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jus2 adv.
[ÉtymologieLe lt. DEORSUM “en bas; au-dessous” (ThesLL 51,559) s’est développé regulièrement pour aboutir au 4es. à lt.tard. josum (2em. 4es., diossum, josum, Chiron, ThesLL) et jusum (1em. 5es. Macrobius, ThesLL(1)). Ces évolutions sont phonétiques, ō pouvant passer à ū devant r précédant une consonne, selon StotzLaut § 39.6(2), et rs passant à s (deosum, 2es. av. J.-Chr., Caton, etc., comme sursum > sūsum, à partir de Caton, d’où it. esp. suso et fr. sus), v. StotzLaut § 238.1; VäänänenIntro 62. Mais il est possible que la position complémentaire et antonyme par rapport à sursum et la collocation sursum deorsum “de haut en bas, de bas en haut” (Terence, etc.) aient favorisé la forme jusum(3). Les langues rom. conservent les deux résultats: d’une part occ. jos (dep. ca. 1200, Rn 3,591a; Lv 4,274a; FEW 3,43b), cat. jos (dès 1343, AlcM 6,802b; CoromCat 4,928b), aarag. joso (doc. dès 1060, CoromCat 4,928a), roum. jos (TiktinMir 2,513a), ait. joso (ca. 1200, Ritmo Cass., Monaci 25,44; § 49 [dial.]; 214 [id.], FEW 3,44a), sard.centr. yòsso (WagnerDiz 1,710a), rhéto-rom. giò DiczRGr 7,248a; 265b, etc., d’autre part fr. jus, frioul. ju (Pirona 489a), lad. jö (KramerDol 4,128), it. giuso, giù (dep. fin 13es., Battaglia 6,855c; 904c), cat. jus (dep. fin 13es., AlcM 6,802b; CoromCat 4,927b), aesp. yuso (935-15es., Oelschläger 113b); port. juso ([883]; dep. 1267, Mach 1995 3,359b). Pour le mlt. jusum et josum v. DC 4,478c; LathamDict 1,1504a.
Le sémantisme simple se modifie en apparence seulement en fonction du verbe, verbe de mouvement, d’action ou d’état. Cette condition a créé dans la lexicographie des ‘définitions’ acceptables (p.ex. “down; to the ground; on the ground”, AND), mais souvent inacceptables (“par terre”, passim; aussi couper jus qch. “couper, afin de faire tomber par terre”, RenMontrV, et sim.: sans limites(4)). TL a essayé un groupement intéressant, largement tributaire de l’interprétation des constructions et contextes. Le résultat aurait pu être tout autre; un ‘sens’ comme “weg, ab”, documenté par un seul contexte, semble particulièrement douteux (Le sanc jus de ses plaies tert, LancU 3150): c’est le résultat d’une décomposition de l’all. wegwischen et abwischen “essuyer” (Uitti traduit erronément ‘Il étanche le sang qui coule de ses plaies’).
Formes contractées: çaïs = ça jus (FetRomF1 574,8 “ici-bas”; etc.), v. TL 2,13; 4,1889,49; → ça; – laïs = la jus, v. TL 5,73; 4,1890,16 [la jus].
Rem.: Jus fait paire avec l’adverbe sus “à un niveau supérieur”, v. l’étude de L. Foulet, “L’effacement des adverbes de lieu”, R 69,1-79. Les deux se rencontrent souvent dans les contextes, p.ex. dans PhThComp (cité infra), aussi comme formule figée: sus et jus (p.ex. fuient sus et jus, GautArrErR 5844; querre et sus et jus, CligesG 4714), v. TL 4,1890,45; 9,1090 [bon sus, bon jus]; Lac 7,124a; Gdf 4,675c; v. → sus. – Sans verbe, jus peut prendre la fonction d’interjection dont le sens est déterminé par le contexte (p.ex. Or jus !, ‘descendez maintenant d’où vous êtes montés’, BodelNicH 1526; Or jus !, ‘mets-le maintenant ici à terre’, ib. 1353). – Jus est suivi d’un régime seulement si celui-ci est introduit par de (jus des murs, RobClariD LXXV 4, R 69,8; TL 4,1890,27; Gdf 4,675b). – TL 4,1890,40 enregistre que d’amont que de jus (Par la riviere furent li tré tendu, Quatre lieuees, que…, MortAymR 604); il s’agit là d’une collocation occassionnelle de que… que distributif “tant… que”, les de ayant une fonction respective. – AND 230a enregistre enjus adv. sur la seule foi de BrendanW 1354, où il faut lire en jus: Ovoec la nuit un jurn sui sus, Puis altretant demoir en jus (var. redemore jus; ça jus); erreur reprise du gloss. (Aspland id.).]
