DEAFplus
article imprimé Add. & Corr.
rédaction: Sabine Tittel
joie f.
[ÉtymologieDu lt. GAUDIA, pl. de gaudium n. “émotion agréable ressentie par toute la conscience au moment d’une profonde satisfaction”; “ce qui est la cause de cette émotion”; etc. (ThesLL 62,1711); pour le mlt., cf. LathamDict 1,1055a. Pour le développement phonét., v. Pope § 300; 673; Geisler ZfSL 96,73. C’est le singulier, lt. gaudium, qui vit dans une grande partie de la Romania, v. → joi1. Sont à considérer comme emprunts au fr. joie: it. gioia f. “joie” (dep. 2em. 13es., Battaglia 6,810a), occ. joia f. “id.” (ca. 1230, SCathAumN 1635; “chose précieuse qu’on offre à qn pour lui faire plaisir” 13es., Lv 4,261a [déf. “joyau”]) et cat. joia f. “id.” (av. 1336, AlcM 6,762a). Esp. joya f. n’emprunte fr. joie qu’au sens de “chose précieuse qu’on offre à qn pour lui faire plaisir”, v. la rem. et le sens 2o ci-dessous (dep. 2em. 13es., Corom2 3,530a), de même port. joia f. (Morais10 6,79a; Corom2 et Morais10 définissent “joyau”). Cf. FEW 4,82a pour d’autres langues et dialectes romans. Fr. joie est emprunté aussi par mnéerl. joye “joie” (ca. 1350, VerVEr 3,1052), mha. schoie “id.” (13es., Lexer 2,766) et mangl. joie “id.”, aussi joi “id.” (angl. joy, dep. ca. 1230, MED 5,388b).
Rem.: Le plus souvent joie est fém., mais on trouve une vingtaine d’att. au masc. qui sont traitées ici comme dérivés, v. ci-dessous. –- Il n’est pas possible de distinguer joie au sens de “émotion agréable due au plaisirs charnels” de joie au sens premier bien qu’on trouve quelques att. dont les contextes suggèrent cette distinction, v. CligesG 3122; 3188; 6614 / 6616 [Quant l’emperere ot ramentoivre La poison qui li plot a boivre… sot et aparçut C’onques de sa fame n’avoit Eü joie, bien le savoit, Se il ne li avint par songe; Mes ce fu joie de mançonge]; AimonFlH 2575; 2578; PercH 5836 / 5837 [les trova antrebeisant Et mout grant joie antrefeisant. Et des que il vit cele joie, Ne pot tenir sa boche coie]; etc. –- TL 4,1720 enregistre l’emploi a joie “avec joie”. Cet emploi est bien attesté depuis RolS 3682; 3944; nous le rangeons sous le sens premier de joie; pour a, cf. TL 1,11 et v. → A. –- Doner joie a aucun PartonG 3843var., relevé par TL 4,1720,3 qui définit “jem. Glück wünschen (?)”, ne nous semble pas lexicalisé; l’att. de joie est ici rangée sous notre sens premier. Joie d’amor, relevé par TL 4,1717, se trouve de même sous notre sens premier. –- FEW 4,81a relève mener joie en définissant “être en liesse, dans une occasion solenelle”. Cet emploi, attesté dès 2eq. 12es. WaceConcA 450, est traité sous → mener “manifester (un sentiment)”, v. aussi FEW 62,101b. Demener joie, attesté dès ca. 1160 EneasS1 907, FEW 4,81b “id.”, est traité sous → demener “manifester (un sentiment)”, v. aussi FEW 62,105a avec note. –- Pour entredemener joie, PercH 5836 var. ms. déb. 14es., v. → entredemener; pour falir a joie / joie faillie, RomPast I 41,38, RouH III 6678, HerbCandS 4036, v. → falir. –- AND 369a enregistre estre joie a “to be pleasurable to”, HLancA1213,3. Cet emploi ne nous semble pas lexicalisé; cf. déjà → il , I 70,40. –- Régnier, dans MélLecoy 513s., rassemble des att. de joie dans les syntagmes voler / oiseler de joie, p.ex. ErecR 6410s. Il n’y a pas de lexicalisation: ces att. de joie sont rangées sous notre sens premier. –- Cf. conjoie sous → joïr. Cf. → monjoie. Cf. → Portejoie. Cp. enjoieler 2o sous → jeu. –- L’att, de de joie, BenTroieC 357, citée par TL 4,1720,12 qui définit “mit Freuden, herzlich gern”, présente un des cas où il est nécessaire de comprendre de larges parties du texte pour s’assurer du sens de l’att. en question. De joie se trouve dans le prologue qui est le résumé du poème. Le sens y semble peu clair: Puis dirai… Com Thoas fu quites de joie Por Antenor le vieil de Troie. Dans le texte même, il s’agit de l’échange de deux prisonniers, c.-à.-d. d’Anténor de Troie et de Thoas, un grec: A parlement vindrent un jor Li rei, li prince… Prianz i fu… Agamennon… E li haut home des Grezeis… I sont venu de l’autre part… onc requeste que fust faite Ne pot le jor estre a chief traite, Fors d’Antenor e de Thoas: Cil furent quite en es le pas. Por l’un a l’om l’autre quité : Grant joie en font en la cité. E de Thoas en l’ost Grezeis, BenTroieC 13065-13085. Le sens de la loc. verb. faire joie de, BenTroieC 13084, et le contexte plus large du texte expliquent le sens qu’a de joie dans le prologue. La déf. du TL est donc à corr. Cf. infra les loc. faire joie de et de joie. –- Le sens 2o de joie “chose précieuse qu’on offre à qn pour lui faire plaisir”, v. ci-dessous, semble être le résultat d’un transfert sémantique du sens abstrait “émotion agréable…” à un sens concret “ce qui est la cause de cette émotion”, puis à “chose précieuse qu’on offre…”. Le sens de “bijou” que donnent les dictionnaires nous semble trop étroit (nous donnons chaque contexte, v. ci-dessous). Cp. mlt. gaudium “‘gaud’ or ‘marker’, ‘large bead in rosary’, LathamDict 1,1055a et aocc. joia “présent, cadeau, joyau, joujou”, ca. 1290, Rn 3,445a; Lv 4,261a; FEW 4,81a. Un rapport éventuel avec joiel 1o (→ Jeu DEAF J 346,43) serait à élucider. –- Comme un des éléments de l’ensemble des valeurs morales qui ont leur origine dans l’amour courtois (à côté de la courtoisie, la noble conduite, etc.), joie occupe une place centrale dans le vocabulaire affectif de la poésie lyrique, v. M. B. Spampinato MedRom 4 (1977) 326-340; M. Lazar, Amour courtois et fin amors dans la littérature du XIIIe siècle, Paris 1964, p. 103; 106-107. Pour le lien entre l’onor et la joie, v. Burgess p. 87 (qui traite le Roman de Troie et Yvain). Une étude sémantique et stylistique du réseau lexical joiedolor a été faite par LavisJoie.
