL “hochstellen, in die Höhe richten”). Que se passe-t-il alors? On est enclin à penser plutôt à l’appareil génital masculin.