Rem.: Jus fait paire avec l’adverbe sus “à un niveau supérieur”, v. l’étude de L. Foulet, “L’effacement des adverbes de lieu”, R 69,1-79. Les deux se rencontrent souvent dans les contextes, p.ex. dans PhThComp (cité infra), aussi comme formule figée: sus et jus (p.ex. fuient sus et jus, GautArrErR 5844; querre et sus et jus, CligesG 4714), v. TL 4,1890,45; 9,1090 [bon sus, bon jus]; Lac 7,124a; Gdf 4,675c; v. → sus. – Sans verbe, jus peut prendre la fonction d’interjection dont le sens est déterminé par le contexte (p.ex. Or jus !, ‘descendez maintenant d’où vous êtes montés’, BodelNicH 1526; Or jus !, ‘mets-le maintenant ici à terre’, ib. 1353). – Jus est suivi d’un régime seulement si celui-ci est introduit par de (jus des murs, RobClariD LXXV 4, R 69,8; TL 4,1890,27; Gdf 4,675b). – TL 4,1890,40 enregistre que d’amont que de jus (Par la riviere furent li tré tendu, Quatre lieuees, que…, MortAymR 604); il s’agit là d’une collocation occassionnelle de que… que distributif “tant… que”, les de ayant une fonction respective. – AND 230a enregistre enjus adv. sur la seule foi de BrendanW 1354, où il faut lire en jus: Ovoec la nuit un jurn sui sus, Puis altretant demoir en jus (var. redemore jus; ça jus); erreur reprise du gloss. (Aspland id.).]
(jus ca. 1000 SLégerA 176; 224; AlexisS2 146; 486; RolS 1955; 2040; 2291; 2491; 2840; 3437; 3941; BrendanW 385; 812; 1074; 1417; PhThCompS 400; GormB 77; WaceMargK A200/T199; M379; WaceConcA 1522; GrantMalS1 12d; WaceNicR 596; etc.etc.SLégerA, juc BelleHelR 9897(5), juz RolcF CCVIII 4 (3336) ⟨: -uz⟩, jos ca. 1000 PassionA 138(6); MoamT I 58,2; II 58,8; 60,3,4 ; 86,6;7 ; III 8,20(7), ju PrêtreJeandG 1045 ms. 15es. (= yG jus), agn. jous BibleHolkP 24,7; 34,3; 70,11, juus BibleHolkP 6,22, pic. juis FloreaL 1884 ⟨: huis⟩, s. l. gieus GuillDoleL (ms. frc.) 329; 4164)
- ◆adv. désignant un lieu “à un niveau inférieur” [dépendant du verbe, de l’objet, et de la combinaison avec des prépositions et des adverbes, la traduction peut varier beaucoup: à bas, vers le bas, en bas, etc.] (ca. 1000 – 1582(8), SLégerA 176; 224; PassionA 138; AlexisS2 146 [s’asist la medre jus a terre]; 486; RolS 1955; 2040 [Repairez est de [la] muntaigne jus]; 2291 [Jus a ses piez si l’ad tresturnét mort (l’adversaire)]; 2491; 2840; 3437; 3941; BrendanW 385 [metent veil jus (au bateau)]; 812 [il, dormant, giseient jus]; 1074 [(le pilier merveilleux) As funs de mer descendeit jus]; 1417 [(les diables) jus me rüent, U li altre mals me müent]; PhThCompS 400 [Zodïacus…: Cancer est al chef la sus, Capricornus est jus]; GormB 77; WaceMargK A200/T199; M379; WaceConcA 1522; GrantMalS1 12d; WaceNicR 596; etc.etc.SLégerA, TL 4,1885; Gdf 4,675a; Lac 7,124a; AND 372b; Hu 4,738b; FEW 3,44a)
●dejus adv.