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(joie RolS 1627; 3682; 3944; LapidALS 633; LapidAPS 93; GrantMalS2 83; 91 (bis); WaceConcA 435; 459; 461; etc.; 454; WaceNicR 930; 1075; 1080; etc.; ; CharroiPo 1154; 1475; 1486; CourLouisLe 57; 1165; 1166; AlexisSH 273; BrutA 1058; 1080; 10405; EneasS1 264; 907; 7961; etc.etc.BenTroieC 3343, joye ProvRawlC2S 300; Bueve2S 44var.; CoincyII9K 878; 3359; FolLancB 1,248; 1,327; 3,229; etc.; 9,843; MirourEdmBW 1,6; 1,8; 7,23; GlBNhébr302L Gn 21,6; Neuf joies Nostre Dame Dean 762 ms. 13es. / 14es.; AssJérJIbB 249 (= éd. E 560,13var.); JugAmBlO 432; Joies Nostres Dame Dean 770 ms. déb. 14es.; DébCorpsArrL 44; 72 (bis); 272; etc.; ; etc.etc.[EvQuenJe 1108], joaye GuillSAndréJehC 2392; 3067; 3071; etc., jeoye MirAgn2K 18,36, jöe EstFougK 9; TristBérG 1544; BibleMorWH 41 D (bis); d; 62 D; d (bis); etc.; YderG 6113; ModvB2 4123; MirourEdmAW 7,11; GlBNhébr301Ko 65ro; MirAgn2K 13,184; PovreMercN 78; Les tresces NoomenFabl no 69,2 D 272; etc.etc.EstFougK 992, yoe GlBodl1466N 14, joue AlexParA II 2875var., ⁠pic. wall. norm. agn. goie fin 11es. Alexiss2 Prol.; 503; 623; BendanW 691; 1644; 1773; GaimarB 4588; CommPsIA2G2 41,134; 41,139; SGillesP 1965; RenM X 149; RCambrM 517; 2069; 2114; etc.; ; ElucidaireIIID I 178 D; I 178 M; III 118 M (4 att.); RobClariD XII 25; XIII 25; XIII 35; XIII 40; etc.; XX 5; MoniotArrD XXXIV 1; XXXV 1; XXXV 37; etc.etc.Alexiss2 623, ⁠pic. goye GilMuisK 2,199,16, ghoie GilMuisK 1,331,8, goue AlexParA II 2875var., ⁠wall. gois JPreisLiègeB 37262, ⁠francoit. çoie GuiNantvProlC 865; 917)
  • 1o“émotion agréable ressentie par toute la conscience au moment d’une profonde satisfaction, joie” (dep. fin 11es., Alexiss2 623; RolS 1627; 3682; 3944; BendanW 691; 1644; 1773; LapidALS 633 [Qui ceste pere (cymbra) portera, Ne ja freidur ne li prendra Ne ire ne mal n’en avra; E toz jurs joie od sei avra Qui ceste pere portera]; LapidAPS 93; GrantMalS2 83; 91 (bis); WaceConcA 435; 454; 907; etc.; ; CourLouisLe 1165; BrutA 1080; 10405; EneasS1 264; 7961; etc.etc.; Alexiss2 623; ChGuillM 2150; etc.etc.Alexiss2 623, TL 4,1716; Gdf 4,647a; 10,46b [“plaisir de l’âme”]; AND 369a; FEW 4,80b(1))
  • id., comme surnom⁠ (12291335, NecrArrB 1229,3,29; ChansArtB 16,172 [Jakes Joie]; NecrArrB 1262,1,1; CensHerchiesM 195,13 [Wautier de le Joie]; NecrArrB 1270,2,15; 1239,1,15; etc.)
  • “la joie considérée dans sa manifestation, dans ses expressions (souvent collectives)” (dep. ca. 1180, PercH 2579 [la sale ne rest mie quoie, Ençois i a mout joie et bruit]; 5837 [il vit cele joie]; TristBérG 1545; RobDiableL 2175; EscoufleM 8507; BueveAgnS 260 [(l’enfant) oï en le paleis… Graunt joie e grant dedut e noise e grant feste. Lui enfes se merveile, ke ceo poeit estre]; HerbCandS 3585; 4387; ChGuillI 2250; Bueve2S 1042 (= Bueve3S 974); DurmG 2013; FolLancB 9,843; etc.etc.PercH 2579 [la sale ne rest mie quoie, Ençois i a mout joie et bruit], TL 4,1719 [“Festesfreude, freudiges Treiben”: à corr.(2)]; Gdf 4,647a [“divertissement populaire”: à corr.]; FEW 4,81a [“fête populaire”: à corr.])
  • “la joie liée à une cause particulière”, par méton., “ce qui est la cause de cette joie (souvent + pron.poss.)⁠ (dep. 2eq. 12es.(3), WaceConcA 459 [Uten, tais tei, fui tei d’ici. Se mais m’en faiseies parole Tenir t’en porreies por fole. O est ma joie, o est mis sire ?]; MarieGuigW3 835; CligesG 2345; 2346; 2353; etc.; ; EstFougK 992; RenR 7483; TristThomB 1341; 1365; 2225; etc.; ; FloovA 1407; FolTristOxfH 18; GaceBruléD IV 24; XLVI 13; RobDiableL 2198; etc.etc.WaceConcA 459 [Uten, tais tei, fui tei d’ici. Se mais m’en faiseies parole Tenir t’en porreies por fole. O est ma joie, o est mis sire ?], TL 4,1718 [méton. “Gegenstand der Liebe, Geliebte”]; TLF 10,721a)
  • joie (de la cort) t. technique de la littérature courtoise “la joie régnant à la cour d’Evrain (perdue, puis rétablie après un exploit chevaleresque), considérée aussi dans sa manifestation, dans ses expressions (souvent collectives) ”(4) (ca. 1170, ErecR 5417 [L’aventure… La joie de la cort a non]; 5418; 5425 [(Erec parle) Rien ne me porroit retenir Que je n’aille querre la joie]; etc.; ; 5660 [Ceste joie, Dex la maudie, Que tant preudome i sont ocis]; etc., TL 4,1718)
  • joie t. de religion chrét. “état de félicité parfaite qui existe au ciel et au paradis et qui est donnée par Dieu”(5) (dep. ca. 1170, BenTroieC 3343 [(formule d’invocation) Si me doint Deus honor et joie]; AlexisSH 273 [li peciere vit Et tient le bien dont li cors doit garir, Il en doit bien pour s’ame departir: A la grant joie qui est en paradis, La est la vie qui ja ne prendra fin]; GautArrIllC 4485 [invoc.]; 5658 [invoc.]; LancR 1717; 2484; 2791; etc.; ; YvainF 212 [invoc.]; 5801 [id.]; EdConfVatS 42; 67; 85 [Joie aient angle, pais ait terre]; 89; PercH 618 [invoc.]; 4397 [id.]; 4587 [id.]; etc.; ; AimonFlH 9246; ContPerc2ER 32213 [invoc.]; ElucidaireIIID I 178 D; I 178 M; III 118 M (4 att.); etc.; ; GuillDoleL 982 [invoc.]; 4410 [id.]; FolTristBernH2 88; 90; 297; etc.etc.BenTroieC 3343 [(formule d’invocation) Si me doint Deus honor et joie], Trév 1753 4,1514; LarXX 9,1002d; TLF 10,720b; FEW 4,81ahonneur et joie “formule de salutation entre paysans” Fur 1690-Trév 1771»(6)])
