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rédaction: Sabine Tittel
joi1 m.
[ÉtymologieDu lt. GAUDIUM “émotion agréable ressentie par toute la conscience au moment d’une profonde satisfaction; ce qui est la cause de cette émotion”; etc. (ThesLL 62,1711); pour le mlt., cf. LathamDict 1,1055a (déjà ca. 540); LexNed G 25. Lt. gaudium vit das occ. joi “joie” (3et. 12es., AigarB 848; 1040; Lv 4,260b; R 115,355)(1) et gaug “jouissance” (ca. 1300, Lv 4,85a), cat. goig “joie” (dep. ca. 1200, AlcM 6,326a, aussi gauig, 2em. 14es. (?), R 15,209b,801), esp. gozo (dep. ca. 1140, Cid, Corom2 3,185a), aport. goivo (14es., Mach2 1082a), port. goivo (de Nossa Senhora) “giroflée” (dep. 17es., Mach2 1110b; Morais10 5,528b) et gaudio (Mach3 1082a). Aussi ait., v. FEW 4,82a. Le pluriel, lt. gaudia, est à l’orig. de → joie.
Rem.: Le mot est attesté en agn. et en pic., dans le Sud-Ouest, en poit., bourg., lyonn., dans l’Est et en francoit. La localisation ‘poit. bourg.’ dans le FEW 4,81b s’appuie sur G. Paris R 19,160 (c.r. de Settegast) qui ne connaît que des att. tirées de Thebes, Joufr et Théoph. La localisation est à élargir. –- Cp. frpr. joi, GirRossDécH 6159; 9006var., et jai, ib. 388; 507; 9006; cf. PfisterGir 517; 518n. –- Mener joi est attesté dans BenDucF 19470; NatndBNfr818R 40; ThéophB 468,11(2); les att. sont ici rangées sous le sens de base de joi; de même les att. de demener joi, SCathAumN 2582; EntreeT 6979. Cp. mener joie et demener joie dans la rem. correspondante sous → joie; v. aussi → demener; mener. –- Joi dans SongeDan6H 393 (suivi par et, abrégé dans le ms.) est, semble-t-il, une erreur du scribe et l’att. est à corriger en joie (bien attesté dans ce même texte: 380; 389; 391; 401; 412; etc.). Rangé ici sous → joie. –- Bueve1S 2595 donne joi en corrigeant la leçon du ms. joie ; l’att. est rangé ici sous → joie. –- Dans FolTristOxfL 921 on lit Isolt… devint vermaille De ço k’il issi le joï; il s’agit d’une corr. par. l’éd.; le ms. a De ço ki il fist le joie, v. FolTristOxfH 921; l’att. est rangée sous faire joie a qn, v. sub → joie. –- Les deux att. de joi dans ThebesR 8882 et 10198 ont été controversées: Sneyders de Vogel, dans son article sur ne… joi comme renforcement de la négation, Neoph 27 (1942) 280, écrit qu’ «on pourrait reconnaître le sens primitif dans les deux exemples», c.-à-d. le sens de “joie”. Dubois, R 82 (1961) 448, corrige Sneyders de Vogel et comprend ces att. comme loc. adv. ne… joi en traduisant “ne pas assez”. Finalement, Naudeau ZrP 91 (1975) 122, corrige Dubois et avance que joi souligne, comme adv., une durée de temps. Ni l’interprétation de Dubois ni celle de Naudeau ne convainquent à cause de la syntaxe et nous identifions, avec Sneyders de Vogel, les deux att. avec joi “joie”. Pour l’emploi de il est joi a cp. la rem. sous → joie et v. → il, I 70,40. Pour ne…joi, allégué par Dubois, v. → joi2.