- ◆“à un niveau inférieur” (1erq. 12es. – 14es., BrendanW 1238 [Peril devant, peril desus, Peril detriers, peril dejus (battu par la mer)]; EneasS1 7626; Aiol2F 9515 [cha dejus]; AlexParA IV 383 [(tout le pays:) desi as mons de Tus (var. m. dejus), A destre et a senestre et d’encoste et dejus, var. et dejus et desus; et desus et dejus; amont et bas et jus; et delez et dejus]; DoonRocheM 1352 [Or est Landris aval, ça dejus a la porte]; AlgorBodlW 240 [calcul]; 438; SGregJeanS 943 [Il garda devant et derriere, Dessus et dejus (impr. de jus) et sour coste, Mes il ne trouva pas sen hoste]; AlexParA II 2255 var. ms. It. 14es., AND2 669a; TL 2,1323; Gdf 2,479a; FEW 3,44a, survit dans la région de Metz, v. FEW)
- ◆subst. “ce qui est inférieur” [dans des contextes au sens fig.] (ca. 1170 – 2em. 13es., BenTroieC 6336 [Ne sui mie si al dejus Por quei jo face hontos plait]; SSagOctS 2701 [Tes sires ert mis au dejus Et tu seras tout au desus]; AlexParA I 597var. [Que tant ne te guerroit qu’il vendra au desus, (v. 597:) Si que par vive force te metra en reclus, var. t[e] m[etra] au dejus], Lac 5,36b; Gdf 2,479a; TL 2,1323; FEW 3,44a)
(1)
Cf. jusanus m. “l’inférieur” chez Oribasius, d’où aocc. juzan adj. “inférieur” (doc. 1294/1343, etc., Lv 4,291b), cat. jus(s)à, -na adj. (dep. fin 13es., AlcM 6,803a; CoromCat 4,929a), fr. (norm.) jusant m. t. de mar. “reflux de mer” (dep. 1634, FEW 3,44a, avec n. 2). Le FEW (n. 1) invoque aussi des noms de lieu champ. (Longnon 231: Curtjusaine et sim.), aj. Gröhler 2,30: lorr. et wall. Cf. aussi Pierrejeux (Perjut en 1090 et 1130, aussi Pierrejus), hameau près Orny, Verny, Metz (Das Reichsland Elsass-Lothringen, Strasbourg 1901-03, 838b, Pfister MélHubschmid 672), aussi Pierrejux, en amont de Gray, HSaône.
(2)
«vielleicht als dialektale Eigenheit, schon im Altlatein und im antiken Vlt.» semble venir de LöfstedtLgb 82; celui-ci est très prudent (76-83).
(3)
Il ne faut pas penser que c’est le fr. sus qui ait légué sa voyelle ([u] ou [y] ?) à jus, comme Foulet le laisse entendre (R 69,25s.). L’évolution [u] > [y] s’étend sur plusieurs siècles à partir du mil. du 8es., à l’Est du 10e au 13es., avec des survivances du [u] dans des dial. wall. mod. (cf. Windisch, mél. Szemerényi, p.p. B. Brogyani, 1992, 339-352, travail pas toujours documenté). Pope § 749: simple contamination.
(4)
Allant jusqu’aux contresens: “de près” (se fist raire [raser] tout jus, Froiss, Lac), “sur” (laver le sang… jus d’eulx, Percef, Lac), et “en arrière (de)” (reculant jus du pont, MelusArr, Gdf 4,675b).
(5)
Forme exceptionnelle dans cette chanson, précédée de brac “bras”: le brac juc trenchié.
(6)
Corrigé en jus, ce qui paraît superflu selon le § 56 de l’éd.; il pourrait s’agir d’une forme occ. – ChevCygneNaissT 968 jos est lu tos dans l’éd. M, var. sus et jus.
(7)
La voyelle semblue due à l’it. sept.
(8)
Est aussi dans Cotgr 1611 et Nic 1621; vit dans les dial., v. FEW.