  • joie du ciel / des cieus “id.”⁠ (fin 11es.; 2eq. 13es.1418; dep. 1753, Alexiss2 Prol. [Icesta istorie est amiable grace… a cascun memorie spiritel, les quels vivent purement sulunc castethet, e dignement sei delitent es goies del ciel ed es noces virginels]; ContPerc4TW 6817; MirourEdmAW 7,22; MirourEdmBW 7,23; BeaumJBlS p. 300,3,2; Pères64B 398 [ma poine seroit perdue Et la joie des ciex tolue]; Desputeison de l’ame et du corps ZrP 4,80,64 [ms. déb. 14es.(7)]; PassBonnesF 2482 (TM); [ChrPisPrisK p. 43, titre], Gdf 10,46c [«au plur., jouissances»]; Trév 1753; LarXX 9,1002d; TLF 10,720b)
  • joie de paradis / de la bieneürté de paradis “id.”⁠ (déb. 13es.av. 1456; 19es., Perl1N 1569 [formule d’invocation]; PassJonglGP 2406; Pères10C 315 [Bons est li pechiez et la peinne Qi son mestre a sauveté meinne; De cest fet a bon chief vendroiz Si q’an Deu vostre arme en rendroiz En la joie de paradis]; PelVieS 13539; GilMuisK 2,199,16; [PelAmesS 8813; MirNDPers21P 553; DenFoulB4 III 8,56 [la vraye loial ame, a qui les joies de la beneürté de paradis sont aucunement differees]; ChrPisVertW 21,37; 23,26; 187,117; ChrPisPrisK 1088; JSaintréE 125 [la perdurable joye de paradiz, TM]], LarXX 9,1002d(8))
  • joie soveraine “id.”⁠ (ca. 1275; ca. 1424, BerteH 1270 [Berte… ot molt soufert de travail et de paine; Mais Dieus, qui est donneres de joie souveraine, Li a… envoié bonne estraine]; [Alain Chartier, La complainte 10(9)], TLF 10,721a)
  • joie esperital “id.”⁠ (13es.; 2em. 13es., SaisnLB 5174 [Dex assist les suens an joie esperitax, TM]; PenitAdam1Q I 10 [Eve, Eve… Coment as tu esté derecief deceüe de nostre adversaire par coi nous fumes geté de paradis et de la grant joie esperital que nous soliemes avoir])
  • haute joie “id.”⁠ (ca. 1220; ca. 1355, LancPrK 92,30 [Et por ce vient miauz au preudome soffrir ses ires et ses dolors… que faire desleiauté ne felenie par quoi il perde l’amor de cestui siegle por quoi tote proesce se travaille, et l’autre qui ja ne prandra fin, la haute joie]; [PelAmeS 4352 (TM)])
  • joie sans fin(10) “id.”⁠ (1ert. 13es.fin 15es., GuillJoiesRi 988; FauvainL 257 [(c’est Dieu qui parle) Loiaultés, bien soiez venue! Bonne vie avez maintenue, Si le vous voil gueredoner: Joie et glorie aiez sanz finer. Et tout cil qui vous ensivront… Avront ensi joie sanz fin]; MirNDPers8P 1069; [HLancA1 213,4; MolinetSQuentC 2013; 3167; MolinetFaictzD 2,481])
  • joie parmanable “id.”⁠ (mil. 13es.1358, ChansArtB 4,95; Pères43B 53 [Einsi com li saint pere firent Qui leur richeces deguerpirent Et perdirent leur cors sor terre Por paradis avour et querre: Or ont la parmenable joie]; SElisRobJ 281; JCondS II 4,187; II 4,195; [HugCapL 5728], TL 7,299 [parmanable]; Gdf 5,777b [parmenable])
  • joie pardurable “id.”⁠ (4eq. 12es.15es. (?), TristBérG 2276; AmYdR 5203; AndréCoutP 1146 [Lors ert Adan et seinz et sauz, Mar avra dote que nus maus Li puisse puis estre nuisable, Ainz avra joie pardurable Et es cieux o Dieu regnera]; BalJosChardK 145; TristPrG 24,10; [PelAmeS 9027; DenFoulB4 II 11,15; ]DeschQ 9,236,7272; [RézeauIncip R 248 (ms. 15es. ?(11))(12)], TL 7,225,25 [pardurable]; Gdf 5,756b [id.] )
  • joie qui tous jours dure / duerra “id.”⁠ (déb. 13es.; 1276, BalJosChardK 149; EnfOgH 4463 [Cil dieus… qui tout le mont forma Li doinst la joie qui tous jours duerra !], LebsanftGruß p. 41)
  • joie (Nostre Dame) désigne, par métonymie, un évènement dans la vie de la Sainte Vierge qui témoigne de sa sainteté et qui est la source de son bonheur(13) (ca. 12401496 (?)(14), MirAgn2K 11,81 [Le salu la mere Jhesu Crist… A la dame merci crier Ke par cele premere joie Dunt le angele salua la coie… La nus doint servir a sun talent, Ke quite seum de dampnement]; 18,12; 18,69; 52,36; Neuf joies Nostre Dame Dean 762 ms. 13es. / 14es.; RutebF 49,165 [de tes joies, Dame chiere… Li saluz, ce fu la premiere]; 49,179 [La seconde fu de tes joies Quant par Elysabeth seüs Que le fil Dieu enfanteroies; La tierce quant enfant eüs: Sanz pechié conceü l’avoies Et sanz dolor de lui geüs, RutebZ 2,472ss. assez différent]; 49,190; 49,208; CoincyII39K 8 var. ms. 2em. 13es.; Cinq joies Nostre Dame R 35,574 ms. fin 13es. (cf. Dean 750); 15,307,13; 15,307,29; 15,307,35; etc. (cf. Dean 747s.); Joies Nostres Dame Dean 770 ms. déb. 14es.; Trois joies de Nostre Dame Dean 742 ms. 1330-1340; Quinze joies Nostre Dame Dean 765 ms. 1em. 14es.; Neuf joies Nostre Dame Dean 763 ms. mil. 14es.; etc.etc.(15); [HLancA1 212,3; 212,8; 212,12; etc.; ; MirNDPersP 18,920], TL 4,1718(16))