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(joi ca. 1160 ThebesR 8882; 10198; BenTroieC 13640; 14122; 15870; etc.; ; BenDucF 13108; 14799; 15870; etc.; ; SGregA1S 226; NatndBNfr818R 40; SJeanDamK 521; SCathAumN 126; 463; 944; etc.; ; JoufrF 1384; ThéophB 466,9; 468,11; 470,22; EstormiMé 139; CoincyI19K 285 var. ms. 2em. 13es.; MirNDBNfr818K XXXI 45; XXXI 49; XXXII 54; etc.; XXXIII 61; EructavitJ 558var.; 1929var.; 2065var.(3); etc.etc.[BaudSebC 17387], joy MirourEdmbW 7,12, çoi AttilaPrB II 42)
  • “émotion agréable ressentie par toute la conscience au moment d’une profonde satisfaction, joie” (ca. 1160ca. 1365, ThebesR 8882 [li Grejois… La nuit reposerent un poi, Mes a plusors d’eus ne fu joi, Car sempres les estut lever Quant il virent l’aube crever, cf. la rem. ci-dessus]; 10198; BenTroieC 13640; 14122; 15870; etc.; ; BenDucF 13108; 14799; 17476; etc.; ; SGregA1S 226 [Quant la dame se sent enceinte… Et tant en fu sis cors pencis Qu’onques n’i ot ne joi ne ris, ms. tour.; éd. ‘crit.’ n’i ot joi ne ris(4)]; NatndBNfr818R 40; SJeanDamK 521; SCathAumN 126(5) [Nos lo savem si piu e bon Qu’el vos faroit de joi perdon]; 463; 944; etc.; ; MirourEdmbW 7,12; JoufrF 1384; ThéophB 468,11; 470,22; EstormiMé 139(6); CoincyI19K 285 var.; etc.etc.(7); [BaudSebC 17387], TL 4,1712; FEW 4,81b)
  • joi lié à une cause particulière” (+ adj.poss.)⁠ (ca. 1170, BenTroieC 16428 [Fiz… Toz li miens jois est or feniz: Perdue ai ma defension N’aveie amor se a tei non]; 17739; 27123)
  • ⁠t. de religion chrét. “état de félicité parfaite qui existe au ciel et au paradis et qui est donnée par Dieu” (2em. 13es., MirNDBNfr818K XXXIII 61 [l’arme s’en va Querre lo joi en Paradis, Que la virge li ot promis])
  • joi durable “id.”⁠ (2em. 13es., MirNDBNfr818K XXXII 54 [Por Deu… nos derions efforcier De celle dame saluer Tant que elle par sa grant douçor Nos doint joi durable sen plor. Amen])
  • joi désigne par métonymie, un événement dans la vie de la Sainte Vierge qui témoigne de sa sainteté et qui est la source de son bonheur(8) (2em. 13es., MirNDBNfr818K XXXIII 24 [En ceste antiphene en l’yglise Les cinc jois sont només la virge])
  • faire joi a qn “ressentir et manifester de la joie à l’égard de qn” (13es., ThéophB 466,9 [Je te menrai a mon seignor Qui te fera joi et honor])
(1) Une étude des sens d’occ, joi dans la littérature des troubadours se trouve chez F. Settegast, Joi in der Sprache der Troubadours, Sitzungsberichte der Königl. Sächs. Gesellschaft der Wissenschaften, 14 (1889) 99-153.
(2) Naudeau RLiR 58,449 cite aussi AlexVenL 979: renvoi err., à vérifier.
(3) Les att., ms. fin 13es., sont bisyllabiques (var. de joie).
(4) Cp. ne ris ne jeu et sim. sous → jeu, J 328,37ss. (avec note).
(5) SCathAumN 126 et 1216 sont enregistrés par TL 4,1713,13 sous de joi “avec joie”; v. aussi Naudeau R 115,355s. Nous ne distingons pas cet emploi de joi du sens principal; cp. de joie sous → joie; v. → de.
(6) V. le contexte sous conjoi m., → joïr. EstormiN p. 315s. donne une longue note pour justifier la conjecture joins ⟨: conjoins⟩ qui, pourtant, ne convainc pas.
(7) Jois, JuiseR 48, est à ranger sous → jor, la leçon du ms. jors étant corrigée par l’éditeur.
(8) Cp. joie (Nostre Dame) avec n13 dans → joie.