  • (quinze) joie(s de mariage) par ironie “malheur d’un homme pendant son mariage que celui-ci prend pour sa joie”(17) (ca. 1400, QJoyesR prol. 119 [celles .XV. joies de mariage sont a mon avis les plus grans tourmens, douleurs, tristesse et maleurtez qui soient en terre]; prol. 136; prol. 140; etc., TL 4,1718(18))
  • feme de joie “femme qui se livre à la prostitution, prostituée” (1316; 1em. 14es.; 16601700, MaillartR 2055 [Lez avoie cha fet venir Herbergier, qu’a leur maintenir Ne semblent pas fames de joie, Ainz ont menniere douce et coie Et n’ont cure d’omme acoster]; JubNRec 1,317,11, TL 4,1717; FEW 4,81a(19))
  • fille de joie “id.”⁠ (1389; dep. 1549, doc.1389 DC [fille de joye de bordel de nostre ville de Thoulouse DC], DC 1,17b [abbas]; Trév 1753 3,1587; Li 12,1677a; TLF 10,719b; FEW 4,81a)
  • joie de / des bras “action de prendre et de serrer (qn) entre ses bras, embrassade” (ca. 1250ca. 1305, ChansArtB 16,96; 16,171 [Li feste i fu grans et pleniere; Gens i eut de mainte maniere… Mais li chevalier en lour mains Tenoient grans bastons et lons Dont il froient sour les crepons… Les vilains… La n’orent il pas de bras joie Jakes li Noirs et Jakes Joie]; NicBozCharV 261 [de dames quant viegnent a festes… Des braz font la joie quant entrent la chambre], TL 4,1717; AND 369a(20))
  • male joie “sentiment contraire à la joie” [oxymoron]⁠ (4eq. 12es.3eq. 15es., RenR 788; ChevBarAnL 251 [Ore ens ! fait il. A male joie Fust hui emprise ceste voie ! Mal me levaise je si main !]; TyoletT 260; [MirNDPers29P 1519; JSaintréM p. 303; EvQuenJe 1108(21) [Que male froide joye en puist on avoir]], Lac 7,109a [“malheur”])
  • faire joie loc. verb. tr. emploi abs. “ressentir et manifester la sensation de la joie” (2eq. 12es.av. 1456, WaceConcA 461; WaceNicR 930 [Quant le pere son fiz conut Et la mere, vers lui alerent, Grant joie firent, Deu loërent]; 1075; 1080; etc.; ; CharroiPo 1154; BrutA 1058; FloreAK 126; 256; 2004; etc.; ; BenTroieC 12409; 13021; 29151; ErecR 681; 2316; 6117; etc.; ; AdamS 937; SGregA1S 1626 (= SGregA2S 1552); CligesG 283; 3704; 6190; etc.; ; etc.etc.; WaceNicR; [GaceBuigneB 5768; JSaintréM p. 166 (TM)])
  • id., emploi pron. à valeur récipr. “ressentir et manifester de la joie l’un à l’autre” (ca. 1230; ca. 1238, TristPrMé 14,61 [Lors ostent lor hiaumes, sans autre delaiement faire, et se courent entracoler et conjoiir et se font joie merveilleuse]; TristPrH 49,8; 119,17; FolLancB 1,327 [Quant Hector vit Gaheriet il gicte jus son escu… Et cil refait tout autretel et s’entrebaisent plus de .c. fois et se font joye merveilleuse])
  • faire sa joie loc. verb. tr. emploi abs. “ressentir et manifester de la joie” (ca. 1176, CligesG 6331 [Au renouvelemant d’esté, Quant flors et fuelles d’arbres issent Et cil oiselet s’esjoïssent Qu’il font lor joie an lor latin])
  • faire joie de qn / qch. loc. verb. tr. + c.o.i. “ressentir et manifester de la joie à l’égard de qn / qch. ” (ca. 1139ca. 1465, GaimarB 4588 [Al rei en vint, sil saluat. Li reis [encuntre] lui levat, Baisat Walgar, lez lui l’asist, De lui [cherté e] goie fist]; BenTroieC 2113; 2811; 13084 (v. la. Rem. concernant BenTroieC 357 ci-dessus); ErecR 6300; CligesG 440; 567; 1626; etc.; ; PercH 2577; 5725; AimonFlH 634; 9276 (contexte peu clair); GuillAnglW 2510; RenR 10215; 13010; TristBérG 978; BliocadranW 284; RobClariD XX 5; LII 7; etc.etc.GaimarB 4588 [Al rei en vint, sil saluat. Li reis [encuntre] lui levat, Baisat Walgar, lez lui l’asist, De lui [cherté e] goie fist], TL 4,1719,16(22); FEW 4,81a, cp. faire esjoiance de qn sous → joïr)
  • faire joie a qn loc. verb. tr. + c.o.i. “ressentir et manifester de la joie à l’égard de qn”(23) (ca. 11602em. 14es., FloreAK 365 [v. le contexte ci-dessous]; BenTroieC 1311; 10135 [Telamon Aïaus, Bons chevaliers e bons vassaus. A Hector s’a tant combatu Qu’il se sont entreconeü. Li uns a l’autre fist grant joie: Hector l’en voust mener a Troie]; 23393; etc.; ; ErecR 1850; Aiol2F 10705; CligesG 5035; YvainF 2463; 3815; 3817; GuillAnglW 2868; PercH 5972; FolTristOxfH 910; 912; GaceBruléD XIII 9; etc.etc.; BenTroieC 1311; [JugAmS après v. 424 (p. 26) ms. 2em. 14es.], TL 4,1719(24); FEW 4,81a)
  • faire joie por qn / qch. loc. verb. tr. + c.o.i. “ressentir et manifester de la joie à l’égard de qn / de qch.” (2et. 12es.3et. 14es., CourLouisLe 1166; PercH 2580 [la sale ne rest mie quoie… Por le mangier font joie tuit Que mout l’avoient covoitié]; RenM XI 541; DébCorpsArrL 272; DeschQ 3,352,8 [Et je doy bien faire joie pour li])
  • refaire joie loc. verb. tr. emploi abs. “ressentir et manifester de nouveau de la joie” (ca. 1180, PercH 4609 [Et tote nuit grant joie font, Et l’andemain autel refirent Jusqu’au tierz jor], TL 8,550,27 [refaire])
  • refaire joie de / a qn loc. verb. tr. + c.o.i. “ressentir et manifester de nouveau de la joie à l’égard de qn” (ca. 1160ca. 1170, FloreAP 365 [Li dux Jorrans moult liez en fu, A grant joie l’a receü; Sa tante li refet grant joie; = FloreAK 365 Et s’ante li a fait grant joie]; ErecR 6303)
  • joie de loc. adv. “à la joie générale”(25) [cf. la Rem. ci-dessus]⁠ (ca. 1170, BenTroieC 357 [Com Thoas fu quites de joie Por Antenor le vieil de Troie])
  • ⁠prov. Cascune joie a doleur fine (déb. 13es.1451, AmYdR 4879; ProvL 428, DiStefLoc 454a(26))
  • ⁠prov. Aprés dol pot joie venir E aprés joie grant dolur et sim.⁠ (ca. 11503eq. 15es., WaceNicR 1294 [Enprés grant ris ad mult grant plur, Aprés grant joie, grant tristur, TM]; IpH 10442; RenR 7360 [Aprés grant joie vien grant ire Et aprés mol vant vante bise, = RenM VI 86; RenMéon 13648]; BesantR 3248 [Aprés leesce vint tristor E la joie est muee en plor]; TristPrH 60,67; JobG 708 [apriés grant joie, grans dieus, TM]; ProvM 109; 111; [ProvL 240; GesteMonglPrK p. 249], DiStefLoc 454a)
  • ⁠prov. Ceile ton doel et conte ta joie (4eq. 12es., ProvRawlC2S 250, cp. SchulzeBusProv 321)
  • ⁠prov. Il n’est plus de joie que de bien faire (fin 13es., ProvM 926(27))
  • 2o“chose précieuse qu’on offre à qn pour lui faire plaisir” [cf. la Rem. ci-dessus]⁠ (1ert. 13es.1604, GuillJoiesRi 947 [La resplendor del firmament, La propre au real vestement, L’estole, la joie, la huge Qui nus geta del grant deluge]; SCathVérB 358 /359 [Rubins, diamanz e aqais… E autres joies ai ancor Asez, e autres joies tant: Tote Alexandre ne vaut tant]; 1029; EschieleMahW 25roa 8 [Et ces chamiaux estoient trossez d’or et d’argent et de perles et de tottes maniers d’autres pierres precieuses. Et quant les anges qui ces chamiaux chivauchoient furent venu la ou estoient celx qui entendoient les contes… si destrosserent et donerent celles joies tottes de part Nostre Seignour a celx qui i erent(28)]; MPolRustB CXVI 40 (p. 111) [quant les homes ont fait a lor volunté d’eles et il se velent partir, adonc convient que done a celle femes, con cui il a jeü, aucune joie ou aucun seign, por ce qu’ele puisse monstrer quant elle se vient a marier, qu’ele a eu amant], Gdf 4,647a [“joyau, bijou”]; FEW 4,81a [“bijou”(29)])
  • ⁠t. de droit “jouissance (de biens) par usufruit” (13es.; av. 1266; 15331em. 18es., RomPast 304,58(30); AssJérJIbB 249 [je sui home de mon seignour le rei et tiens de lui tel fié que je ai par ma feme dont je li ai fait homage et li dei servise de mon cors conpaignons, selon ce qu’il en devra de servise ou franchement s’ensi est, la mee espouse feme laquel n’en a heirs preuchains…, ne mei ne ma feme n’en avons ni ne devons aveir la joye (var. et éd. E 560,13 joiete, v. infra) des biens a nostre vie], Gdf 4,647a; FEW 4,81a)
joie2 m.
[ÉtymologieUne vingtaine d’att. de joie sont au masculin(31) ce qui témoigne vraisemblablement d’un rapprochement de lt. gaudium et de joi m., lui-même issu de gaudium, v. → joi1.]
  • “émotion agréable ressentie par toute la conscience au moment d’une profonde satisfaction, joie” (ca. 11701em. 14es., ErecR 6576 [Enyde… son pere et sa mere voit, Que molt lonc tans passé avoit Que ele nes avoit veüz. Molt l’an est granz joies creüz]; BenDucF 34269; CligesG 6594; EructavitJ 558; 1334; 1772; etc.(32); GuillAnglW 1133; EvratGenbG 29; FolTristOxfH 921 [Isolt le tint a grant merveille. Huntuse fu, devint vermaille De ço k’i li fist sil joï (leçon du ms. agn. ki li fist le joie) Tant tost cum il sa voiz oï(33)]; BenTroieC 16428 var. ms. déb. 13es.; 17739 var. ms. déb. 13es.; HerbCandS 1090; Perl1N 3572; TrouvBelg2 I 1,3; I 7,35; I 14,23; etc.; ; BenTroieC 22987 var. ms. mil. 13es.; etc.etc.ErecR 6576 [Enyde… son pere et sa mere voit, Que molt lonc tans passé avoit Que ele nes avoit veüz. Molt l’an est granz joies creüz], TL 4,1717; Gdf 4,647a)
  • “cette émotion considérée dans sa manifestation, dans ses expressions (souvent collectives) ” (déb. 13es.déb13es., HerbCandS 4387 [Parmi la sale vont tel mil chevalier… Se Dex n’en pense qui tot puet jostisier, Pres de cest joie avront grant destorbier], TL 4,1718,10)
  • “cette émotion liée à une cause particulière” (+ pron.poss.)⁠ (fin 12es.déb. 13es., AntiocheD 6907 [Bels fils, ce dist la mere, mes cuers en est maris, Bien sai qu’en la bataille ne serés pas ocis, Mais ains que li ans past ert vos joies fenis]; HerbCandS 4036; 8508; 8958, TL 4,1718,6ss.)
  • faire joie de qn / qch. loc. verb. tr. + c.o.i. “ressentir et manifester de la joie à l’égard de qn / de qch.” (2em. 13es., GirRossPrM 21 [La quele, quant Girarz li amena et ele la conut, il plorerent ensemble a la foiée… et fu anqui faiz mervoilloux joies de ce que il se veoient], TL 4,1717,46)
  • faire joie a qn loc. verb. tr. + c.o.i. “ressentir et manifester de la joie à l’égard de qn” (mil. 13es., JoufrF 3804 [li cuens veoir la (la reïne) voit. Tant a erré a grant esplait Qu’il est a Bevreulé venuz. Ja mais n’iert teus joies veüz Com la reïne au conte fit], TL 4,1718,3)
joios adj.
[ÉtymologieCp. mangl. joious adj. “joyeux”, MED 5,405b, emprunté à l’afr. joios.]
(joios WaceConcA 553; ProvSalSanI 1890; 2890; AlexissH 1222; EneasS1 1533; BenTroieC 3271; 5469; 11892; 29470; RouH 6329; BenDucF 509; 598; 1427; etc.; 3589; RolCF 18,7; BalJosAnS 7069; MortAymC 338; 429; etc.etc.; WaceConcA 553; RenMontLC 14127 [f.sg. joiosse]; etc.etc.WaceConcA 553, ⁠agn. joius RolS 2501; 2508; 2989; LapidAlS 1096; PhThCompS 557; BrutA 3709; MarieBisclW3 30; MarieGuigW3 641; 866; EdConfVatS 900; 911; 1052; 2565; HornP 238; SThomGuernW1 5737; PelCharlK 858; etc.etc.EdConfVatS 720, ⁠pic. joiius AliscW 469 [f.sg. -use], ⁠s.l. joious ChronSMichelB 1813; RouH II 1050 [-oux]; FierL 5023; 5080; 5817; etc.; ; CoucyChansL XIX 39; MainetP III 134; III 148; GuiotProvinsO 4,7; Perl1N 8891; 8895 [-ox]; GilChinP 821; 823; HAndC 91,12; MaugisV 2199; etc.etc.ChronSMichelB 1813 [f.sg. -use], joieus CourLouisLe 1049; 2477; 2551; etc.; 2580; FloreAK 2545; PhilomB 674; YvainF 3558; PercH 8298; AliscW 5959; CoucyChansL VI 6 [-euz]; XXVI 34; FloovB 911; 962; 1056; etc.; ; EnfVivJ 1808; SGenB 251; 414; 1028; etc.; ; GirVianeE 5760 [f.sg. joieusse]; NarbS 3171 [f.sg. joiexse]; 6263 [id.]; 6338 [id.]; etc.; ; etc.etc.; CourLouisLe 1049; DolopB 300 [-ex]; CoincyII10N 975 [-euz]; etc.etc.; CourLouisLe 1049; BraiCordO 181 var. ms. 4eq. 13es. [eux]; etc.etc.CourLouisLe 1049, joyeux ChevPapH 70,22; 89,22 [-euse f.]; [DenFoulB4 Prol. P 16 [-euse f.]; GaceBuigneB 4742; MPolGregM 77,28 var. ms. fin 14es.; BartschChrest 94,7 (Martial de Paris) [-euse f.]], joyeulx ChevPapH 28,19; [MPolGregM 77,28 var. ms. fin 14es.-déb. 16es.], jouious RomPast 2,31,10 [-ouz], joyous NicBozMargK 291, joeus NarbS 6954 [f.sg. joexse]; GalienD 3334 [f.sg. -euse], ⁠lorr. frcomt. Est joous FloovB 803; SaisnMich 189,9; 259,5; YsLyonF 2902; BretTournD 4372; DolopL 314 ms. 3eq. 13es., ⁠lorr. joos DialAmeB 281,8; SaisnMich 197,18, ⁠agn. joüs RolS 2803, ⁠s.l. jaous JDupinMelL 3209 var. ms. 14es., ⁠agn. joyus AmDieuK 334, juieus SAudreeS 2304, ⁠s.l. jueus RestorD II 671, ⁠agn. goios ProvSalSanI 4929, ⁠norm. goius fin 11es. AlexisS2 458, ⁠pic. goieus HaginL 22d; AdHaleChansM 20,2, ⁠francoit. çoious PrisePampM 4746 [f.sg. çoiouse], zoious PrisePampM 4747 [f.sg. zoiuse])
  • “qui éprouve de la joie” [→ joie 1o]⁠ (dep. fin 11es., AlexisS2 458; RolS 2803; LapidAlS 1096 [(de galatides) Ne ja enfant ne megrira Qui a son col la portera, Ne ja poür ne li prendra, Liez et joius tut tens sera]; PhThCompS 557; WaceConcA 553; ProvSalSanI 1890; 4929; AlexissH 1222; BrutA 3709; EneasS1 1533; FloreAK 2545; etc.etc.AlexisS2 458, TL 4,1738; GdfC 10,47c; AND 369b; Lac 7,109b(34); FEW 4,81)
  • ⁠id., dit du cœur⁠ (ca. 1170; 1266, BenTroieC 29470 [Ne tornez pas la joie en plor, Que j’ai de vos, ne en dolor. Pardonez lui, il pardoint vos: Ensi sera mis cuers joios]; VMortAnW 165,6)
  • ⁠id., dans une comparaison joios come oisel(35) (ca. 1174, BenDucF 3589 [com oisel sunt joios, Encontre le dous tens ploios])
  • “qui est détendu, épanoui (dit du corps)” (1365, AmphYpL2 162vob [la rate est ung membre… deputé a mondefier et puriffier le sang… et quant il fait son office, le corps est sain et joieux])
  • ⁠adj.subst. “celui qui éprouve de la joie” (ca. 1170ca. 1170, EdConfVatS 720 [Edward… Vers Engleterre est repairez De tuz biens feire acuragez. A grant joie et a grant honur Le receivent come seignur, A grant honur l’unt coruné… Ki dunc veïst gent esbaudie, Joie des joius esjoïe ! Ire s’en vait et pais revient])
  • ⁠adj. “qui apporte de la joie”(36) (dep. mil. 12es., ProvSalSanI 2890 [A totes genz religïoses Sunt les paroles Deu joioses]; YvainF 3558; DialAmeB 281,8 [O tu, morz… Cum es joose as dolanz et as ploranz]; RoiFloreJ0 XXIII 36 [nouvielles… joieuses]; CoincyII39K 8 ms. 2em. 13es. [En soupirant te (Nostre Dame) pri.. Que me daingnes escouter et que m’oroison oies, Qui recorde et recite tes cinc tres joianz (var. joieuses) joies(37)]; YsLyonF 2902; JobB 2769; [DenFoulB4 I 6,23; II 2,28 [Le soleil… envoie ses rais… et se il les giecte joieux et clers entierement]; DeschQ 3,43,8], TL 4,1739 [“fröhlich, froh, nicht von Personen”]; GdfC 10,47c; Frantext)
  • “qui est caractérisé par la joie” (dep. ca. 1215, BalJosCamA 888 [por mener joieuse vie Et por estre en grignor delit Vous ai jou cest palais eslit]; BretTournD 4372, TL 4,1739 [“fröhlich, froh, nicht von Personen”]; GdfC 10,47c [vie joiose “vie de plaisirs”]; Frantext)
  • ⁠t. de religion chrét. “qui est plein de félicité parfaite qui existe au ciel et au paradis et qui est donné par Dieu” [cp. sub → joie 1o]⁠ (ca. 1227, CoincyII10N 975 [Quant la fame va mal d’enfant, Ele a angoisse et doleur grant; Mais maintenant qu’a enfanté Ele a de joie tel plenté… Quant vos ames blanches… De vos nes cors departiront… Adonc arez bien enfanté, Lors arez joie a tel plenté Es joieuz ciex lassus amont De quanqu’arez soufert au mont Ne vos sera ne tant ne quant])
  • ⁠adj.subst.f., nom propre désignant l’épée de Charlemagne(38) (dep. ca. 1100, RolS 2501 / 2508 [Li emperere… ad vestut sun blanc osberc sasfret, Laciet sun elme, ki est a or gemmet, Ceinte Joiuse (unches ne fut sa per), Ki cascun jur müet .xxx. clartez. Asez savum de la lance parler, Dunt Nostre Sire fut en la cruiz nasfret: Carles en ad la mure, mercit Deu, En l’oret punt l’ad faite manuvrer; Pur ceste honur e pur ceste bontet, Li nums Joiuse l’espee fut dunet]; 2989; CourLouisLe 1049; 2477; 2551; 2580; AliscW 469; 5959; FierL 5023; 5080; 5817; etc.; ; FloovB 803; 911; 962; etc.; 1056; MainetP III 134; III 148; EnfVivJ 1808; GirVianeE 5760; BatLoqArsR 1111var.; 2808; etc.; ; BatLoqVulgB2 2842; etc.; ; etc.etc.; RolS 2501; NarbS 3171; 6263; 6338; etc.; 6954; OgDanE 1750; 5149; 6193; 12154; etc.etc.RolS 2508, TL 4,1740; Gdf 4,656b; 10,47c; DC 2,676c [curtana]; Lac 7,118a; Trév 1753 4,1560; TLF 10,773a; Langlois 380; MoisanNoms 1,624)
joiosement adv.
(joiosement ChronSMichelB 2893; BenTroieC 1983; 2047; 6565; etc.; ; HornP 1728; RouH III 10031; BenDucF 4785; 7053; 10433; etc.; ; DurmG 14919, ⁠agn. joiusement 1155 BrutA 4327; EdConfVatS 1370; BenDucM 28681; ChastPerebH 328; GuillSMadS 511, joyusement NicBozMadK 65, ⁠s.l. joiousement FloreAK 1408; AimonflH 12087; RoiFloreM p. 108; ChastPerebH 328 var. ms. 1272-1282, joyousement NicBozElisK 194; NicBozSAgatheK 59, joieusement FLoreBK 2475; SGenB 124; 922; BerteH2 252; 3290; BretTournD 3317; FLoreAK 1408 var. ms. 1em. 14es., joyeusement ChevPapH 7,22, joeusement RobHoY 267, jueusement GlDouaiE1 p. 117, joiossement PartonG App. I 992, jouieussement BrunMontM 1857, jousement CantKiVotH 399)
  • “avec joie, joyeusement” [→ joie 1o]⁠ (dep. 1155, BrutA 4327 [Cassibellan… ad… tuz mandez Qu’a cele feste a Lundres viengent… Tuit i vindrent joiusement, Apparaillez festivalment]; FloreAK 1408; ChronSMichelB 2893; BenTroieC 1983; 2047; 6565; etc.; ; EdConfVatS 1370; HornP 1728; RouH III 10031; BenDucF 4785; 7053; 10433; etc.; ; FLoreBK 2475; PartonG App. I 992; etc.etc.BenDucM 28681, TL 4,1739; GdfC 10,47c; AND 369b; Frantext; FEW 4,81b)
rejoiosement m.
(⁠agn. rejoyousement 1405 LettrOxfL 334,5)
  • joie ressentie comme réaction à qch.” [→ joie 1o]⁠ (agn. 1405, LettrOxfL 334,5 [(lettre:) tres fiable amy, jeo vous salue… si prie Dieu… que en bone foie le meillour que ceo soient, le plus (adj., cp. TL 7,1221,35) rejoyousement serra a moy], AND 619b [qualifié d’adv.])
joioseté f.
(joioseté CompilEst ds MélThomasset 252 n48, joieuseté GouvRoisGauchyM 90,4; 91,12; 91,20; JMeunConsD III pr. 2,30 p. 207; 47 p. 207; pr. 7,11 p. 215; pr. 11,13 p. 225)
  • “état dans lequel on éprouve de la joie” [→ joie 1o]⁠ (dep. ca. 1287, GouvRoisGauchyM 90,4 [Ce XXXI capitre enseigne, quele chose est une vertu que l’en apele joieuseté, par quoi l’en se siet (et) avenaument avoir en jeues et en festes, et enseigne comment les rois et les princes doivent estre joieus et esbatanz selon reson]; 91,12; 91,20; JMeunConsD III pr. 2,30 p. 207; 47 p. 207 [toutez ces chosez… aportent joieuseté au courage des hommes]; pr. 7,11 p. 215; pr. 11,13 p. 225; CompilEst fo 33rob ds MélThomasset 252 n48; [GrebanP 12075; LégDorVignBatallD 807; ArmArgM 641 [Sinople est la quarte couleur, qui est verte, et represente les aabres et herbes de sur la terre et toute joieuseté]], TL 4,1740; Gdf 4,666b; 10,51c; TLF 10,772a [‘vieilli ou littér.’]; Frantext; FEW 4,81b [«15.jh.-Widerh 1675»])
joiement m.
[ÉtymologieDérivé en -MENTUM qui forme des substantifs déverbaux d’un sens consécutif et collectif et qui peut aussi s’ajouter à un substantif, cf. MLFrGr II2 § 81.]
(jhoiement ElucidaireIT M III 118 ms. mil. 14es.)
  • “la joie considérée dans sa manifestation, dans ses expressions” (ms. mil. 14es., ElucidaireIT M III 118(39) [Et por lor jhoiemant seront li juste plus glorefie et en louant dieu sans fin, Amen])
joiel adj.
(joiel GuillTyrB XIII 16,-2 p. 580; ArtusS 8,28; AldL 199,14 [-aus]; AnticlC 3216 [-aus]; MenReimsW 71 var. ms. 14es. [-aus], jöel 1erq. 13es. BalJosAnS 9414, joioul PsLorrA 111,5(40))
  • “qui éprouve de la joie” [→ joie 1o]⁠ (1erq. 13es.1365, BalJosAnS 9414 [il (le roi) meïmes an contre els Aloit, molt liés e molt jöels. A grant onor les recevoit]; GuillTyrB XIII 16,-2 p. 580; ArtusS 8,28; AldL 199,14 [Des piés… Qui les a petis et biax, si doit estre ameres de femmes, et liés et joiaus]; AnticlC 3216; MenReimsW 71var.; [PsLorrA 111,5], Gdf 4,647b; FEW 4,81b [survit dans des dial. mod.])
joiaument adv.
  • “avec joie, joyeusement” [→ joie 1o]⁠ (1288, JJourB 12 [faire chose qu’a Diu plaise, De quoi je suis a grant mesaise Veul desormais a Dieu entendre Et joiaument ma disme rendre], TL 4,1715; Gdf 4,647a)
joiete f.
(joiete av. 1266 AssJérJIbE 560,13, joiette AssJérJIbB 249 var. ms. 1648)
  • ⁠t. de droit “jouissance (de biens) par usufruit” (av. 1266, AssJérJIbE 560,13 [ne mei ne ma dite feme ni avons ni ne devons avoir en cestui dit fié que la joiete (var. joye, issue) des biens a nostre vie; v. le contexte plus long cité sous joie 2o t. de droit]; [AssJérJIbB 249], DC 4,423b(41); Lac 7,109a; Gdf 4,648b(42))
contrejoie f.
  • “émotion contraire à la joie” [→ joie 1o]⁠ (NoomenFabl no 86,12 [Jadis avint d’un chapelein… Mout ot a mengier et a boivre… Une crasse oue avoit en mue: C’ert un oisel de primevere. Or orrez ja com le provoire Fu bien servi de sa crasse oie, Com en avendra contrejoie], TL 2,797; GdfLex 101b; FEW 4,81b)
(1) FEW 4,81b enregistre afr. joie avec la déf. “compliment de félicitation” provenant de Millet 17 qui ne fournit pas d’att.: à biffer.
(2) Y sont cités à tort ErecR 6142 qui est à ranger sous joie de la cort et PercH 2580qui est à ranger sous faire joie, v. ci-dessous.
(3) Il faut supposer que ce sens vit dep. 2eq. 12es., même s’il y a une lacune d’att. entre prob. 1490 MistSGenisM 2815 et 1833, cf. TLF 10,721a.
(4) La joie de la cort désigne la joie de la cour du roi Evrain (cf. ErecD p. 1104, n1 et 2) qui était perdue et qui était rétablie seulement avec la réussite d’une aventure dangereuse que finalement accomplit Erec. L’épisode de la joie de la cort s’étend de ErecR 5416 à 6358. Cf. Kelly R 92,352ss; Meneghetti CCM 19,4,371-379.
(5) Joie au sens religieux est attesté dans nombre de formules d’invocation du type Dieu vos doint joie, souvent en combinaison avec onor ou santé. Aux att. citées infra s’ajoutent Perl1N 1549; DurmG 755; GaydonG 8885; BeaumJBlS 4644; BeaumManS 2518; etc.etc., cf. LebsanftGruß p. 33ss.
(6) Il faut supposer qu’il s’agit d’une réduction de la formule d’invocation qui s’adresse à Dieu, cf. la rem. ci-dessus, et il est vraisemblable que cette formule a toujours vécu.
(7) Cf. Dean 691 (TM).
(8) Cp. frm. entendre les joies du paradis “être témoin de quelque divertissement ou plaisir sans pouvoir y participer» (Fur 1690-Lar 1931, FEW 4,81b).
(9) Ed. J.C. Laidlaw, The poetical works, 1974, p. 321 (TM).
(10) Cp. frm. joie infinie / éternelle, TLF 10,720b.
(11) V. H. Hagen, Catalogus codicum Bernensium, 1875, p. 100.
(12) Cp. perdurable joye de paradiz, JSaintréE 125, v. supra, et joie sanz fin pardurable des cieulx, MirNDPers8P 1069, v. supra.
(13) Dans la littérature le nombre des joies varie entre trois et quinze: il s’agit de l’Annonciation, de l’Immaculée Conception, de la Naissance de Jésus-Christ, de l’apparition des trois Mages, de l’Ascension de Jésus-Christ, de l’Assomption de la Sainte Vierge; etc. Les joies peuvent faire partie du contenu des prières à la Sainte Vierge. Pour les mss. contenant des prières, cf. Dean 740-770.
(14) TissierFarce 4,199,45 donne une att. de 1496 de quinzes joyes où il n’est pas sûr si le texte fait référence aux quinze joies Notre Dame ou bien aux quinze joies de mariage, v. ci-dessous.
(15) RézeauIncip p. 517: 2780 cinq joies; 2887 cinq joies de la Vierge; 2915 .v. joyes Nostre Dame; 4299 cinq joies de la Vierge; R 48 cinq joyes de Nostre Dame; R 450 cinq joies; R 247 joies de Marie; R 448 sept joyes; R 1305 .ix. joies; R 345 .xii. joies; R 896 joie (éditions et manuscrits divers). V. aussi RézeauPrières p. 14.
(16) L’att. MirAgn2K 11,81 est rangée sous la déf. “méton. Gebet an Nostre Dame, das von ihren ‘joies’ handelt”.
(17) L’auteur de ‘Quinze joies de mariage’ parodie les quinze joies Nostre Dame, cp. ci-dessus. Il s’agit d’une satire qui relate les malheurs des hommes mariés et qui est basée sur l’idée que l’homme qui se marie entre dans une sorte de prison.
(18) Cp. joies de mariage “joies de peu de durée” (Trév 1752-Lar 1931, FEW 4,81a).
(19) Cp. ib. mfr. frm. dame de joie “id.”.
(20) NicBozCharV 261 est rangé sous faire la joie “to greet”.
(21) Cp. mfr. froide joie “sentiment contraire à la joie” MistR 37890; EvQuenJe 1226; FEW 4,81a [Est 1549-Stoer 1625], et avoir froide joye de sa peau “avoir la chair de poule”, doc. 1558, Gdf 4,647a; FEW 4,81a. Malvaise joie, SermMaurR 55,53; 59 (= SermMaurPB 222), n’a rien à avoir avec male joie.
(22) GuillAnglW 2510 et AimonFlH 9276 sont rangés sous “Feier zu Ehren jemandes”.
(23) Cet emploi est à séparer des att. du type tel joie com ele me fist, OvArtElieK 962; les goies que tu m’as fait, JMoteVoieP 3914; faire joie au coer, HLancA1 225,4; etc.; les att. sont ici rangées sous notre sens premier de joie; v. aussi → faire. Corriger AND 369a qui enregistre HLancA1 225,4 sous faire joie a et qui définit “to gladden”.
(24) TL, FEW 4,81a et nombre de gloss. définissent “faire un accueil aimable à qn”, sens qui tient aux contextes de plusieurs att.
(25) Cet emploi est à séparer de de joie “avec joie” (v. TL 2,1216,29 ‘modal’) et “causé par la joie” (v. TL 2,1218,33 ‘causal’); les emplois sont ici traités sous → de; TL 4,1720 les enregistre sous joie.
(26) Pour le proverbe Nul doel sordoleir, ne nule joye sorjoÿr, cf. sorjoïr sous → joïr (J 513,14).
(27) Pour des prov. mfr., cf. ProvM 424; 894; 2006; 2224; DiStefLoc 454a. Pour le prov. Mius vaut morir a jöe que vivre a onte, GlAbrR p. 41 (= ProvM 1272), cf. sous → honte, H 569,10.
(28) Wunderli veut expliquer joie par l’influence de l’aocc., la langue du traducteur inconnu du texte, cf. EschieleMahW p. 21s.
(29) Le FEW renvoie à StN 15,204 où on trouve jewes, BibbFW 93,2, qui est à ranger sous joiel, v. sous → jeu, J 346,43.
(30) Cité dans Gdf 4,647a comme ‘Poët. av. 1300’; identification de l’att. avec RomPast aimablement fournie de G. Roques.
(31) Ne connaissant que les att. d’Erec, Cliges et GuillAngl et aussi celles d’Eructavit (champ.mérid. [?]), Dubois, R 82,457, attribue joie au masc. à Chrétien de Troyes.
(32) Jenkins, p. XLIs., doute de l’existence de joie au masc. et, en écrivant joié dans son édition, il comprend joiel: peu convaincant.
(33) Ce vers a subi maintes corrections par les éditeurs (v. la note FolTristOxfH p. 138) qui ne nous semblent pas nécessaires; cp. OvArtElieK 962 (tel joie com ele me fist). Cf. la rem. sous → joi1. Cet emploi est à séparer de faire joie a qn, v. infra; cp. note 23.
(34) Cite une att. de joyeux tirée de Poët. av. 1300 III 978. Il s’agit là du ms. Ars. 3305, copie de BN fr. 12615 (fin 13es.), faite au 18es.. Il paraît bien que joyeux est une forme rajeunie; l’att. reste à identifier. Renseignement aimablement communiqué par G. Roques.
(35) Cp. StimmingMot p. 90 [Il a plus en mon cuer joie Qu’en touz les menuz oisiaus dou bois]; Ziltener 3772.
(36) Pour por joios afaire, JMoteRegrS 1340, v. sous → afaire.
(37) Cf. joie (Nostre Dame) ci-dessus.
(38) Même lorsqu’on trouve la Joiose aussi dans les mains d’autres chevaliers il s’agit toujours de l’épée de Charlemagne.
(39) L’att. se trouve dans une longue addition au texte qui figure uniquement dans ce ms., cf. ElucidaireIT p. 25.
(40) Gdf 4,647b cite joiaul, ms. Maz.798: à corr.
(41) Cité comme ‘chap. 265’, repris par Lac et Gdf: ne correspond pas aux concordances donnés dans l’éd. E p. 559.
(42) Cité par erreur sous la forme de roiette dans Gdf 7,225c: article roiete à supprimer (Matsumura RLiR 68,585.